L’intégration des immigrés et de leurs descendants est possible

L’expulsion avant-hier de l’imam Mahjoub Mahjoubi, installé en France depuis 1986, vers la Tunisie, son pays d’origine, à la suite d’un prêche partagé sur les réseaux sociaux où il aurait qualifié le «drapeau tricolore» (terme par lequel les Français désignent leur drapeau) de «satanique», pose de nouveau le problème récurrent de l’intégration des immigrés dans leurs pays d’accueil.

Par Khémaïs Gharbi *

L’éducation et la transmission des valeurs culturelles jouent un rôle essentiel dans le processus d’intégration des immigrés et de leurs descendants. En cultivant un équilibre entre les racines d’origine et l’adoption des normes sociales du pays d’accueil, on favorise une intégration réussie, où chaque individu peut s’épanouir pleinement tout en contribuant positivement à la société qui l’accueille.

Depuis des décennies, le phénomène de l’immigration a façonné les sociétés occidentales, apportant avec lui son lot de défis et d’opportunités. L’intégration des immigrés et de leurs descendants dans leurs pays d’adoption est un sujet d’une importance cruciale, tant pour la stabilité sociale que pour le bien-être individuel. En tant qu’immigrés de la première génération, nous sommes conscients de notre responsabilité envers nos pays d’accueil et de l’importance de cultiver le respect et l’harmonie au sein de ces sociétés qui nous ont ouvert leurs portes.

Contexte historique de l’immigration et défis de l’intégration

L’histoire de l’immigration arabe et musulmane en Occident est marquée par différentes vagues migratoires, remontant parfois à plusieurs siècles. Il y a eu aussi, à travers l’histoire, des flux migratoires dans le sens inverse, du nord vers le sud.

Si les premiers temps ont souvent été marqués par une certaine acceptation et intégration, parfois forcées et/ou subies, notamment en Amérique du Nord et du Sud, les époques plus récentes ont connu des tensions accrues en Europe, en particulier après la Seconde Guerre mondiale. Les mouvements de décolonisation et les bouleversements politiques au Moyen-Orient ont exacerbé les frictions entre les populations locales et les nouveaux arrivants.

Les défis de l’intégration sont multiples et complexes. Ils incluent des tensions sociales, politiques et culturelles, alimentées parfois par des facteurs externes (notamment les conflits au Moyen-Orient et l’engagement inconditionnel des pays occidentaux aux côtés d’Israël). Les différences religieuses, linguistiques et socio-économiques peuvent également contribuer à des malentendus et à des préjugés, rendant l’intégration plus difficile pour certains groupes.

Les migrants, leurs droits et leurs devoirs

Pourtant, malgré ces défis, de nombreux immigrés et descendants ont réussi à s’intégrer pleinement dans leur société d’accueil. Ils ont contribué de manière significative à l’économie, à la culture et au tissu social de leur pays adoptif. Ils ont élevé leurs enfants dans le respect des valeurs locales tout en préservant leur identité culturelle, créant ainsi des ponts entre les différentes communautés.

Les migrants ont des droits, mais aussi des devoirs envers leur pays d’adoption. Le respect des lois, des valeurs et des normes sociales est essentiel pour une intégration réussie. Les exemples de migrants qui se considèrent autant membres de leur société d’accueil que de leur culture d’origine illustrent parfaitement cette idée. En respectant les lois et en contribuant positivement à la société, ils montrent l’exemple et favorisent l’harmonie sociale.

Dès les premières années de mon arrivée en Belgique, il y a presque 60 ans, la question cruciale de mon avenir puis celui de ma famille après mon mariage, s’est posée : allions-nous devenir des transfrontaliers ou établir une transplantation définitive dans ce pays ? Après mûre réflexion, j’ai opté pour l’enracinement de ma famille en Belgique, tout en préservant nos origines et notre identité culturelle. Pour ce faire, j’ai pris l’initiative de créer les conditions propices à cette intégration harmonieuse, conscient que l’assimilation n’était pas notre objectif.

Dans cet esprit, j’ai consacré une partie importante de l’éducation de mes enfants à leur transmettre nos racines respectives, celle de leur mère et de moi-même, afin qu’ils en soient fiers et qu’ils comprennent d’où viennent leurs parents.

Combiner fièrement les différentes racines

Parallèlement, nous avons organisé des visites régulières pour leur faire découvrir la Belgique : son histoire, ses musées, monuments, traditions culturelles, écrivains, peintres, fêtes locales et nationales. Tout était prétexte à une exploration enrichissante de leur environnement, leur permettant de se sentir pleinement intégrés à leur nouvelle patrie.

Pour la Tunisie, mon pays d’origine, des vacances annuelles sur place leurs permettaient de connaître l’autre moitié de leur histoire. Du musée du Bardo aux vestiges de Carthage et de l’amphithéâtre d’El-Jem, en passant par Kairouan, quatrième ville sainte de l’islam, jusqu’aux troglodytes de Matmata, rien ne leur était épargné pour bien connaître le pays natal de leur papa et de s’instruire de ses appartenances millénaires.

Grâce à cette double approche, mes enfants ont grandi dans le respect des lois et des coutumes de leur pays d’accueil, tout en préservant leur culture d’origine, celle de leur père. Ils ont ainsi pu développer une identité solide, combinant fièrement leurs différentes racines. Deux citations que j’ai écrites pour eux résument parfaitement cette philosophie d’intégration harmonieuse : «Ceux qui ont plusieurs racines feront les arbres les plus forts» et «Comment peut-on ne pas aimer et respecter un pays dans lequel on vit, on travaille, on aime et on meurt ?».

En conclusion, l’éducation et la transmission des valeurs culturelles jouent un rôle essentiel dans le processus d’intégration des immigrés et de leurs descendants. En cultivant un équilibre entre les racines d’origine et l’adoption des normes sociales du pays d’accueil, nous favorisons une intégration réussie, où chaque individu peut s’épanouir pleinement tout en contribuant positivement à la société qui l’accueille.

* Traducteur et écrivain.

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