Les potins du cardiologue: Mort en détention d’un médecin et nécessité de fournir à la justice les moyens de sa tâche

Un médecin, soupçonné de trafic de psychotropes, est mort en détention. Mis à part le drame humain contingent, qui associe à une perte humaine la souffrance des familles, il faut évidemment établir les responsabilités. Y a-t-il eu une violation de la loi?

Par Dr Mounir Hanablia *

Le patient a été incarcéré sur mandat de dépôt établi préalablement par le parquet selon les normes juridiques en vigueur. La maladie d’un patient n’a jamais été une justification légale à son maintien en liberté, malgré l’état notoirement délabré, ou sinistré, de l’institution pénitentiaire dans le pays.

En outre, l’accusation, jugée crédible, portait sur un trafic, autrement dit une association de malfaiteurs, et on peut concevoir que dans ce contexte, celui de l’accusation, il s’agissait  d’en ôter à un membre présumé toute possibilité de communiquer avec ses complices.

Que le Parquet ait fait preuve de fermeté dans le cadre légal en vigueur peut donc se concevoir, il faut bien en convenir. Il n’en demeure pas moins, eu égard aux informations disponibles, qu’étant tombé malade durant son incarcération, ou étant porteur d’une maladie qui se serait aggravée, ce médecin eût dû en principe comme tout autre prisonnier dans la même situation, bénéficier de l’assistance d’un médecin de la prison et transféré à l’hôpital pour y être soigné.

C’est donc à ce niveau que les responsabilités se situent probablement.Y a-t-il là une hostilité délibérée contre la corporation médicale? Sans vouloir mettre en cause le discours populiste du chef de l’Etat, eu égard à cette triste affaire, rien ne vient confirmer une telle hostilité, d’autant que les informations sur les mises en détention des médecins, ou de la mortalité carcérale, ne sont à ma connaissance pas accessibles.

Si on peut encore comprendre que dans le cadre d’une erreur médicale non avérée un médecin comparaisse libre devant le juge, la loi se durcit singulièrement quand l’accusation porte sur des substances illicites ou une fraude. Fondée ou non, l’accusation pose problème lorsqu’elle est portée par des personnes malintentionnées, cette éventualité étant  malheureusement fréquente, et toute plainte aussi saugrenue soit elle se trouve légalement faire l’objet d’un dossier et d’une enquête appropriée, même quand elle émane de personnes à priori dénuées de toute crédibilité, tant bien même les faits rapportés ne soient plus passibles de poursuites.

En outre, et il faut le dire, les agents chargés de recueillir les premières dépositions sont notoirement rares, souvent surchargés de travail, parfois insuffisamment formés pour la tâche requise, quand ils ne sont pas tout simplement incompétents. Or c’est souvent sur ces rapports préliminaires que le parquet, lui-même submergé par les dossiers, se base pour prendre des décisions aussi cruciales que le maintien ou non en détention de l’accusé.

Donc avant de mettre en cause une quelconque volonté de nuire à la profession médicale, ou d’incriminer le climat politique, il convient à mon avis de demeurer lucide et de demander que l’Etat, en manque de ressources, épargne à la Justice l’austérité à laquelle est soumis le secteur public, et lui fournisse les moyens nécessaires à l’accomplissement adéquat de ses responsabilités.

Ceci étant, une explication officielle de cette mort en détention, qui jusqu’à présent se fait attendre, est une nécessité non seulement humaine, mais politique, à laquelle le ministre de la Justice ne doit pas se soustraire.     

* Médecin de libre pratique.

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