Le limogeage du directeur général de l’Institut national de la statistique (INS) Adnan Lassoued et son remplacement par Bouzid Nsiri, par décret n° 2024-168 du 21 mars 2024 publié sur le Journal officiel (Jort), suscite des interrogations dans les milieux économiques tunisiens.
Par Imed Bahri
Pour certains, il s’agit d’une décision banale qui entre dans le cadre des changements habituels à la tête des institutions publiques afin d’assurer leur pérennité et leur évolution.
Pour d’autres, ce limogeage a une portée politique et traduit un mécontentement du pouvoir exécutif après les dernières statistiques, très négatives, publiées par l’INS sur l’état de l’économie nationale, notamment le taux de croissance au cours de 2023 fixé à 0,4% et le taux de chômage, établi à 16,4% au quatrième trimestre de 2023, contre 15,2% à la même période de 2022. Ce qui traduit clairement la détérioration de la situation économique dans le pays observée par tous les experts et qu’attestent beaucoup d’autres indicateurs, sans parler des rapports alarmants des agences de notation internationales.
Cela a, semble-t-il, obligé la présidence du gouvernement à publier ce qu’elle a appelé un «Pour mémoire», hier, vendredi 22 mars 2024, où elle souligne l’amélioration continue de l’économie tunisienne, le maintien de la stabilité du dinar, du déficit budgétaire à 7% et du taux d’inflation à 7,5%, le déblocage de certains grands projets, la progression de la transition énergétique, et d’autres «bonnes nouvelles» du même acabit, en précisant, au passage, que «les partenaires de la Tunisie sont impressionnés par la résilience économique, financière et budgétaire [de notre pays]… et ce en dépit d’un contexte géopolitique complexe» (sic !)
Quoi qu’il en soit, nous préférons donner foi à la première explication, qui nous semble la plus vraisemblable, car l’INS, aux pires périodes de la dictature, a toujours su préserver une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif pour produire des statistiques crédibles utilisées sans réserve par les institutions internationales. Et nous estimons que le successeur de M. Lassoued, Bouzid Nsiri en l’occurrence, un pur produit de l’administration publique, va poursuivre sur cette même voie tracée par tous ses prédécesseurs afin de garder le même niveau de précision et de crédibilité aux statistiques publiées par l’INS, et sur la base desquelles sont construites les politiques du gouvernement dans tous les secteurs. Sinon, il y aurait des craintes à avoir…
Il convient de rappeler, à ce propos, que M. Lassoued est un économiste statisticien ayant travaillé pour le Fonds monétaire international (FMI), mais on ne sait pas grand-chose sur son successeur, M. Nsiri, sinon qu’il a été jusque-là directeur de la planification et des études au ministère de l’Education.
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