Tunisie : Kaïs Saïed entre vœux pieux en actions concrètes

A chacune de ses interventions publiques, Kaïs Saïed rappelle aux responsables du gouvernement, au cas où ils les auraient oubliés, les principaux axes de sa gouvernance : «compter sur ses propres moyen», «traiter d’égal à égal» avec les partenaires étrangers et «préserver la souveraineté nationale» qui serait, selon lui, menacée par les ingérences extérieures.

Par Latif Belhedi

Ces thèmes, le président de la république ne se lasse jamais de les reprendre, ne craignant pas de lasser son auditoire. Il les a d’ailleurs repris hier, lundi 8 avril 2024, lors de sa rencontre, au Palais de Carthage, avec le chef du gouvernement, Ahmed Hachani.

Selon un communiqué de la présidence de la république publié à l’issue de l’entrevue, le chef de l’Etat a réaffirmé sa position sur l’impératif de compter en premier lieu «sur nos propres moyens» malgré les difficultés auxquelles est confrontée la Tunisie, ajoutant que ce choix a, jusque-là permis, de relever de nombreux défis dont, notamment, l’amélioration des équilibres financiers de l’Etat.

Pour le président Saïed, le recours à ce choix, qui est renforcé par une coopération extérieure «d’égal à égal» vis-à-vis des partenaires extérieurs, devrait permettre de répondre au mieux aux revendications du peuple tunisien d’une vie décente et de préserver, en même temps, la souveraineté de l’État et l’indépendance de la décision nationale.

Des réalisations qui se font attendre

Saïed a également souligné que les institutions de l’État doivent servir le citoyen à tous les niveaux, exhortant à ce titre tous ceux qui assument un poste de responsabilité à redoubler d’efforts, à faire preuve d’abnégation et à veiller scrupuleusement au respect de l’obligation de réserve et de neutralité.

Le président a souligné, par ailleurs, qu’il ne peut y avoir de prospérité et d’essor des nations sans valorisation du capital humain, ajoutant, à ce propos, que seule une volonté sincère et inébranlable est à même de permettre de relever tous les défis, et partant, de convertir les vœux pieux en actions concrètes.

On constatera, cependant, à ce propos, qu’on en est encore aux vœux pieux. Puisque, au terme d’un premier mandat qui s’achèvera dans quelques mois, le locataire du Palais de Carthage ne peut se prévaloir d’aucune grande réalisation dans aucun domaine. Et ce sont ces résultats concrets que les Tunisiens attendent toujours de celui auquel ils ont confié leur destin parce qu’il présentait un profil d’homme intègre et semblait résolu à «nettoyer» le pays. Sauf qu’en matière de «nettoyage», on est largement servi, puisque les prisons ne désemplissent pas – et on ne sait plus si on doit s’en féliciter ou s’en inquiéter-, alors que les réalisations se font désespérément attendre.

Coup de pouce au entreprises citoyennes

En recevant, le même jour, le ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Lotfi Dhiab, Saïed a évoqué un autre axe important de sa gouvernance : les entreprises citoyennes ou communautaires, dont il voudrait faire le fer de lance de sa politique économique et la base d’un nouveau modèle de développement qu’il voudrait instaurer, et qui serait, selon lui, plus égalitaire, à défaut d’être porteur de croissance et de richesse.

Il a, à cette occasion, passé en revue les obstacles et entraves rencontrés par les entrepreneurs lors de la création desdites entreprises citoyennes qui, selon lui, ont prouvé leur efficacité et efficience dans plusieurs gouvernorats du pays, efficacité et efficience qui restent encore à prouver, puisque ces entreprises sont pour la plupart encore dans la phase de création et de lancement et qu’on ne peut sérieusement juger de leur succès – ou de leur échec – qu’après quelques années d’activité et plusieurs bilans.

Le chef de l’Etat a, bien entendu, souligné la nécessité d’aplanir autant que possible ces obstacles, ajoutant que l’attrait des jeunes envers la création de ces entreprises doit être épaulé par un effort continu de toutes les parties prenantes.

Est-ce à dire que, pour être en phase avec les désidératas du président de la république, les instances publiques concernées doivent être plus indulgentes envers ces entrepreneurs improvisés et moins regardantes sur leur capacité à satisfaire les exigences et les conditions requises pour bénéficier des facilités et des largesses de l’Etat?

On espère que non, car, en cas d’échec des entreprises communautaires actuellement en cours de création, le retour de manivelle risquerait d’être douloureux pour leurs initiateurs, tout comme pour l’Etat, c’est-à-dire les contribuables que nous sommes.

Les Tunisiens, qui se souviennent encore des errements de l’administration tunisienne lors de l’expérience des coopératives lancées dans les années 1960 par Ahmed Ben Salah avec le soutien du président Bourguiba, n’aimeraient pas assister aujourd’hui à un remake de cette aventure sans lendemain qui a beaucoup coûté au pays.

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