Après le Niger, le Tchad ne veut plus de la présence américaine!

Vent de panique à Washington : Mama Africa se rebiffe incontestablement contre l’oncle Sam. Un revirement stratégique? Une révolution copernicienne sur le plan stratégique et militaire? Comment peut-on appeler le divorce qui est en train d’être consommé entre les pays du Sahel africain et l’Occident, d’abord avec la France et maintenant avec les États-Unis? C’est surtout un grand écart car ces pays sont en train de basculer complètement de l’escarcelle occidentale à l’escarcelle russe. Ce qui donne des sueurs froides à l’Occident. 

Par Imed Bahri

Dernier épisode en date le Tchad. C’est une lettre qui vient d’être ébruitée au début de cette semaine mais datée du jeudi 4 avril 2024 et signée du chef d’état-major de l’armée de l’air tchadienne. Cette lettre indique que l’armée de l’air a demandé à l’attaché de défense américain d’arrêter immédiatement les activités américaines sur la base aérienne de Koseï qui se trouve en plein centre-ville de N’djamena, la capitale tchadienne. Les Tchadiens invoquent que les Américains n’ont pas fourni les documents justifiant leur présence. CNN indique pour sa part que le Tchad menacerait même d’annuler l’accord sur le statut des forces qui régule leur coopération.

Bloomberg a rapporté que le Tchad est l’une des principales bases des forces américaines et que sa présence est menacée. Le Tchad est considéré comme un pays charnière pour les forces américaines en raison de sa situation géographique comme lien entre l’Afrique du Nord sur sa partie est et les pays d’Afrique centrale et orientale. Or la question qui tracasse aussi bien les officiels occidentaux que les observateurs est la suivante: Pourquoi le Tchad se détourne-t-il de Washington? Est-ce une manière de faire du chantage aux États-Unis à l’heure où les deux autres grands pays du Sahel africain, en l’occurrence le Mali et le Niger, ont rompu avec l’Occident ou bien le fils Déby (qui est au pouvoir depuis l’assassinat de son père en 2021) qui a senti le vent tourner dans la région veut prendre ses distances stratégiquement et militairement avec les Américains pour ne pas subir le même sort que ses homologues des autres pays du Sahel qui ont été chassés du pouvoir par des putschs opérés par des officiers pro-russes? Pour l’heure, personne ne peut répondre. La seule chose certaine c’est que Washington est très embarrassé. 

Les Américains dégagent

Le Tchad emboîte ainsi le pas à son voisin, le Niger, qui, lui, ne la fait pas du tout dans la dentelle. Après avoir expulsé les troupes françaises, Niamey a appliqué la même méthode avec les Américains. Il a été officiellement demandé aux forces américaines de quitter le pays, considéré leur présence illégale, annulé l’accord en vigueur à cet égard et gelé les licences de vol de drones et d’hélicoptères.

Le 19 avril, le Pentagone a commencé à retirer 1100 de ses soldats qui se trouvaient au Niger quant à la base aérienne 201 qui se trouve dans le nord du pays, qui est indispensable pour la collecte des informations dans la région et qui a coûté à Washington la bagatelle de 110 millions de dollars, personne ne sait ce qu’il en adviendra? Deviendra-t-elle une base russe, le nouvel grand allié du Niger et ce dans un ultime pied de nez à l’Oncle Sam? Why not? Rien ne nous surprend dans le monde dans lequel on vit aujourd’hui.

Par ailleurs, des milliers de manifestants qui dans la capitale Niamey ont appelé, samedi 20 avril 2024, au retrait des forces armées américaines quelques jours seulement après que la Russie ait livré du matériel militaire et des formateurs à l’armée du Niger.

Cependant, le courroux de Washington à l’endroit du Niamey n’est pas seulement nourri par l’expulsion de ses troupes. Le Niger a conclu un accord avec Téhéran pour la vente de l’uranium. Les Américains ont vu rouge et ont averti la junte militaire au pouvoir mais cette dernière n’y a accordé aucune importance. 

À Washington, l’heure est à l’angoisse. Le Pentagone commence à éprouver de grandes difficultés pour trouver des pays qui reçoivent leurs forces militaires de l’Africom et il observe avec une grande inquiétude les progrès d’autres pays notamment de la Russie.

Lors d’une récente session au Sénat américain sur la présence russe en Afrique et le retrait américain, le général Langley, chef du commandement militaire américain en Afrique, a déclaré devant la commission de la défense du Sénat que la Russie tentait de «reprendre le contrôle de l’Afrique centrale et de la région du Sahel africain à un rythme accéléré et elle est sur le point de s’emparer d’un certain nombre d’États grâce à la désinformation qu’elle diffuse depuis la Libye.»

Les déclarations du général témoignent aussi de la grande inquiétude du Pentagone face à l’expansion de l’influence russe vers la région du Maghreb (rive sud de la Méditerranée) considérée comme un maillon essentiel pour la sécurité européenne et occidentale en général. Il a déclaré: «Nous devons pouvoir assurer et maintenir notre accès et notre influence dans tout le Maghreb, du Maroc à la Libye.»

Khalifa Haftar et les Russes

Et le cauchemar des cauchemars, le danger des dangers et ce qui fait que les Occidentaux, Américains en tête, ont la boule au ventre c’est ce qui est mijoté en Libye entre Khalifa Haftar et les Russes. Il est question d’établir une base navale russe sur la Méditerranée en Cyrénaïque, la région contrôlée par Haftar ce qui veut dire une base russe sur le flanc sud de l’Otan. Et c’est du sérieux.

Déjà, début novembre 2023, Bloomberg avait révélé que la Russie prévoyait de construire une base militaire en Libye pour navires et avions dans la région de Tobrouk en accord avec Haftar. Il faut dire que le militaire octogénaire libyen rescapé d’un AVC s’accroche bec et ongles au pouvoir. Celui qui est appelé par ses partisans le maréchal Khalifa Belgacem Haftar et par ses ennemis le colonel à la retraite Khalifa Haftar est prêt à toutes les concessions, l’essentiel pour lui est de trouver un protecteur qui lui assure en échange de ces concessions de se maintenir au pouvoir et de le transmettre le jour voulu à l’un de ses fils qui sont ses plus proches collaborateurs.

Avec le Mali, le Niger, le Tchad, trois colosses du Sahel africain mais aussi la Centrafrique et le Burkina Faso et la Cyrénaïque libyenne contrôlée par Haftar, nous voyons aujourd’hui que Mama Africa se rebiffe contre l’Oncle Sam et se jette dans les bras de l’Oncle Vladimir.

Certes, le cynisme des Occidentaux qui s’illustre parfaitement depuis bientôt sept mois avec le soutien honteux de l’Occident à Israël qui perpètre un génocide atroce à Gaza est insupportable. Cependant, rien ne prouve que l’Oncle Vladimir soit un bon samaritain qui se lève tous les matins en pensant au bonheur de nos frères africains. La seule certitude c’est que notre continent demeure rongé par ses démons à savoir la corruption, la pauvreté et les guerres qui n’en finissent pas et ce n’est sûrement pas une puissance extérieure occidentale, russe ou autre qui va accourir pour résoudre les problèmes des Africains. Chacune de ces puissances demeure animée uniquement par ses propres calculs et intérêts. Tout le reste n’est que baliverne.

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