Plus que jamais, la dimension internationale et l’approche diplomatique de la problématique migratoire s’imposent à la Tunisie car il y va de plus en plus de la survie pure et simple de notre pays. (Illustration : migrants à El-Amra, Sfax. Ph. Anadolu).
Par Elyes Kasri *
Il n’est pas excessif de considérer que la crise migratoire qui secoue principalement la zone eurafricaine, en passant par la Tunisie, est un phénomène transfrontalier et de nature essentiellement internationale, donc à priori diplomatique.
La phase sécuritaire de ce phénomène qui intervient principalement après l’acte migratoire pour en traiter les épiphénomènes a montré ses limites depuis de nombreuses années.
L’extrême droite européenne qui, après avoir longtemps prôné une solution sécuritaire à cette problématique migratoire, a pris conscience que la diplomatie et les rapports de force internationaux pouvaient apporter de meilleurs résultats en déplaçant le problème ailleurs, faute d’y trouver des solutions radicales dans les pays émetteurs car cette approche serait susceptible d’aller à l’encontre des intérêts économiques ou géostratégiques de leurs pays ou de leur camp occidental.
Approche diplomatique du problème migratoire
La Turquie a su, dans une certaine mesure, exploiter cet angle diplomatique et a pu mettre à son profit économique et diplomatique ce phénomène migratoire.
L’approche tunisienne montre que notre pays est loin d’avoir trouvé le bon mix diplomatique, économique et sécuritaire pour gérer d’une manière qui préserve les intérêts sociaux, économiques, sécuritaires et diplomatiques du pays.
Il est à craindre que la poursuite de la démarche en cours et du déséquilibre entre les volets sécuritaire et diplomatique ne rende encore plus inextricable et coûteuse toute tentative de sortie de crise.
Plus que jamais, la dimension internationale et l’approche diplomatique de la problématique migratoire s’impose à la Tunisie car il y va de plus en plus de la survie pure et simple de notre pays.
Dans la situation délicate sur plusieurs plans qu’elle traverse, la Tunisie doit se garder de se laisser entraîner par les élans émotionnels et surtout dans les contentieux et querelles des autres, car elle risquerait de payer un prix insupportable pour sa stabilité, sa sécurité et peut-être même son existence en tant que pays souverain.
Pour une diplomatie de développement
Dans ce même contexte, les défis auxquels se trouve confrontée la Tunisie, suite aux blocages de la fin de règne de feu Ben Ali et aux errements, mauvaise gouvernance et opportunités gaspillées depuis 2011, risquent de devenir irrémédiables si, par mégarde et faux calculs, on devait leur ajouter le fardeau des querelles et la fuite en avant politique et sécuritaire de certains pays voisins.
Plus que jamais, une diplomatie sereine et visionnaire est, avec tout le respect dû à l’armée nationale, la première ligne de défense de la stabilité, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays.
L’histoire ne sera pas clémente envers une diplomatie qui, par mégarde ou passivité, ne parviendrait pas à remplir la mission qui lui est dévolue par la conjoncture internationale volatile et à jouer pleinement le rôle qui lui revient pour aider son pays à contourner les écueils et les courants défavorables et lui permettre d’atteindre sa destination et ses objectifs avec le minimum de coût en contribuant, dans toute la mesure de ses attributions et compétences, à la réalisation des aspirations nationales à l’invulnérabilité, la stabilité et la prospérité.
L’heure est à une diplomatie de développement, militante, patriote et engagée, loin du mimétisme et des inhibitions bureaucratiques et à l’abri des axes et velléités extérieures tutélaires ou carrément dominatrices.
* Ancien ambassadeur.
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