Gaza: les nouveaux embaumeurs

Les cadavres se suivent et ne se ressemblent pas. Chaque dépouille a une histoire à raconter et chaque prélèvement d’ADN une lignée à remonter. Les familles des victimes, en récupérant leur mort, décrochent le portrait du disparu par résignation. Le glas sonne la fin de l’absence loin de la maison et le début du deuil. L’état-major et toute la classe politique d’Israël saluent ces nouvelles retrouvailles. Un linceul pour apaiser les peines. Curieuse consolation… (Illustration: On n’en finit pas d’enterrer ses morts des deux côtés).

Mohsen Redissi

A la recherche d’otages perdus

Des opérations de récupération sont menées conjointement par l’armée israélienne, les services secrets et les infiltrés dans les territoires occupés.

Gaza et ses environs sont balayés de jour comme de nuit par des drones et des satellites; tout mouvement suspect est analysé et disséqué à la recherche de caches d’hommes ou de visages connus. 

Les otages récupérés ne sont pas la conséquence d’infiltration du système de sécurité mis en place par Hamas mais le résultat d’aveux arrachés de la bouche de prisonniers en même temps que la peau de leur chair. La population civile subit les pires sévices. Les interrogatoires musclés et les menaces de mort contre tous les proches sont leur ‘pain quotidien. Le temps presse; chaque otage qui rentre dans un corbillard enfonce le Premier ministre Benjamin Netanyahu et expose au grand public sa mauvaise gestion du conflit. Il n’a ni libéré les otages, ni écrasé les combattants, ni détruit l’appareil militaire du Hamas. Chou blanc sur toute la ligne.

Yocheved Lifschitz, otage libérée pour des raisons humanitaires, a brisé le stéréotype ancré dans la conscience des Israéliens et de leurs alliés Occidentaux d’une façon générale. «Ils se sont bien occupés du côté sanitaire pour qu’on ne tombe pas malade; on avait un médecin qui venait tous les deux-trois jours», avoue-t-elle avant de subir un lavage de cerveau. Elle a été même filmée tenir la main d’un soldat du Hamas lors de sa libération.

Cadavres exquis

En versant la première goutte de sang, le Hamas croyait dur comme fer qu’après le choc brutal, les dirigeants israéliens allaient favoriser l’option diplomatique afin de libérer leurs otages. Sinon pourquoi s’encombrer de vieillards malades, d’insubordonnés et de cadavres? L’incursion a mis en branle-bas de combat la machine de guerre israélienne. ‘Delenda est Hamas’ criaient Netanyahu et ses acolytes.

Les organisations humanitaires, encore debout ou actives dans la bande de Gaza, lancent régulièrement des alertes sur la gravité de la situation. Des pénuries de toutes sortes et à tous les niveaux. Des ventres creux qui crient famine en Egypte leur voisine et des hôpitaux qui tournent au ralenti. Le peu qui entre fait peur à Israël. Dans la conscience de l’ennemi, le Hamas va se servir en premier en faisant fi de toute règle de bon escient. 

Certains otages ont succombé suite à leurs blessures faute de médicaments, d’autres ont trouvé la mort suite aux raids de l’armée israélienne, des bombardements et des tirs amis. Bombes et roquettes sont lancées à l’aveuglette dont le seul but est de faire le maximum de dégâts.

A chaque retrouvaille mortelle, un communiqué laconique déclare que «le corps a été retrouvé par l’armée israélienne». La cachette et les circonstances de cette découverte sont gardées secrètes. L’armée a peur d’être prise pour cible ou d’être accusée de manquement à son devoir de ramener les otages vivants au bercail. Des corps récupérés dans des endroits déjà sous le contrôle de l’armée. 

Les partis en présence, Hamas et Israël, restent avares. Aucun autre détail n’est fourni à la presse; l’information sensible est filtrée. La question que l’on se pose dans quel état étaient ces cadavres: couverts de bandelettes dans des chambres froides? En décomposition? Morts depuis huit mois? Fraîchement abattus baignant dans leur sang ou dans le formol, leurs viscères conservés dans des vases canopes? L’armée récupère-t-elle des cadavres ou les restes d’être humains?…

La presse locale et internationale se contente de relayer l’information sans poser de question comme si les forces en présence ferment les yeux sans approfondir leurs investigations, comme soulagées. Trouver des morts est un jeu de société; des morts sur ordonnance inscrits sur des cartons.

La liste des otages morts s’allonge de jour en jour et les pertes d’hommes dans les rangs de l’armée israélienne alimentent au quotidien un sentiment de frustration auprès de la population israélienne. Faut-il anéantir les structures militaires de Hamas, la hantise de Netanyahu, ou poursuivre les pourparlers et la surenchère jusqu’au bout ?

L’Occident reconnaît deux droits fondamentaux à Israël : son droit d’exister et de vivre en paix et son droit de se défendre, mais il s’offusque de reconnaître aux Palestiniens leurs droits naturels sur le sol de leurs ancêtres. Or, seul un échange honorable ou une reconnaissance d’un Etat palestinien mettrait un terme au conflit palestino-israélien. Cela, l’Occident ne le sait que trop, mais il n’ose pas le dire ouvertement, car les lobbys sionistes veillent au grain et les prochaines élections sont toujours proches… 

* Fonctionnaire à la retraite.

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