La fin de l’ère de l’impunité pour Israël et le début de son isolement

Alors que le génocide perpétré par Israël à Gaza s’approche de son huitième mois, semaine après semaine les camouflets politiques, judiciaires et diplomatiques se multiplient pour Tel Aviv. C’est la fin d’une ère. L’ère de l’Israël intouchable qui pouvait commettre tous les crimes et toutes les exactions en bénéficiant d’une impunité totale commence à être révolue. C’est désormais un isolement dans tous les domaines qui guette le chouchou des États-Unis et de l’Occident en général. 

Imed Bahri

Le New York Times est revenu sur ce changement d’ère et estime que l’ordre de la Cour internationale de Justice relevant des Nations Unies qui a ordonné à Israël de suspendre sa campagne militaire à Rafah s’ajoute à une liste croissante de mesures diplomatiques et juridiques qui portent atteinte à la position internationale d’Israël.

Cette décision intervient quelques jours seulement après que les procureurs de la Cour pénale internationale, une autre juridiction internationale, ont demandé l’arrestation du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et de son ministre de la Défense Yoav Gallant, dans une démarche soutenue par certains anciens partenaires d’Israël comme la France.

Cela survient également la même semaine où trois pays européens, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège, ont pris une mesure coordonnée pour reconnaître la Palestine en tant qu’État, à la suite de vastes protestations sur les campus américains contre la guerre israélienne à Gaza, des décisions de la Turquie de suspendre le commerce avec Israël et des pays comme Le Belize, la Bolivie et la Colombie de rompre leurs relations diplomatiques avec l’Etat hébreu.

Un tsunami politique et diplomatique

L’article du NYT écrit par son correspondant à Jérusalem Patrick Kingsley indique que l’ancien Premier ministre israélien Ehud Barak avait mis en garde en 2011 contre «un tsunami politique et diplomatique de critiques auquel Israël pourrait être confronté si son conflit avec les Palestiniens n’était pas résolu». Aujourd’hui, les analystes en politique étrangère estiment que ce tsunami semble plus proche que jamais.

Le NYT cite Alon Pinkas, ancien consul général israélien à New York, qui a déclaré: «Ce n’est pas le niveau d’isolement en Corée du Nord, en Biélorussie ou au Myanmar, mais c’est de l’isolement. Cela crée un énorme sentiment de pression.»

Pour sa part l’ancien ambassadeur israélien à Washington Itamar Rabinovich a déclaré: «Même si les récentes mesures prises par la Cour internationale de Justice n’ont peut-être pas d’effets pratiques immédiats, toutefois prises ensemble, ces mesures contre Israël démontrent non seulement la régression de la réputation internationale d’Israël mais aussi le déclin de l’influence américaine.»

Rabinovitch a souligné qu’«il y a un changement dans les règles de la politique internationale. Le reste du monde est en passe de dépasser les États-Unis. C’est comme s’il disait à Washington: ‘‘Nous ne pouvons pas vous vaincre aux Nations Unies mais nous avons maintenant deux juridictions internationales et nous nous tournerons vers ces deux lieux que vous ne dominez pas.’’»

Le NYT estime que dans ce contexte, les États-Unis et d’autres alliés d’Israël comme l’Allemagne ont adopté un ton plus critique à l’égard du gouvernement israélien, tout en essayant de le défendre contre les condamnations étrangères. Le journal américain rappelle qu’au cours des derniers mois, le président américain Joe Biden a exprimé son inquiétude croissante face à la contre-attaque lancée par Israël sur Gaza qualifiant sa stratégie de «fausse» et certaines de ses actions d’«obscènes» et a stoppé une livraison de bombes. Il estime aussi que la position de l’Allemagne a également légèrement changé mais Israël considère néanmoins qu’il est capable de poursuivre la guerre aussi longtemps que les États-Unis fournissent l’essentiel de son aide financière et militaire après que le Congrès ait voté en faveur de l’octroi d’une nouvelle aide militaire d’une valeur de 15 milliards de dollars.

Le début d’un mouvement de fond

En ce qui concerne l’intérieur israélien, les analystes affirment que ces mesures pourraient renforcer la position de Netanyahu dans la mesure où les décisions de justice ont incité des ministres critiques à son endroit à serrer les rangs de nouveau. Pinkas a déclaré que les réprimandes des gouvernements et des institutions étrangères donnent à Netanyahu l’occasion de se présenter comme un défenseur d’Israël et renforce son soutien intérieur en déclin.

Le chef de l’opposition israélienne Yair Lapid a critiqué la décision de la Cour et a déclaré: «C’est Israël qui a été brutalement attaqué et a dû se défendre contre une horrible organisation terroristes» mais il a également admis que la décision aurait pu être évitée si «un gouvernement rationnel et professionnel avait empêché les déclarations folles des ministres et arrêté les criminels qui ont incendié des camions d’aide et mené une action politique calme et efficace.»

Le NYT rappelle l’isolement croissant d’Israël dans le monde culturel et universitaire également. Ces derniers mois, des universités de pays comme l’Irlande, les Pays-Bas, la Norvège, la Slovénie et l’Espagne ont annoncé qu’elles avaient rompu leurs relations avec leurs homologues israéliennes ou envisageaient de le faire.

De même, des milliers d’artistes ont signé une lettre ouverte en février exigeant que les organisateurs de la Biennale de Venise, l’un des festivals d’art contemporain les plus importants au monde, interdisent à Israël de participer au rassemblement de cette année. Et c’est là, on l’imagine, le début d’un mouvement de fond et d’une tendance lourde de l’Histoire qui va aller crescendo.

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