Le journal israélien Haaretz a publié une enquête sur une campagne d’influence secrète lancée par Israël ciblant les législateurs américains ainsi que l’opinion publique mondiale et spécifiquement américaine et canadienne concernant la guerre menée à Gaza.
Imed Bahri
L’enquête indique que de faux comptes et des sites Web publient du contenu favorable à Israël et incitant à la haine de l’islam. L’opération a été organisée par le ministère israélien de la Diaspora et gérée par une société de campagne politique.
Haaretz explique que le gouvernement israélien est à l’origine de cette campagne à grande échelle qui cible principalement les jeunes législateurs noirs et progressistes aux États-Unis et au Canada.
L’opération dont le journal Haaretz a eu connaissance pour la première fois en mars dernier a commencé après le début de la guerre contre Gaza et visait à influencer certains secteurs de l’opinion publique sur le comportement d’Israël. La campagne d’influence a utilisé de la désinformation sur l’antisémitisme sur les campus américains et l’opération a été lancée par une société israélienne privée de campagne politique en ligne appelée Stoic qui a été engagée pour le projet.
Trois faux sites web et des centaines d’avatars
Selon des sources et des informations obtenues par Haaretz, l’opération a été menée par une autre partie que le ministère de la Diaspora de peur que sa divulgation n’entraîne l’implication d’Israël dans une crise. La campagne a commencé par la création de trois faux sites d’information qui copiaient les rapports des sources médiatiques officielles. Ces sites utilisaient les plateformes X, Facebook et Instagram qui rassemblaient des dizaines de milliers de followers.
Dans le même temps, les responsables de l’opération ont utilisé des centaines d’avatars pour promouvoir de manière agressive des articles présumés qui servaient le discours israélien notamment des rapports présumés sur les prétendues agressions sexuelles perpétrées par le Mouvement de résistance islamique Hamas, le 7 octobre 2023, et sur les relations entre l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) et le Hamas.
Le rapport de suivi montre désormais toute l’étendue de l’opération d’influence d’Israël qui s’est transformée en «un effort à grande échelle et bien coordonné pour attaquer et discréditer des groupes typiquement pro-palestiniens».
Ces groupes comprennent des citoyens de pays occidentaux, principalement les États-Unis et le Canada, d’origine musulmane, utilisant des contenus anti-islamiques et anti-immigrés.
L’analyse a révélé quatre sites Web utilisant la même propriété intellectuelle et faisant la promotion de contenus conçus pour des publics spécifiques. L’un d’eux était le site United States Citizens for Canada qui comptait plusieurs comptes sur les réseaux sociaux et publiait des documents hautement anti-islamiques notamment des affirmations selon lesquelles les immigrants musulmans constituaient une menace pour le Canada et exigeaient un pays légitime. Un autre site, Arab Slave Trade Site, était presque entièrement copié de Wikipédia et ciblait les Noirs américains dans le but de répéter le message selon lequel les Arabes étaient des marchands d’esclaves en Afrique. Un troisième site appelé Serenity Now se décrit comme anti-establishment cherchant à persuader les jeunes Américains de s’opposer à la création d’un État palestinien parce que «les États sont des structures artificielles» et qu’un État palestinien «nuirait aux objectifs du mouvement progressiste».
Facebook a supprimé les comptes liés à ces faux sites il y a quelques semaines. Meta et Open AI (Open Artificial Intelligence) ont confirmé l’existence de l’opération d’influence et l’ont attribuée à la société israélienne Stoic.
Des contenus sur mesure pour des publics cibles
Selon les informations obtenues par Haaretz, Stoic dispose de plusieurs logiciels qui permettent d’identifier les caractéristiques des publics cibles et de créer du contenu sur mesure pour eux, en plus d’une plateforme d’influence appelée Maasher qui était capable de créer de faux comptes sur Internet et de les activer simultanément sur plusieurs réseaux sociaux.
Trois sources israéliennes dans le domaine de la diplomatie et des campagnes d’influence affirment que les révélations sur les campagnes de cyberinfluence ont nui à Israël et ont affecté sa capacité à répondre en ligne pour soutenir le narratif officiel israélien. L’un d’eux a déclaré: «Il est dommage que Facebook et OpenEye suivent de véritables campagnes occidentales visant à convaincre les gens et à répondre à des mensonges dangereux.»
Divers responsables israéliens affirment que la guerre à Gaza a révélé un échec massif en Israël ou en matière de diplomatie publique. Malgré des investissements massifs dans diverses organisations de relations publiques au fil des années, Israël a été incapable de faire face efficacement à l’afflux de messages pro-palestiniens sur les réseaux sociaux. Israël ne disposait pas des ressources numériques nécessaires pour faire face à ce qu’appelle la propagande israélienne la «machine à poison pro-palestinienne», pour «faire connaître de manière adéquate les atrocités du Hamas et pour défendre la guerre à Gaza.»
In fine, il est clair qu’après 8 mois de guerre génocidaire à Gaza, Israël n’a pas atteint ses objectifs militaires même dans le nord de la bande de Gaza où le Hamas s’est régénéré; sur un plan psychologique la majorité des officiers israéliens veulent quitter Tsahal après la guerre; sur le plan juridique, c’est la fin de l’impunité pour Israël et le début de son isolement surtout avec la CIJ et la CPI qui n’épargnent plus Israël; et enfin sur le plan de la propagande, les opérations de manipulation des masses via notamment la cyberinfluence sont démasquées.