La guerre à Gaza a-t-elle mis fin au leadership américain sur l’Occident?

L’une des grandes conséquences géopolitiques de la guerre à Gaza est incontestablement la fin du suivisme de l’ensemble des pays occidentaux vis-à-vis des États-Unis. Certains pays se sont détachés de la tutelle américaine, en tout cas sur cette question. L’auteur palestino-américain Ramzi Baroud estime que le soutien de certaines capitales occidentales à Gaza a un impact profond et dangereux sur le leadership des États-Unis en Occident et plus généralement sur le système international établi. (Illustration : le soutien aux Palestiniens s’affiche désormais avec force conviction dans toutes les capitales occidentales. Ph. Abdellatif Ben Salem).

Imed Bahri

Dans le revue américaine Counterpunch (magazine bimensuel dont le site Internet est l’un des sites politiques les plus influents et des plus fréquentés des États-Unis), Baroud a relaté le soutien à Gaza de la part de certains pays occidentaux et d’autres pays du monde enfreignant ainsi la volonté de Washington. Cela inclut l’Espagne qui rejoint l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice accusant Israël de génocide, ainsi que la reconnaissance de l’État de Palestine par l’Espagne, l’Irlande et la Norvège. Il décrit ces faits comme une rupture avec la politique occidentale de longue date menée par les États-Unis. Le leadership américain sur le monde occidental est sérieusement contrarié. Gaza cristallise ainsi ce point de rupture et ce changement de paradigme. 

Baroud a expliqué que Washington soutient Israël depuis de nombreuses décennies, qu’un président républicain ou démocrate soit à la tête du pouvoir américain, et que l’Amérique a été si partiale envers Israël et qu’elle a récemment fait tout ce qui était en son pouvoir pour soutenir le génocide israélien en cours à Gaza en fournissant à Israël les armes nécessaires pour commettre ses crimes, et en menaçant les organes juridiques et politiques qui ont tenté de tenir Israël pour responsable de ses crimes.

Point de rupture pour l’unité occidentale

Il a déclaré que cette réalité imposait un dilemme politique à l’Europe qui suivait souvent aveuglément les pas des États-Unis -ou leurs mauvais pas- au Moyen-Orient, une règle qui s’est maintenue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui a connu quelques rares exceptions historiques comme le défi lancé par l’ancien président français Jacques Chirac au consensus imposé par les États-Unis lorsqu’il a fermement rejeté la politique américaine concernant l’Irak à la veille de la guerre de 2003 mais ces divisions ont finalement été réparées, les États-Unis ayant retrouvé leur rôle de leader incontesté de l’Occident.

Baroud a affirmé que Gaza est devenue un point de rupture majeur pour l’unité occidentale car l’Occident est devenu divisé sur le soutien à Israël immédiatement après les événements du 7 octobre et les États-Unis, et dans une certaine mesure l’Allemagne, continuaient de s’engager à soutenir la guerre israélienne tandis que de nombreux pays européens ont exprimé des positions fermes en accusant récemment Israël de génocide et se sont unis au Sud global dans le but de demander des comptes à Israël ce qui constitue un changement majeur que nous n’avons pas vu depuis de nombreuses années et ce qui signifie que l’ampleur des crimes israéliens à Gaza a dépassé la limite morale que certains pays européens peuvent tolérer.

Effondrement de l’ordre international établi par l’Occident

L’auteur a expliqué que l’élément important réside dans la question de la légitimité du système international et de l’avenir de l’Occident car les dirigeants occidentaux n’hésitent plus à formuler leur langage de cette manière. Dans un article récent, l’ancienne présidente irlandaise Mary Robinson s’est exprimée au nom du «Groupe des Anciens» et a mis en garde contre «l’effondrement de l’ordre international». Elle a déclaré: «Nous nous opposons à toute tentative de délégitimer le travail de la Cour pénale internationale et de la Cour internationale de Justice à travers des menaces de prendre des mesures punitives et des sanctions».

L’auteur ajoute que des signaux d’effondrement de la légitimité de l’ordre international établi par l’Occident ont été émis par de nombreuses autres parties ces derniers mois notamment le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres et le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan.

Baroud explique que Washington a réussi pendant longtemps du moins aux yeux de ses alliés à maintenir un équilibre entre les intérêts collectifs de l’Occident et le respect formel des institutions internationales. Et conclut en soulignant qu’il est désormais clair que Washington n’est plus en mesure de maintenir cet équilibre ce qui a contraint certains pays occidentaux à adopter des positions politiques indépendantes dont les résultats futurs s’avéreront conséquents et déterminants.

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