La politique monétaire de la Tunisie, vantée d’un côté par les autorités, qui ne se gênent pas d’afficher une béate autosatisfaction, est critiquée, de l’autre, par des économistes qui n’hésitent pas à pointer ses inconséquences et ses ratés.
Imed Bahri
Le président Kaïs Saïed a reçu les états financiers de la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour l’année 2023 et le rapport du commissaire aux comptes, lors d’une rencontre avec le gouverneur de la BCT, Fethi Zouhair Nouri, au palais de Carthage, vendredi 28 juin 2024.
«Les résultats obtenus par la Tunisie, fondés sur ses libres choix issus de la volonté de son peuple, ont déjoué toutes les attentes suscitées par de nombreux milieux», a déclaré Saïed dans un communiqué de la présidence de la République, laissant ainsi entendre que le refus de la Tunisie d’obtempérer à ce qu’il appelle les «diktats» des bailleurs de fonds internationaux, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la démarche préconisée par le Palais de Carthage, qui est de «compter sur soi» ne se sont pas traduits par les catastrophes annoncées pour la Tunisie.
«Les chiffres de l’inflation, du remboursement de la dette, des réserves de change et d’autres indicateurs prouvent que de nombreux obstacles et difficultés peuvent être surmontés», a ajouté le chef de l’Etat, selon le communiqué de la présidence de la république. Et d’ajouter : «Aujourd’hui, la Tunisie paie cher des erreurs et des choix, dont beaucoup constituent des crimes, ainsi qu’une situation mondiale et des crises économiques et financières au niveau international, que ni la Tunisie ni les pays en développement n’ont provoquées», dans une critique limpide à l’ordre économique mondial dominé par des puissances occidentales qui ne pensent qu’à leurs propres intérêts et veulent dicter leurs choix au reste du monde.
Commentant ces déclarations d’autosatisfaction de l’exécutif tunisien, l’économiste universitaire Moktar Lamari a écrit, sur son blog Economics for Tunisia (E4T), que le taux directeur de la BCT, maintenu à 8%, soit presque trois fois celui de Bank Al-Maghrib, la banque centrale du Maroc, handicape l’investissement et, par conséquent, la croissance, maintenue à 0,4% en 2023, et l’emploi, sachant que le taux de chômage peine à descendre au-dessous de 15%.
Tout en rappelant que le FMI n’a pas pu faire, en décembre dernier, son propre audit de la situation monétaire et bancaire de la Tunisie, la visite de la délégation du FMI devant effectuer cet audit ayant été reporté sine die, Moktar Lamari a pointé ce qu’il a qualifié de «comportements cartellistes de l’oligopole bancaire qui continue de détourner l’épargne privée de ses finalités naturelles et qui persiste à pénaliser l’investissement productif, pour prêter à l’État avec des taux usuraires. Un État pris à la gorge par la dette, les gaspillages et les déficits récurrents, causés notamment par une masse salariale étouffante et hors de contrôle.»
Cette situation conclue-t-il «pénalise la croissance, fait perdurer le chômage et encourage l’addiction de l’État tunisien à la dette.»