Il est temps que les responsables du gouvernement parviennent à faire bouger le mastodonte d’une administration publique lente, inefficace et dépensière, qui nous endette auprès des bailleurs de fonds internationaux, non pas pour relancer la croissance dans le pays, mais pour financer la vaine agitation de ses innombrables directions, commissions, programmes, stratégies et autres plans sur la comète.
Imed Bahri
Cela fait une vingtaine d’années que les opérateurs économiques, tunisiens et étrangers, se plaignent des lenteurs et des complications bureaucratiques et autres auxquelles ils font face au niveau du port commercial de Radès, le principal poumon économique de la Tunisie.
Les nombreuses visites de membres du gouvernement à cette infrastructure se suivent et se ressemblent et sont rarement suivies d’améliorations notables. Les mêmes problèmes persistent, et les changements successifs à la tête de la direction du port ne changent pas grand-chose. C’est à croire que cette infrastructure échappe au contrôle de l’Etat et fonctionne en pilotage automatique selon ses propres lois et règles.
C’est pourquoi on reste sceptique après la visite qu’y a effectuée, mardi 6 août 2024, la ministre de l’Equipement et de l’Habitat chargée aussi du Transport, d’autant que la responsable n’a annoncé aucune décision forte susceptible de réformer rapidement le mode de fonctionnement de ce port, ce qui aurait donné plus de sens et d’utilité à sa visite.
Encore une commission ?
Sarra Zaafrani Zenzeri s’est contentée d’annoncer dans un long (très long) communiqué, de presse, verbeux et sans grand intérêt, qu’elle a «donné son aval» (sic !) pour «la constitution d’une commission chargée de suivre l’activité du port et l’exécution des décisions visant à améliorer son fonctionnement». Une autre commission, encore une, qui va continuer à brasser du vent et à échafauder des stratégies pour… 2050 ou 2070?
Pour le reste, il aurait été plus utile d’analyser pourquoi les nombreuses décisions déjà prises par les précédents gouvernements n’ont-elles pas été mises en œuvre avec la célérité requise, d’identifier les points de blocage et de faire sauter les verrous, ici et maintenant, car la situation du port ne souffre plus l’attentisme et les retards accumulés sont en train d’être payés cash par une économie en panne que la bureaucratie gouvernementale n’aide pas à se relancer.
Rappelons à ce propos que, selon les chiffres de l’Institut national de la statistique, la croissance enregistrée lors du 1er trimestre 2024 n’a guère dépassé 0,2%, et le port de Radès a sans doute beaucoup contribué à cette contre-performance, ce qui laisse prévoir pour cette année une croissance proche de celle enregistrée lors de l’année dernière et qui était de 0,4%, difficile de faire pire !
La ministre du Transport par intérim n’est certes pas responsable des blocages qui perdurent au niveau du port de Radès, pas plus que les autres membres de l’actuel gouvernement, mais on attend d’elle et de ses collègues plus que ces visites qui se suivent et se ressemblent et qui débouchent rarement sur des améliorations notables, en tout cas dans l’immédiat.
Au cours de la dernière décennie, nous avons été gavés d’effets d’annonces, alors que le pays continue de s’enfoncer dans la crise. Il est temps que les responsables gouvernementaux parviennent enfin à faire bouger le mastodonte d’une administration publique lente, inefficace et dépensière, qui nous endette auprès des bailleurs de fonds internationaux non pour relancer la croissance dans le pays, mais pour financer la vaine agitation de ses innombrables directions, commissions, programmes, stratégies et autres plans sur la comète.
En attendant le tsunami
Arrêtons de brasser du vent et de jeter de la poudre aux yeux ! Retroussons-nous les manches et faisons enfin quelque chose d’utile pour nos enfants et petits-enfants !
N’attendons pas que le ciel nous tombe sur la tête et méditons ce poste Facebook sous forme de cris d’alarme: «Alors que des secousses annonçant un choc boursier exceptionnel aux Etats Unis d’Amérique avec la perte en un seul jour de 2,9 trillions de dollars et que les ondes de choc commencent à se faire sentir en Asie, avec les prémices d’un crash boursier à Tokyo, et en Europe, la perspective d’une grave crise économique mondiale, assortie d’une sérieuse perturbation des circuits d’approvisionnement et de distribution en cas de conflit généralisé au Moyen Orient et en Europe, se précise pour les prochains mois et peut être même dans les semaines à venir», écrit l’ancien ambassadeur Elyes Kasri. Et qui ajoute, exprimant une inquiétude logique quant au sort de la «petite» Tunisie qui risque d’être broyée au passage de ce tsunami : «Etant depuis des années en croissance anémique frôlant la récession (0,4% en 2023), et comme il semble excessivement ambitieux, et pour certains irréaliste, de prétendre à une relance économique dans cette conjoncture mondiale, il y a lieu de se demander si la Tunisie a suffisamment de ressources et de ressorts pour assurer sa survie purement et simplement.»