Tunisie : «Les élections ne sont pas une guerre», déclare Kaïs Saïed

Kaïs Saïed considère certaines critiques dont il fait l’objet sur les réseaux sociaux comme des atteintes à l’Etat qu’il incarne et au peuple dont il estime être l’unique défenseur et porte-parole.

Imed Bahri

«Les élections ne sont pas une guerre, mais plutôt un rendez-vous qui se renouvelle à des dates précises, conformément aux dispositions de la Constitution», a cru devoir rappeler Kaïs Saïed, qui semble avoir constaté une déviation dans le processus électoral en vue de la présidentielle du 6 octobre 2024, à laquelle il est lui-même candidat.

Vu par le président de la république, ce processus ne se présente pas comme une confrontation de visions et de programmes entre un président sortant, lui-même en l’occurrence, et d’autres candidats, censés donner le change, mais comme un affrontement voire une «guerre», selon son propre terme, entre des lobbies d’intérêt liés à l’étranger et un Etat souverain dont il estime être l’incarnation grâce au vote populaire de 2019 qui l’a porté à la magistrature suprême.

Agents de l’étranger

«Certaines parties, qui se sont jetées dans les bras de lobbies, liés à leur tour à l’étranger, ne mènent pas aujourd’hui une campagne électorale, mais une campagne de dénigrement acharnée contre l’État tunisien et son peuple, seul détenteur de la souveraineté», a déclaré le président sortant, lors d’une rencontre, vendredi 23 août 2024, au Palais de Carthage, avec le ministre de l’Intérieur, Khaled Nouri.

Saïed se contente de dénoncer ces «parties» sans les nommer, et on ne sait pas s’il parle des deux autres candidats dont la candidature a été avalisée par la commission électorale, c’est-à-dire Zouhair Maghzaoui, secrétaire général du mouvement Echaâb, et Ayachi Zammel, secrétaire général du parti Azimoun, qui sont passés, ces dernières semaines, d’une posture de soutien à une autre de critique au président sortant qu’ils sont censés, théoriquement du moins, vouloir déloger du Palaos de Carthage.

A moins que le président candidat à sa propre succession ne désigne ainsi à la vindicte populaire les autres candidats dont les dossiers de candidature ont été rejetés par la commission électorale, et qui crient à l’injustice, estimant que l’administration publique a tout fait pour les empêcher de concourir.

Quoi qu’il en soit, et en l’absence de clarifications de la part des autorités, nous en sommes réduits, nous autres analystes, à faire des supputations pour essayer d’identifier ces «ennemis de l’Etat liés à l’étranger» dont parle le communiqué de la présidence et que le ministre de l’Intérieur est censé, de son côté, identifier et mettre hors d’état de nuire.

Tentatives désespérées

D’autre part, et tout en appelant à une vigilance accrue face aux «tentatives désespérées» d’attiser les tensions dans les différentes régions, le chef de l’Etat a voulu minimiser la menace que représentent ces agents de l’étranger, en affirmant que «le peuple tunisien a fait preuve de conscience qui sera inscrite dans l’histoire en lettres d’or, une conscience plus forte que toutes les pages des réseaux sociaux dont leurs sources et objectifs sont bien connus», selon ses termes, faisant ici allusion aux nombreux internautes qui le critiquent, ainsi que ses politiques, sur la toile, et dont les critiques sont devenues, il est vrai, ces derniers temps, plus fréquentes, plus acerbes, et souvent exprimées avec des termes outranciers. Ce qui est somme toute compréhensible: ne sommes-nous pas en pleine campagne électorale ?