Tunisie | Des prix indomptables qui obscurcissent l’horizon politique

Les prévisions proposées par Fitch au sujet de l’évolution des prix à la consommation en Tunisie sont plutôt inquiétantes voire affolantes. Le rapport de l’agence de notation publié la semaine dernière pour le Q2 2025 brosse des évolutions structurelles des prix, et contre lesquelles les politiques monétaires de la Banque centrale ne changent quasiment rien. Des évolutions qui ne fléchiront pas d’ici 2029.

Moktar Lamari *

La politique monétaire, menée par la Banque centrale de Tunisie est récessive puisque axée sur des taux d’intérêt hypertrophiés et peu justifiés, aggrave l’impasse économique plutôt que de la débloquer.

Dans sa conception actuelle, la politique monétaire s’entête à faire plus de ce qui n’a pas marché dans le passé. S’obstinant à maintenir des taux d’intérêt très élevés, le conseil d’administration de la BCT ne rend pas service à la Tunisie. Surtout que le pays fait face à un marasme économique qui perdure et qu’aucun parmi la quinzaine de gouvernements de l’ère du post-2011 n’a pu endiguer pour relancer la machine de production.

Cinq problèmes structurels expliquent ce marasme et ces tendances haussières des prix quasi immuables et qui n’augurent rien de rassurant pour l’avenir du pays et des générations montantes. Ces hausses des prix érodent le pouvoir d’achat, appauvrissent les populations les plus vulnérables et menacent l’instabilité sociopolitique. Et pour cause…

– Un: l’économie tunisienne est paralysée par une grave érosion de la productivité globale des facteurs. Les travailleurs ne font pas le nécessaire pour produire plus et mieux. L’esprit vindicatif insufflé par un syndicalisme rétif aux réformes n’aidant pas le travail et la productivité. Et le sens du travail s’effrite de plus en plus.

– Deux: la propension marginale à consommer des Tunisiens est en hausse continue. L’occidentalisation des modes de consommation amplifie les demandes et les ambitions des familles et des travailleurs. Le salaire moyen des travailleurs est de 950 dinars par mois. On ne peut plus épargner, ni avoir un logement décent.

– Trois: une bonne partie de l’inflation est importée. Et par deux canaux. Le déficit commercial alimentaire et le croissement continu des effectifs de Tunisiens expatriés et revenant périodiquement en Tunisie avec des revenus moyens allant jusqu’à dix fois ceux des Tunisiens. Un Tunisien sur six est expatrié (2 sur 12 millions).

– Quatre: les taux d’intérêts élevés n’aident pas l’investissement et donc la création des entreprises innovantes, compétitives et permettant de dynamiser la croissance et le progrès social. Des taux d’intérêt qui frôlent la moyenne de 13%, soit 4 à 5 fois plus élevés que les mêmes taux au Maroc, ou en Europe.

– Cinq: l’État et les politiques publiques continuent de privilégier la demande au détriment de l’offre. Les politiques de la demande sont plus rentables politiquement que celles de l’offre parce qu’elles procurent plus de votes, même si l’État s’endette de plus en plus et alourdit la facture de la dette à transférer aux générations futures.

Le tableau ci-dessous réalisé par Fitch (en anglais) indique les hausses de prix moyens de 8 à 12% annuellement quasiment pour tous les éléments constitutifs du panier quotidien des ménages tunisiens, d’ici 2029.

Regardez ces taux, pour mieux comprendre l’impasse des politiques monétaires actuelles et les contradictions des politiques économiques quand il s’agit de créer et répartir la richesse.

Blog de l’auteur : Economics for Tunisia, E4T

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