Élections en Afrique du Nord : ni enthousiasme ni changement de cap à l’horizon

C’est une grande année politique à l’échelle mondiale. De nombreux pays ont déjà connu ou auront des élections cette année, et l’Afrique du Nord ne fait pas exception. Alors que de sérieux changements idéologiques semblent se produire en Europe et que l’incertitude plane aux États-Unis, avec deux candidats vieillissants et des électeurs frustrés, les élections en Afrique du Nord ne sont essentiellement qu’une façade, sans réel impact sur la politique et l’économie. Pas d’enthousiasme en perspective ni de changement dans la politique et la gouvernance.

Les dernières élections dans la région ont eu lieu fin juin 2024, lorsque le général Mohamed Ould Ghazouani en Mauritanie a remporté un second mandat avec un score assez crédible de 56% des voix. Cela contraste avec ce qui s’est passé en décembre 2023, lorsqu’un autre général nord-africain, l’Égyptien Abdelfattah Al-Sissi, a remporté un score moins crédible de 89,6% des voix, son plus proche concurrent obtenant 4,5%.

Deux autres pays d’Afrique du Nord devraient organiser des élections plus tard cette année, et les résultats ont probablement déjà été décidés. Passons néanmoins en revue quelques notions de base.

Le vainqueur, assurément Kaïs Saïed

En Tunisie, le premier tour des élections devrait avoir lieu le 6 octobre 2024. Le président Kaïs Saïed a annoncé la date des élections par décret présidentiel publié le 2 juillet courant. L’élection se déroulera au scrutin à deux tours. Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue au premier tour, un second tour aura lieu dans les deux semaines suivant les résultats définitifs et le vainqueur, assurément Kaïs Saïed, sera déclaré le 9 novembre, les résultats provisoires étant publiés un mois plus tôt.

Si vous souhaitez vous présenter à la présidentielle en Tunisie, assurez-vous d’être un descendant de grands-parents maternels et paternels tunisiens. De plus, vous devez être musulman d’au moins 40 ans et remplir d’autres conditions. Pour être éligible, au moins 10 parlementaires doivent vous soutenir. Dans le cas contraire, les candidats ont besoin de 10 000 signatures d’électeurs provenant d’au moins 10 circonscriptions, chacune avec un minimum de 500 signatures par circonscription. Le gouvernement ne contribue pas au financement des élections, les candidats doivent donc soit être riches, soit réunir des fonds par eux-mêmes, qui ne peuvent être dépensés que pendant une période de campagne de 21 jours.

En théorie, les candidats prêts à se présenter contre Saïed, qui n’a pas encore annoncé sa candidature, ne manquent pas. Cependant, ceux qui se sont prononcés contre lui sont soit en prison, soit harcelés et menacés. L’un d’entre eux, Abir Moussi, est derrière les barreaux pour avoir offensé les services de sécurité. Moussi, fervente critique et opposante au parti islamiste Ennahdha, est la présidente du Parti destourien libre (PDL). L’ancien ministre Mondher Zenaidi a également annoncé sa candidature. Il vit actuellement en France tandis qu’un dossier a été constitué contre lui pour corruption présumée, ce qui l’empêchera de se présenter. Il y a encore quelques candidats **, mais nous prévoyons une victoire pour le président Kaïs Saïed.

Transformer le président sortant en président indispensable

De même, le président sortant de l’Algérie voisine n’a pas encore déclaré sa candidature aux élections prévues le 7 septembre. Le président Abdelmadjid Tebboune a fait des références implicites à son prochain mandat, telles que «nous allons régler ce problème» et «nous allons abolir», mais comme il n’a pas fait d’annonce officielle, des spéculations circulent selon lesquelles il n’y a pas de consensus au sein de l’élite dirigeante, qui représente en grande partie les plus hauts dirigeants de l’armée et des services de renseignement. Dans la politique algérienne, ce qu’on appelle l’establishment de la défense est le décideur.

Même si le reste du champ politique n’a aucune importance, 31 candidats ont encore l’intention de se présenter à la présidence dans une compétition largement symbolique. Tebboune devra finalement faire connaître sa décision au plus tard le 18 juillet, date limite fixée par la loi algérienne, à moins qu’il ne modifie la loi.

Sur les 31 candidats, les électeurs algériens ne peuvent en reconnaître qu’une demi-douzaine environ, dont trois femmes : Zoubida Assoul, Louisa Hanoune et la femme d’affaires Saida Neghza. Les trois autres sont le pro-Bouteflika Belkacem Sahli, chef de l’Alliance nationale républicaine; l’islamiste Abdelali Hassani, leader du Mouvement pour la société et la paix; et Youcef Aouchiche, premier secrétaire du Front des forces socialistes, de gauche.

Comme en Tunisie, pour être candidat, certaines conditions doivent être remplies, notamment rassembler 50 000 signatures d’électeurs ou recevoir l’aval de 600 élus d’au moins 29 wilayas (provinces). Mais comme en Tunisie, le président sortant Tebboune est assuré de gagner s’il décide de se présenter. Tous les partis politiques nationalistes ont travaillé dur pour préparer sa réélection. Si les partis nationalistes du RND, du FLN, du Front El Moustakbal et d’El-Bina sont davantage des structures administratives contrôlées par le gouvernement que de véritables partis politiques, ils disposent de ressources substantielles qui éclipsent celles de leurs opposants. Ils ont également le contrôle total du Parlement.

Ces derniers mois, le président sortant a préparé les foules à l’annonce de son élection. Sa récente participation au sommet du G7 et le siège de l’Algérie au Conseil de sécurité de l’Onu devraient être soulignés comme des réalisations clés du président Tebboune sur le front de la politique étrangère.

Sur le plan intérieur, le clan pro-Tebboune vantera les augmentations de salaires et la construction de nouveaux logements, même si les progrès ont été lents. Les journaux pro-régime comme Echorouk ont ​​également utilisé les dernières données provenant de sources étrangères sur les gains économiques de l’Algérie, y compris la reclassification de l’Algérie par la Banque mondiale comme «pays à revenu intermédiaire supérieur», l’Algérie devenant le deuxième producteur de blé en Afrique, et comment le gaz algérien est une source d’énergie critique en Europe.

Alors que le pays a régressé sur de nombreux fronts, notamment en matière de libertés individuelles et de droits de l’homme, le clan pro-Tebboune restera occupé à transformer le président sortant en un président indispensable.

Traduit de l’anglais.

Source : The North African Journal.

** Les autres candidats ayant déjà annoncé leur désir de se présenter sont Issam Chebbi et Mohamed Lotfi Mraihi (en prison), Nizar Chaari et Safi Saïed (poursuivis en justice), Neji Jalloul (en liberté), Olfa Hamdi (n’a pas encore 40 ans, l’âge requis pour pouvoir présenter sa candidature).

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