Les émeutes raciales qui secouent la Grande-Bretagne depuis la fin du mois de juillet ont pris pour cible des centres où logent des migrants, des mosquées et des commerces tenus par des Britanniques de confession musulmane. Ces événements très violents ont choqué de par le monde et mis à mal la cohésion sociale et le modèle du vivre ensemble britannique. La Grande-Bretagne est-elle réellement au bord de la guerre civile comme le craignent certains analystes?
Imed Bahri
Les propos du milliardaire très influent Elon Musk qui soutient les mouvements anti-migration déclarant que «la guerre civile était inévitable en Grande Bretagne» ont provoqué l’ire de responsables politiques britanniques notamment de gauche et de la société civile qui pointent du doigt le rôle central de la plateforme X qu’il possède dans la situation qui a dégénérée. Les experts préconisent que la réponse à ces émeutes doit osciller entre la fermeté avec les fauteurs de troubles et un meilleur traitement politique de la question migratoire.
Le magazine britannique The Economist a critiqué avec virulence ceux qu’il a qualifié de «voyous» en l’occurrence les partisans d’extrême droite qui ont déclenché des émeutes raciales et islamophobes pour protester contre le meurtre de trois jeunes filles dans la ville de Southport, près de Liverpool, assassinées par un migrant mineur originaire du Rwanda faussement et pernicieusement présenté comme musulman.
Le magazine estime dans son éditorial que le mot «dégoûtant» est fort mais qu’il ne suffit pas pour décrire le comportement des «voyous» dans les rues de Grande-Bretagne depuis l’incident du 29 juillet.
The Economist a ajouté que les manifestations anti-immigration qui se sont répandues dans toute l’Angleterre (surtout dans le nord) et en Irlande du Nord ne peuvent être justifiées car des mosquées et des forces de police ont été attaquées, rapportant que les émeutes raciales observées dans diverses villes étaient parmi les pires depuis la Seconde Guerre mondiale et ne correspondent pas à l’image stable de la Grande-Bretagne que le nouveau gouvernement travailliste cherche à établir.
Le magasine britannique a critiqué Musk pour sa déclaration sur la plateforme X, en qualifiant cet avertissement de «mensonge flagrant». L’attitude louche de Musk a été très critiquée au Royaume-Uni aussi bien par des responsables politiques que par la société civile car X a joué un rôle dans l’embrasement de la situation et Musk soutient les protestations contre la migration.
Interrogations sur l’attitude d’Elon Musk
Pour ce qui est de X, des groupuscules d’extrême droite ont mené depuis fin juillet une campagne active de dénigrement en ligne. C’est le cas notamment du fondateur de l’English Defence League (EDL), Tommy Robinson, qui a largement utilisé X pour lancer des appels à manifester tout en alimentant ses 900 000 abonnés de fake news. Ce dernier avait été banni de Twitter en 2018 avant d’être réintégré en novembre dernier par Musk qui lui-même multiplie les interventions sur sa plateforme pour afficher sa sympathie face aux slogans anti-immigration des émeutiers et attaquer frontalement le gouvernement britannique.
Le très influent milliardaire affiche son soutien à de Donald Trump et a fait des dons conséquents à sa campagne, il soutient également des leaders d’extrême droite comme Giorgia Meloni, le hongrois Viktor Orban ou encore l’Argentin Javier Milei. Son attitude lors des émeutes actuelles au Royaume-Uni a soulevé des interrogations et a conduit des députés qui l’accusent de souffler sur les braises à exiger sa convocation devant une commission de la Chambre des communes (chambre basse du Parlement britannique).
The Economist a expliqué que l’une des raisons derrière la transformation de l’extrême droite d’une force politique structurée en une force sans traits apparents est que la Grande-Bretagne est devenue un pays plus libéral.
Malgré le déclenchement de contre-manifestations en faveur des immigrés, The Economist estime que les affrontements pourraient ne pas s’arrêter même si la Grande-Bretagne n’est pas au bord de la guerre civile considérant que les émeutes ne pourraient être un accès passager de violence estivale.
Le magazine considère que les récentes élections législatives constituent une défaite cuisante pour le précédent gouvernement issu du Parti conservateur et conduit par Rishi Sunak qui a lancé une campagne visant à réprimer l’immigration irrégulière et qui a conclu un accord avec le Rwanda pour y expulser les migrants, décision annulée par Keir Starmer dès ses premiers jours au 10 Downing Street.
The Economist estime que l’immigration est devenue «la blessure irréparable de la politique britannique causée par une combinaison de problèmes réels et d’opportunisme politique» et considérant que le système d’immigration est dans un état de chaos et que l’extrême droite dans la politique britannique est le rideau derrière lequel se cachent les manifestations d’hostilité envers les immigrés.
Couper l’herbe sous les pieds de l’extrême-droite
Le magazine estime que des procès rapides et des condamnations sont parmi les meilleurs moyens pour empêcher la poursuite de la violence et souligne que, compte tenu du rôle que jouent Internet dans l’organisation des manifestations et l’incitation à la haine, poursuivre en justice ceux qui appellent à la violence à travers leurs claviers est extrêmement important.
The Economist a conseillé à la police d’être plus flexible et plus rapide dans sa réponse à la désinformation car il lui a fallu plusieurs heures pour réfuter les déclarations publiées sur Internet affirmant que l’agresseur de Southport était un demandeur d’asile musulman, des mensonges utilisés par des personnes influentes pour inciter aux troubles à leurs débuts.
Cependant, le magazine estime qu’une réponse sévère aux comportements de voyous n’est pas suffisante ajoutant que cela nécessite trois approches parallèles: la première consiste à saisir toutes les occasions de réfuter les mythes anti-immigration et la seconde est la nécessité de réduire les échecs politiques évidents et les plus nuisibles tels que la nécessité du traitement des demandes d’asile le plus rapidement possible pour éviter qu’un grand nombre de migrants ne s’accumule dans les hôtels souvent situés dans des zones défavorisées. La troisième approche consiste à remédier aux défauts des services et des équipements publics fournis par les autorités locales afin que les citoyens de ces zones ne dirigent pas leur colère contre les immigrés, de sorte que la confiance dans les politiques en vigueur diminue et que les gens soient obligés de prendre les choses en main.
Par conséquent, The Economist estime qu’il faut une réponse multidimensionnelle afin de couper l’herbe sous les pieds de l’extrême-droite populiste, raciste et islamophobe pour qu’elle ne parvienne plus à drainer les foules et causer des émeutes dangereux pour la sécurité publique et la cohésion sociale.