Tunisie : les cultures «ramli» à Sidi Ali El-Mekki sérieusement menacées  

Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) appelle à la sauvegarde des cultures dite «ramli» ou cultures en sable, dans la lagune de Sidi Ali El-Mekki, à Bizerte, un système unique au monde, appelé «guettayas» et classé parmi les «Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (Sipam)», par l’Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Dans une note rendue publique jeudi 22 août 2024, à la suite d’une visite sur le terrain à la sebkha de Sidi Ali El-Mekki, les experts du Forum ont recommandé une intervention d’urgence pour garantir que les cultures de la région (pommes de terre, oignons, haricots blancs…), soient approvisionnées d’une manière régulière en quantités suffisantes d’eau par le biais de canaux appropriés entre la lagune et la mer. Car, la fermeture des passes entre la lagune et la mer a tendance à perturber l’équilibre du système d’irrigation naturel, qui caractérise ces cultures en sable.

Ghar El Melah est, en effet, la première ville arabe et nord-africaine à figurer sur la liste des villes zones humides d’importance mondiale Ramsar.

Un système ingénieux d’irrigation passive

La technique des «guettayas» ou de culture en sable se caractérise par un système d’irrigation passive où les racines des plantes sont alimentées en toute saison par l’eau de pluie emmagasinée et surnageant la surface de l’eau de mer à travers les mouvements des marées. Ce système naturel permet durant toute l’année de mener des cultures sans apport artificiel d’eau et ce, même pendant les périodes de sécheresse.

Bien qu’il soit précieux et d’importance mondiale, ce système est désormais menacé par l’expansion urbaine telle que la construction du nouveau port commercial et des routes qui y mènent, ainsi que le détournement de l’estuaire de l’oued Medjerda vers le sud, l’expansion des activités touristiques, les constructions anarchiques et la diminution des précipitations, souligne la note du FTDES.

Face à cette situation, les experts du Forum recommandent la réduction de la pression humaine croissante qui affecte l’écosystème sur lequel repose la culture en sable. Ils rappellent, à cet effet, que la direction régionale de l’Agence de protection du littoral (Apal) à Bizerte avait documenté la construction de 60 maisons et immeubles dans la région jusqu’au début de 2015, en violation flagrante de la loi qui protège le domaine public maritime.

Les diverses activités humaines ont fait subir au système de culture en sable une double vulnérabilité exacerbée par le changement climatique.

Baisse de de l’approvisionnement en eau douce

Selon les données de la FAO, en 2020, la production moyenne au niveau de la lagune de Sidi Ali El-Mekki, se situait entre 28 et 38 tonnes par hectare, et ces chiffres ont remarquablement baissé, selon le FTDES, qui appelle à «publier l’étude élaborée dans le cadre du projet Green Wet et à mettre en œuvre ses recommandations pour améliorer le débit et la qualité de l’eau à Sidi Ali El-Mekki».

La lagune a connu une diminution de l’approvisionnement en eau douce, après le détournement de l’embouchure de l’oued Medjerda vers le sud et la construction de barrages sur ses rives, ce qui a conduit au déclin et à l’abandon de la voie d’eau reliant le lac à la mer, tandis que la nouvelle voie d’eau n’a pas réussi à assurer l’approvisionnement du lac en eau de mer.

Le FTDES souligne la nécessité d’adopter une législation qui accorde des privilèges aux agriculteurs de la lagune de Sidi Ali El-Mekki et de les autoriser à exploiter du sable pour restaurer les terres agricoles.

Il appelle, également, à valoriser ce patrimoine agricole «dans le cadre d’une dynamique touristique basée sur l’éco-tourisme et le respect des écosystèmes et de l’environnement».

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