A chaque fois qu’il rencontre Kamel Maddouri, Kaïs Saïed insiste sur les questions sociales auxquelles il semble accorder une extrême priorité. L’activité du président sortant rejoint ici celle du candidat à la présidentielle du 6 octobre prochain. Et la coïncidence n’est pas fortuite. Tant mieux pour les catégories sociales qui vont (peut-être) en profiter.
Imed Bahri
La création d’un fonds pour la protection sociale des ouvrières agricoles et la question de la sous-traitance, pratique très courante dans les secteurs privé et public à laquelle Saïed cherche à mettre fin, étaient les principaux axes évoqués lors de la rencontre qui a réuni, lundi 26 août 2024, au palais de Carthage, le président de la république et le chef du gouvernement.
Selon le communiqué de la présidence de la république rendant compte de cette rencontre, Saïed a affirmé que «chaque responsable se doit d’être au service des citoyens et être un modèle d’abnégation et de don de soi». Traduire : le responsable ne doit pas être au service des lobbies qui hantent les rouages de l’Etat et font souvent passer leurs intérêts avant ceux des couches défavorisées de la population dont Saïed estime être le principal défenseur.
Lors de cet entretien, le président de la république a «ordonné l’élaboration d’un texte de loi pour la création d’un fonds de protection sociale au profit des ouvrières agricoles, qui leur garantit la prise en charge médicale et l’assurance contre les accidents de travail et les maladies professionnelles, en plus d’une pension de retraite», lit-on dans le même communiqué.
«L’Etat ne restera pas les bras croisés face à ceux qui, récemment, ont remplacé les travailleurs exerçant sous le régime de la sous-traitance par d’autres, comme ce fut le cas, par exemple, dans le gouvernorat de Siliana, où 24 travailleurs ont été licenciés par une entreprise», a ajouté le communiqué, en citant le président de la république, sans nommer l’entreprise en question.
On devine cependant qu’il s’agit là d’une entreprise privée qui, à l’instar de nombreuses autres, mise sur les faibles salaires des travailleurs pour être concurrentielle et remporter des marchés à l’extérieur.
C’est donc à une véritable révolution du monde du travail, et par conséquent du modèle industriel en place en Tunisie depuis les années 1970, que le président Saïed, dans son souci d’équité, s’attaque aujourd’hui frontalement. Il y aura forcément des coûts additionnels, et des coups; et il va falloir désormais compter les points et les… KO.
En d’autres termes, les opérateurs économiques, agriculteurs et industriels, sont tenus de chercher de nouvelles niches de rentabilité et de compétitivité autres que les faibles salaires, et ce pour faire pression sur leurs coûts et éviter la surchauffe des prix.
A ce sujet, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) se montre étrangement silencieuse et pour cause : le chef de l’Etat joue désormais le rôle de plaidoyer et de revendication sociale qu’elle jouait jusque-là, la réduisant au chômage technique. Mais que dire des organisations patronales, qui tardent, elles aussi, à se prononcer sur cette question qui engage l’avenir même des entreprises et de l’économie dans le pays d’une façon générale?
(Avec Tap).