La Tunisie espère établir avec la Chine une coopération industrielle semblable à celle qu’elle a établie avec l’Europe depuis les années 1970 et qui lui a permis de développer son industrie, notamment textile et électronique. Ce ne serait pas une mauvaise idée, encore faut-il que la Chine y trouve elle aussi son compte.
Latif Belhedi
La Chine soutient la Tunisie dans la réalisation de certain de ses projets programmés dont la construction du pont de Bizerte et de la station solaire photovoltaïque de Kairouan ainsi que l’extension de l’hôpital d’oncologie de Gabès.
C’est ce qu’a déclaré le vice-Premier ministre du Conseil des affaires de l’État de la Chine, Ding Xuexiang, en recevant le chef du gouvernement, Kamel Maddouri, mardi 3 septembre 2024, à Pékin, en marge du Sommet du 9e Forum sur la coopération sino-africaine (Focac 2024), qui se tient du 4 au 6 septembre dans la capitale chinoise.
Quid du projet de la Cité médicale de Kairouan auquel le président de la république Kaïs Saïed attache une grande importance et dont il voudrait faire l’une des marques de sa présidence, et à la réalisation duquel la Tunisie aimerait associer étroitement la Chine?
Le projet de la cité médicale de Kairouan renvoyé aux calendes grecques
La réponse de Xuexiang, telle que rapportée par l’agence Tap, nous laisse quelque peu sur notre faim. Car tout en soulignant les efforts déployés afin de concrétiser ce projet, le responsable chinois a «mis l’accent sur l’impératif de mener les études de faisabilité» y afférentes, laissant ainsi entendre que la partie chinoise n’est pas encore suffisamment convaincue de la rentabilité de cette cité médicale et qu’elle souhaiterait approfondir davantage les études de faisabilité avant de s’y engager plus avant, renvoyant ainsi sa réalisation aux calendes grecques. Tant il est vrai que la Tunisie n’a pas encore réussi à mobiliser les fonds nécessaires pour un projet d’une telle ampleur et qu’elle attend à cet effet un coup de pouce de la Chine.
Sur un autre plan, Ding Xuexiang a fait part du souhait de la Chine de renforcer la coopération dans les secteurs de l’éducation, du tourisme et de la culture, et d’importer davantage de produits tunisiens. Souhait qu’on aimerait voir concrétisé le plus tôt possible car la balance commerciale de la Tunisie avec la Chine est fortement déficitaire, la Chine représentant, de très loin, le premier déficit commercial de notre pays, et cette situation ne saurait durer encore plus longtemps, car la Chine nous vend à peu près tout, y compris beaucoup de camelote, et ne nous achète pratiquement rien.
Ceux qui préconisent un changement de cap économique de la Tunisie pour s’orienter davantage vers la Chine et la Russie, deux pays avec lesquels les échanges de notre pays sont fortement déficitaires, doivent comprendre que la Chine et la Russie ne sont pas habitués aux œuvres de charité et que dans nos relations avec ces pays, nous ne devons pas perdre de vue nos intérêts vitaux.
Donc, oui à une coopération mutuellement bénéfique, non à des engagements de type idéologique dont on paierait au final lourdement les frais !
La Chine doit s’ouvrir davantage aux produits tunisiens
D’ailleurs, Kamel Maddouri a rappelé, hier, à son hôte que «la Tunisie est actuellement déficitaire avec la Chine» et qu’elle «aspire à plus de fluidité en matière d’échanges commerciaux entre les deux pays», tout en soulignant sa volonté d’œuvrer à renforcer ces échanges, estimant que l’assouplissement des échanges commerciaux tuniso-chinois sera bénéfique pour les deux pays. Traduire : la Chine doit s’ouvrir davantage aux produits tunisiens.
Dans ce contexte, Maddouri a souligné la détermination de la Tunisie à «lever les obstacles devant les entreprises chinoises afin d’investir dans plusieurs secteurs à l’instar des énergies renouvelables, l’industrie des véhicules électriques, l’économie numérique et le phosphate», ajoutant que la Tunisie dispose de plusieurs atouts permettant d’attirer ces entreprises, et qu’elle mobilisera le foncier nécessaire et accordera des incitations fiscales et financières afin d’encourager les investissements chinois.
Il a, par ailleurs, fait observer qu’il existe des projets importants entre les deux pays dans certains domaines comme l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, le tourisme et la culture, ajoutant qu’il est possible de les développer davantage, en exprimant la volonté de son gouvernement à mettre en place des projets tuniso-chinois, particulièrement, dans le secteur de l’industrie des véhicules électriques et des batteries automobiles et à relancer l’exportation du phosphate tunisien vers la Chine.
Le but est, on l’a compris, d’inviter la Chine à installer certaines de ses usines dans notre pays pour profiter des avantages qu’offre la Tunisie dont son savoir-faire industriel, ses coûts concurrentiels et sa proximité avec plusieurs marchés : Europe, Afrique, pays arabes. Et ce faisant, équilibrer un tant soit peu les échanges commerciaux.
C’est dans ce cadre qu’ont eu lieu les rencontres entre Maddouri et Shi Wenjun, le directeur général du Fonds de développement Chine-Afrique (CADF), filiale de la Banque chinoise de développement (BDC), et la directrice des opérations internationales du groupe CEEC, Li Lina.
En d’autres termes, la Tunisie espère établir avec la Chine une coopération industrielle semblable à celle qu’elle a établie avec l’Europe depuis les années 1970 et qui lui a permis de développer son industrie, notamment textile et électronique. Ce ne serait pas une mauvaise idée, encore faut-il que la Chine y trouve elle aussi son compte.