Pourquoi la Tunisie fait-elle du surplace ?

En Tunisie, les gouvernements se suivent, font les mêmes diagnostics des problèmes, préconisent des solutions, prennent des mesures, et communiquent à souhait sur leur action, mais lesdits problèmes persistent et parfois même s’aggravent. Le pays donne la désagréable impression de faire du surplace, qu’atteste une récession économique qui dure depuis 2011. Qu’est-ce qui bloque la machine ?

Imed Bahri

Cela est tout de même symptomatique d’un grave problème de gouvernance et qui renforce le sentiment chez beaucoup de citoyens que le pays est bloqué, qu’il s’embourbe et s’empêtre dans ses problèmes au lieu d’avancer sur la voie de solutions concrètes ouvrant les perspectives d’une relance économique.

Parmi les problèmes récurrents et que les gouvernements successifs ne parviennent pas à résoudre, celui des projets dont la réalisation est carrément bloquée ou qui n’avancent pas au rythme souhaité.

Inventaire des problèmes

Ce problème a été hérité par l’actuel chef de gouvernement, Kamel Maddouri, qui cherche, lui aussi, depuis son installation, à lui trouver une solution. Et l’on repart de nouveau à zéro, comme si ses prédécesseurs n’ont pas avancé d’un iota sur la voie de la solution. Puisqu’un communiqué de la présidence du gouvernement, publié jeudi 7 novembre 2024, et dont l’agence Tap a rendu compte, nous apprend qu’«un inventaire exhaustif répertoriant les problèmes qui entravent la mise en œuvre des projets public et privé sera bientôt établi». Ouf, il était temps !

 «Le gouvernement procédera à un examen fouillé des textes juridiques afférents à la réalisation des projets public et privé et proposera à cet effet des mesures appropriées permettant de remédier à la situation», précise ledit communiqué, ajoutant que «cette décision vient concrétiser les recommandations issues du conseil ministériel du 29 octobre 2024 et consacré l’examen des mesures visant à accélérer la réalisation des projets et à booster l’investissement.»

Qu’on nous permette déjà d’exprimer notre étonnement du fait qu’un pareil «inventaire des problèmes» et «examen fouillé des textes juridiques afférents» n’aient pas encore été réalisés, et de nous interroger sur les délais dans lesquels l’actuel gouvernement espère réaliser un tel travail et «proposer» (sic !) des «mesures appropriées» (re-sic !), et quand à fortiori celles-ci seront-elles mises en œuvre et dans quel délais raisonnables. Est-ce que l’actuel gouvernement parviendra au terme de ce processus ou lèguera-t-il le travail inachevé à celui qui lui succèdera, comme l’ont du reste fait tous ceux qui l’ont précédé? Et on sera alors bon pour une nouvelle remise à plat et un nouveau départ… Les travaux de Sisyphe !  

En l’absence de décisions concrètes et de leur mise en œuvre immédiate, on continuera ainsi indéfiniment à brasser du vent, à perdre du temps et à en faire perdre à nos enfants et petits-enfants qui se retrouveront demain à chercher à régler les problèmes qu’on leur a légués.

Pour revenir au communiqué de la présidence du gouvernement, on y apprend que «les organismes publics centraux et régionaux s’engagent à apporter l’appui nécessaire pour surmonter les difficultés entravant la réalisation des projets afin de contribuer à la croissance et accroître ainsi l’attractivité de la Tunisie en tant que destination privilégiée pour les investissement nationaux et étrangers».

On y apprend aussi que «l’exécutif s’engage dans ce cadre à accorder toute l’attention requise au suivi de la réalisation des projets, promettant une intervention urgente pour surmonter les difficultés. L’objectif ultime étant de répondre aux impératifs d’efficience et de bonne gouvernance en matière de gestion des deniers publics.»

Improbables solutions

A cet effet, il a été décidé «de fixer des délais pour l’exploitation ou la réaffectation des fonds mis à la disposition des projets en difficulté», «de revoir à la hausse le taux de contribution des financeurs au financement des projets en cours de manière à alléger le fardeau grevant le budget de l’Etat» et «majorer le taux des acomptes accordés au titre des nouveaux projets financés dans le cadre de la coopération internationale», et ce afin «de dégager des liquidités nécessaires au profit des banques et des institutions», selon un communiqué.

Donc, si l’on a bien compris, l’administration publique «s’engage», «accorde toute l’attention», «promet», «revoit», «fixe», etc., sauf qu’aucun délai n’est clairement défini pour parachever des processus qui ont tendance à s’éterniser et à voir les coûts des projets grossir au fil des ans voire doubler ou même tripler, obligeant l’Etat à relancer les bailleurs de fonds pour d’hypothétiques rallonges où à mettre lui-même la main à la poche, ce qui ne manque pas de grever davantage le budget de l’Etat, lequel continue de s’endetter lourdement pour pouvoir financer ses dépenses de fonctionnement?

Aussi, quand Kaïs Saïed charge l’administration publique et l’accuse parfois de faire obstruction au travail de l’Etat, on comprend son impatience et son incompréhension. Il y a quelque part un grain de sable qui empêche la machine de fonctionner à plein régime. Le président de la république désigne du doigt des «lobbys» , des «spéculateurs», des «agents de l’étranger». Et si c’était simplement un problème de méthodes et de pratiques éculées dont la bureaucratie nationale ne parvient pas à se libérer faute de réformes radicales?

(Avec Tap)

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