La poésie de Tristan Cabral est marquée par un engagement dénonçant la violence du monde et l’arrogance des puissants, ne manque pas d’accents lyriques, intimes, portés par de blessures profondes.
Né en 1944 à Arcachon (France), de son vrai nom Yann Houssin, a été professeur de philosophie à Nîmes. Contestataire et pacifiste, il fut emprisonné en 1975 pour avoir soutenu le CAM, le Comité Anti Militariste. Il publie son premier recueil Ouvrez le feu, en 1974, l’attribuant à quelqu’un d’autre. Il décède à Montpellier en 2020.
Quelques titres : Le passeur de silence, préface Tahar Ben Jelloun, , 1986; Le désert-Dieu, journal de Jérusalem sous l’Intifada, 1996 (essai); L’enfant de guerre, 2002 ; Poèmes à dire, , 2019.
Tahar Bekri
il y a longtemps que je ne vis plus ici
je ne prends plus le bras de la pluie pour sortir
et que pourrais-je dire des étés invisibles
où je sauvais la mort sur les restes du jour
certains jours je mettais des années de côté
et mes yeux repoussaient à chaque démesure
je donnais des oublis au fond des parcs sombres
et j’ai su quelquefois ressembler à ma voix
j’ai même accompagné les invasions secrètes
et des blessures m’ont fait la peau
quand on fêtait les guerres
je me joignais aux grands défigurés
je marchais dans ma chute
je ne changeais jamais les murs
et parfois j’ai confié mon visage à l’abîme
surtout ces temps de chien où j’étais mis à prix
je n’avais de pitié pour les terres habitées
et quand les jours ne m’allaient plus
je mettais mon passé pour traverser vos rues
je n’avais plus que mon silence à vous donner
il y a longtemps que je ne vis plus ici
l’oiseau s’est séparé de son vol inutile
alors après ma mort
ne fouillez pas mes poches
vous n’y trouveriez rien qu’une barque fantôme
Nîmes – 12 mai 1980
Extrait de ‘‘Et sois cet océan !’’, Ed. Plasma, 1981.
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