Donald Trump leur a promis le feu et la fureur il y a quelques mois, les bombardements américains et israéliens n’ont pas cessé et les États-Unis ont dépensé 7 milliards de dollars dans leurs opérations pour les mettre hors d’état de nuire mais en vain. En dépit de tout cela, les Houthis sont restés jusqu’à ce mardi un véritable casse-tête pour la première puissance mondiale et leurs attaques aussi bien contre la flotte américaine dans la Mer Rouge que contre Israël se sont poursuivies. L’option militaire aura été inefficace jusqu’au bout avec les Houthis et c’est finalement la diplomatie qui a fini par avoir le dernier mot.
Imed Bahri
Concomitamment aux intenses raids aériens israéliens sur le Yémen mardi 6 mai, Donald Trump a fait une déclaration prétendant que les Houthis ont capitulé et que par conséquent, il a décidé l’arrêt des bombardements. Telle est la version trumpienne. Quelques heures plus tard, un communiqué du ministère omanais des Affaires étrangères a révélé qu’une médiation du Sultanat d’Oman a débouché à un accord de cessez-le-feu entre les deux belligérants.
Dans une analyse publiée par le Times, Mark Urban a affirmé que les Houthis sont restés les maîtres de la situation au Yémen. Malgré les efforts coordonnés des États-Unis pour frapper leurs positions et leurs actifs, le groupe est resté capable de cibler des navires américains dans la mer Rouge et de lancer des missiles vers Israël.
L’analyste a évoqué le crash d’un avion de chasse américain la semaine dernière alors que des manœuvres d’avions avaient lieu sur le pont du porte-avions USS Harry S. Truman. Ce qui s’est passé par la suite est un rappel important du coût de la guerre face à un ennemi insaisissable.
L’auteur décrit la perte de l’avion américain qui était sur le point de décoller du porte-avions avant de crasher dans la mer Rouge. Ce qui est significatif, c’est que l’avion de combat F/A-18 a coûté 67 millions de dollars s’ajoutant à la facture de 7 milliards de dollars des opérations américaines contre le groupe yéménite soutenu par l’Iran au cours des quinze derniers mois.
Trump voulait «anéantir les Houthis»
Le président américain a promis d’«anéantir les Houthis» dans une campagne militaire qui est passée de 202 frappes aériennes sous l’administration Biden à 800 en moins de deux mois avec Trump. Le commandement central américain qui supervise les opérations au Yémen a déclaré qu’il augmenterait la pression pour affaiblir les Houthis tant qu’ils continueront à entraver la liberté de navigation maritime.
Néanmoins après le début de cette nouvelle vague de frappes et la coordination au sein de l’administration américaine par le biais du tristement célèbre groupe de discussion Signal créé par le conseiller à la sécurité nationale de l’époque Mike Waltz, il n’est pas clair si l’administration Trump sait jusqu’où intensifier ou même comment mettre fin à la campagne militaire.
La semaine dernière, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth a menacé l’Iran dans un tweet: «Nous voyons votre soutien aux Houthis. Vous en subirez les conséquences au moment et à l’endroit que nous choisirons». Pendant ce temps, les États-Unis tentent de négocier un accord avec l’Iran sur son programme nucléaire.
«Ce que nous constatons est une véritable division interne au sein de l’administration Trump avec de nombreuses personnes qui qui sont devenues très bellicistes à l’égard de l’Iran», a déclaré Elisabeth Kendall, experte du Yémen et présidente du Girton College de l’Université de Cambridge.
Cette division ajoute une nouvelle complication à l’objectif déclaré des États-Unis de mettre fin aux attaques des Houthis contre le transport maritime international. Ansar Allah, le nom officiel du mouvement Houthi au Yémen, continue pour sa part à défier les Américains et les Israéliens. Bien que ce défi tente de surmonter la véritable douleur causée par les frappes aériennes américaines à plusieurs volets qui ont commencé à la mi-mars, il continue de lancer des attaques de missiles contre Israël et contre les navires commerciaux traversant le détroit de Bab Al-Mandab.
Mercredi 30 avril, les avions de chasse Typhoon de la Royal Air Force ont rejoint l’opération Rough Rider après une pause dans les frappes depuis février dernier.
En ce qui concerne la protection des navires de guerre au large des côtes du Yémen, le lancement d’un ensemble de missiles défensifs coûte des millions de dollars mais le coût du lancement d’une telle frappe et de la paralysie d’un navire de guerre pourrait facilement dépasser les milliards de dollars. Le problème n’est pas seulement une question de coût mais aussi d’épuisement du stock essentiel d’armes américaines qui seraient nécessaires dans tout conflit plus large avec l’Iran ou la Chine et dont le remplacement prendrait des années.
Le ministère américain de la Défense insiste sur le fait qu’il a affaibli les capacités militaires du mouvement. La semaine dernière, il a affirmé avoir détruit 69% des lanceurs de missiles balistiques du groupe Ansar Allah et 55% de ses lanceurs de missiles de croisière. Il est vrai que les attaques contre les navires ont diminué, passant de 18 attaques en décembre 2023 à 3 attaques en novembre 2024, bien que cela soit en partie dû à la baisse du trafic à travers la mer Rouge.
Pour tenter d’empêcher les Houthis de reconstruire leur organisation, les États-Unis ont adopté une approche globale, déclarant Ansar Allah organisation terroriste plus tôt cette année et cherchant à étouffer son financement ainsi qu’à bloquer les livraisons d’armes en provenance d’Iran.
«C’est la première fois que nous voyons un effort cohérent de la part des Américains sur les deux fronts, tant sur le plan militaire que sur celui des sanctions», a déclaré Kendall.
L’opération terrestre est inenvisageable
Le mouvement peut se sentir sous pression en raison de la destruction des infrastructures civiles et des pertes civiles mais il exploitera les pertes subies par la population pour renforcer sa position anti-américaine. En fin de compte, les Houthis qui gouvernent par la coercition continueront à résister malgré les tentatives occidentales et saoudiennes de les contrôler et conserveront une certaine capacité à continuer de lancer des missiles.
Certains pensent que seule une opération terrestre peut leur infliger des dégâts significatifs comme ce fut le cas lors de l’invasion israélienne du sud du Liban l’automne dernier qui a causé de graves problèmes aux alliés d’Ansar Allah dans ce pays, le Hezbollah.
Cependant, ni les États-Unis ni les autres pays occidentaux ne veulent prendre le risque d’envoyer leurs forces au Yémen, les regards se tournent désormais vers une faction yéménite soutenue par les Émirats arabes unis qui semble se mobiliser pour lancer une attaque contre les bastions houthis. Toutefois, l’histoire récente du pays marquée par une guerre civile non concluante suggère que ces factions ne seront pas assez fortes pour réaliser quoi que ce soit de significatif.
Coup de tonnerre le 6 mai 2025, l’épilogue de cette confrontation entre les Américains et les Houthis va avoir lieu par voie diplomatique. Trump sort fanfaron et fait une déclaration prétendant que les Houthis ont fini par capituler et donc il a décidé de faire cesser les bombardements. Quelques heures plus tard, un communiqué du ministère omanais des Affaires étrangères a apporté la vérité. Il n’y a pas eu de capitulation, il y a eu un accord de cessez-le-feu entre les États-Unis et les Houthis suite à une médiation omanaise. Pour une fois, la diplomatie a réussi là où l’option militaire a complètement échoué.
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