Certains intellectuels ainsi que des observateurs de la chose publique en Tunisie se sont posé la question suivante : que se passerait-il au lendemain des décisions prises par le président Kais Saïed, le 25 juillet 2021 (consistant à limoger le chef du gouvernement, à geler les travaux de l’Assemblée et à lever l’immunité parlementaire des députés, Ndlr) ? A travers de telles décisions, le chef de l’Etat aurait-il l’intention de corroborer un système despotique et absolu, ce qui signifie obligatoirement un retour en arrière, et dans ce cas, il ferait partie d’une contre-révolution?
Par Moncef Ben Abdeljalil *
Ces questions me semblent pertinentes et acceptables, car la grande peur que ces intellectuels ont ouvertement exprimée vis-à-vis de telles décisions relève des traces qu’avait laissées la tendance despotique dont avaient souffert les Tunisiens pendant une longue période de leur l’histoire politique contemporaine.
Toutefois, je voudrais attirer l’attention sur quelques aspects qui, après méditation, pourraient offrir un peu d’optimisme, convaincre du fait que le lendemain serait meilleur et soutenir que la Tunisie sera parmi les pays qui impressionneront l’opinion publique internationale et susciteront son admiration grâce à ce qu’il serait nommé «le miracle économique».
Contestation de l’accaparement des richesses par une minorité
L’événement du 25 juillet 2021 qui consista à manifester dans la rue ne fut pas un appel à la restauration du régime monarchique comme l’avait déclaré d’une manière délirante Noureddine Bhiri sur les ondes de la radio Shems FM; je considère qu’il est similaire à ce qui s’est passé le 14 janvier 2011, malgré la différence des causes apparentes. La ressemblance entre les deux événements consiste à combattre l’injustice, la tyrannie de ceux qui gouvernent, la discrimination entre Tunisiens et le népotisme qui priva les citoyens de leurs droits à l’emploi, à la santé et aux aides sociales. Soit une contestation populaire contre l’accaparement des richesses du pays par une minorité gouvernante. Les manifestants ont crié au visage de ces nouveaux hommes au pouvoir «Cela suffit ! » et leur ont opposé un franc «Stop!».
La primauté de l’esprit citoyen sur l’allégeance aux partis
Le président, auteur des décisions, était et demeure détenteur d’une large légitimité électorale que le parti, qui prétend être le plus populaire, Ennahdha en l’occurrence, n’a jamais atteinte. Et j’estime que la leçon à tirer des manifestations populaires dans la rue est de considérer la primauté de l’esprit citoyen sur l’allégeance aux partis religieux et sur la fondation de partis politiques par la manipulation des personnes pauvres et nécessiteuses.
Je crois que le président n’a pas pris de telles décisions sur un coup de tête. Au contraire, me semble-t-il. Il aurait consulté des personnalités patriotiques tunisiennes; il aurait eu l’aval des grandes puissances. Ainsi, aucun rejet de telles décisions n’a été constaté, ni même la moindre condamnation.
Il est clair que les pays donateurs ne manqueront pas d’apporter secours et soutien à notre pays dans la mesure de leur pouvoir. N’en déplaise à Radwan Masmoudi (dirigeant d’Ennahdha, président du Centre d’études de la démocratie et de l’islam, Ndlr) qui doit se rendre à l’évidence que les Etats-Unis ne sanctionneront pas la Tunisie pour avoir décidé de réformer une politique corrompue qui a affecté le pays les dix dernières années.
Pour un meilleur déroulement de la justice
Le fait que le président a pris la décision de présider lui-même le parquet (même si cette décision n’a finalement pas figuré dans le décret publié par le Journal officiel (Ndlr), brisera le silence sur des affaires tenues jusque-là secrètes. Les Tunisiens assisteront au bon déroulement de la justice, ce qui leur donnera encore la conviction d’adhérer aux principes du président, relatifs aux droits humains. Une fois la justice répandue et les consciences rassurées, le Tunisien, fort laborieux, se remettra à produire et à développer son pays.
La promesse du président de combattre implacablement les corrompus comme prévu par loi, sans rancune ni vengeance, réalisera les principes de justice et d’égalité réunis. De ce fait, les droits seront rendus aux citoyens qui en étaient privés. Cela fera l’objet d’une réforme radicale qui aura un impact psychologique sur tous les Tunisiens.
Les institutions militaire et sécuritaire au-dessus de la mêlée
L’appareil sécuritaire ainsi que l’armée ont prouvé une fois de plus leur impartialité envers tous les protagonistes en s’affirmant comme institutions républicaines de métier, et ce malgré toutes les tentatives de politisation et de récupération de la part des partis politiques. Lesdites institutions seront à la hauteur pour assurer la protection des valeurs du président, dont l’essence demeure la citoyenneté.
Le président est tout à fait conscient qu’il lui est impossible de dévier du système démocratique, puisque la société civile et beaucoup d’associations ont bien assimilé la leçon politique et l’affaire est désormais classée: il n’est plus question de revenir au despotisme, ni au pouvoir absolu. Que les partis qui continuent à rejeter les décisions du président trouvent d’autres arguments plus plausibles.
Il s’est avéré pour tous que l’allégation de «coup d’Etat» agitée par les partis afin de rejeter les décisions du président est sans fondement, car le droit constitutionnel n’est pas une simple règle avec laquelle se mesurent les limites de l’action politique. Au contraire, la loi demeure une partie intégrante de la vie des gens; elle l’accompagne et s’en inspire autant qu’elle l’affecte dans une dialectique constructive.
L’expérience tunisienne, me semble-t-il, fera encore une fois l’objet d’étude dans les écoles internationales. Force est de constater que le président a créé un événement qui ne diffère pas en son genre de celui du 14 janvier 2011.
Il était clair pour les citoyens qui ont manifesté dans la rue le 25 juillet ainsi que pour moi, que le Covid-19 ne fait plus peur autant que les tromperies aux dépens du peuple par l’accaparement d’un pouvoir autoritaire qui a miné le pays. Certes, les Tunisiens sont sortis manifester tout en se disant: «Nous luttons aujourd’hui contre nos politiciens corrompus qui accaparent la richesse du pays afin d’assurer à nos enfants, demain, une vie meilleure.»
Il est temps de se retrousser les manches pour se remettre au travail
Les choses étant ainsi «Jamais plus de peur!», «Le despotisme n’est pas notre horizon!», «Jamais plus d’oppression ni d’injustice!». Les Tunisiens sont appelés à se retrousser les manches pour se remettre au travail; ils accompliront un miracle économique qui permettra rapidement de rembourser les aides internationales spoliées et détournées. Aux truands et malfrats de restituer ce qu’ils ont pillé, volé et injustement possédé. Ce qui reste encore à faire, c’est la révocation imminente des postes accordés à des personnes sans mérite aucun. Il ne reste enfin à faire que punir ceux qui ont pensé que l’appartenance aux partis leur procure une immunité judiciaire. Le lendemain ne se fait pas attendre longtemps ! La Tunisie se porte bien.
* Professeur à la Faculté des lettres et des sciences humaines de Sousse, membre de Beit Al-Hikma.
** Les intertitres sont de la rédactions.
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