Tunisie: «Le projet de Kaïs Saïed vise à cumuler tous les pouvoirs» (Adnen Mansar)

Le directeur du Centre d’études stratégiques sur le Maghreb (Cesma), Adnen Mansar, a déclaré à Mosaïque que «les caractéristiques du projet populiste du président Kaïs Saïed deviennent claires», ajoutant qu’il s’agit d’«un projet visant à s’accaparer tous les leviers du pouvoir et la mainmise sur ses structures».

L’analyse du décret n°55 relatif aux élections et au référendum révèle la volonté du président Saïed d’atomiser le peuple et de donner la parole au citoyen sur n’importe quelle question sans ouvrir aucun dialogue ni débat public et sans intercession des corps intermédiaires, et notamment des partis.

Le responsable du Cesma a déclaré : «Avec la promulgation de la nouvelle loi électorale, nous avons enregistré un recul par rapport à toutes les formes de modernité politique qui a commencé en Tunisie depuis le milieu des années cinquante du siècle dernier et qui visait à rassembler les Tunisiens dans un projet plus grand que l’affiliation tribale, clanique, régionales ou locales», ajoutant que la nouvelle loi électorale «ramène les Tunisiens à ces formes d’organisation sociale primitives, parfois sanglantes, ce qui confirme l’existence d’une volonté de faire du peuple de simples individus, des atomes et une nébuleuse facile à contrôler politiquement et socialement. C’est une sorte de réaction politique qui abandonne tous les éléments de la modernité politique.»

Pour sa part, le professeur de droit public Mohamed Sayari a estimé que la modification du mode de scrutin en adoptant le vote pour les individus en remplacement de celui pour les listes dans le décret n° 55 relatif aux élections et au référendum établit une relation directe entre l’électeur et le candidat et exclut le rôle des partis, qui ne sera plus central dans l’opération électorale. Ce mode de scrutin pose aussi certains problèmes, notamment dans les petites circonscriptions et ouvre la porte à la corruption financière, à commencer par la phase de la collecte des parrainages, comme cela a déjà été constaté ces dernières semaines.

Mohamed Sayari a également soulevé la question du retrait de la confiance directement par les électeurs, qui est une nouvelle procédure en droit tunisien, indiquant par la même occasion l’impossibilité de prévoir les conditions pour exercer ce type de contrôle sur le député et comment il s’effectuerait dans la réalité.

Le professeur de droit public a indiqué que le décret n° 55 entraînera une baisse de la représentation des femmes et des jeunes au prochain parlement et soulèvera de nombreux problèmes constitutionnels concernant l’exclusion des binationaux, qui ne pourront pas se porter candidats dans leur pays.

I. B.

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