J’ai lu récemment des informations selon lesquelles, depuis le début de l’année, plusieurs hôtels en Tunisie ont déjà mis la clé sous le paillasson et que d’autres établissements seront acculés à le faire d’ici la fin de l’année. Cette information restera incomplète si on ne donne pas les raisons de toutes ces fermetures et les responsables du fiasco du tourisme tunisien.
Par Habib Glenza *
Ce fiasco est dû en grande partie à la soumission des hôteliers tunisiens aux diktats des TO étrangers qui les poussent au bradage des prix et à d’autres concessions telles que l’hébergement all inclusive qui ronge la rentabilité de notre tourisme.
En 2018, j’ai écrit dans Kapitalis plusieurs articles sur les maux chroniques du tourisme tunisien : entre autres, la soumission des hôteliers aux diktats des tours opérateurs étrangers, l’hébergement all inclusive et la mauvaise qualité des services. Malheureusement, rien n’a vraiment changé depuis.
En effet, je viens de passer deux semaines avec ma femme dans un hôtel de Hammamet, dont je tairai le nom par charité musulmane. Le séjour en all inclusive nous a coûté 650 euros par personne. Après déductions de la marge bénéficiaire du TO polonais et de son agent (15% en moyenne), du coût du transport aérien et du transfert aéroport-hôtel-aéroport (35%), il n’en reste plus que 293 euros pour l’hôtelier, soit environ 938 DT, par personne par séjour (67 DT par jour), y compris le montant de la dotation de l’Etat tunisien sur les produits alimentaires : pâtes alimentaires, pain, sucre, café, huile, etc., que les touristes consomment au même prix que les Tunisiens. Ce montant, convenons-en, ne couvre même pas la nourriture en all inclusive.
Mauvaise gestion et gaspillage de la nourriture
Tandis que le Tunisien peine à acheter de quoi se nourrir, la moitié de la nourriture servie dans l’hôtel va dans les poubelles, sachant que la consommation d’un touriste en all inclusive dépasse certainement les 90 dinars par jour! De quelle gestion et rentabilité parle-t-on? Les responsables de cette mauvaise gestion sont membres de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH). Ce qui pose des questions sur le rôle exact de cette organisation syndicale qui se refuse à miser sur la qualité des services. Pourquoi la FTH ferme-t-elle, en effet, les yeux sur la soumission de ses membres aux diktats des TO étrangers qui a conduit à la faillite de plusieurs hôtels?
Je tiens à rappeler aux hôteliers tunisiens qu’ils bénéficié de tous les avantages fiscaux, douaniers et financiers pour créer leurs unités hôtelières. Je leur rappelle également que l’Etat tunisien a dépensé une fortune pour aménager des zones touristiques, construire des autoroutes, des aéroports et des terrains de golf, au détriment de l’agriculture, sachant que quatre produits agroalimentaires (huile d’olive, dattes, agrumes et produits de la pêche) ont rapporté, en 2019, plus de 3 milliards de dinars, soit la moitié des recettes du tourisme au cours de la même année!
Retour sur la mauvaise qualité du linge
Le service linge signifie l’image de marque d’un hôtel. Cependant, sa très mauvaise qualité constitue le talon d’Achille de l’hôtellerie tunisienne. On doit tenir compte que le montant de quatre jeux de linge pour les besoins d’un hôtel 4 et 5 étoiles peut coûter 800.000 à 1 million de dinars selon la qualité.
Lors de mon séjour à l’hôtel de Hammamet, j’ai constaté que le linge éponge est rugueux (rude au toucher). La dureté de l’eau ou l’excès de chlore utilisé pour le blanchiment du linge en sont les principales raisons.
J’ai fait part de mon constat au responsable du personnel des étages, qui a accepté ma demande de visiter la buanderie, mais le lendemain, il m’a informé que le directeur de l’hôtel a refusé de m’accorder cette visite. Comment peut-on confier la gestion d’un hôtel à un responsable qui ne cherche pas à améliorer ses services et qui, pire encore, refuse les conseils d’un ingénieur en buanderie ?
Moralité de l’histoire : si elle tient à sauver le tourisme tunisien du naufrage, comme elle ne cesse de le dire, la FTH doit impérativement empêcher le bradage des prix pratiqué par ses adhérents ainsi que la formule d’hébergement all inclusive,. Elle doit procéder à la mise à niveau des services hôteliers dans les meilleurs délais, par le biais d’une formation professionnelle pertinente.
* Conseiller à l’exportation agréé par le ministère du Commerce.
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