Accueil » Révolution tunisienne: Bilan de 5 ans d’égarement

Révolution tunisienne: Bilan de 5 ans d’égarement

Revolution-5-ans-apres

Cinq ans après la chute de Ben Ali, les nouveaux dirigeants ont fait échouer la révolution, qui a manqué lamentablement son but: changer la gouvernance du pays.

Par Habib Boussaadia *

Une caricature parue il y a quelques jours résume la situation actuelle en Tunisie : il vaut mieux être terroriste que consommateur de «zatla» ou homosexuel !

C’est sidérant et on peut rajouter les astuces suivantes : pour échapper à la justice il faut adhérer au Congrès pour la République (CPR) ou à l’un de ses clones; et si on veut carrément défier cette justice,  alors Ennahdha est un parti refuge extraordinaire !

Maintenant si on est dilapidateur de l’argent public par instinct ou par esprit de revanche, l’Instance Vérité et Dignité  (IVD) est une planque idéale pour atterrir et sa présidente un exemple à suivre.

Une triple catastrophe

Toute la problématique est donc d’essayer de comprendre pourquoi les repères ont changé avec la révolution et surtout pourquoi ou comment les nouveaux politiciens ont-il happé cette révolution pour la faire échouer et manquer lamentablement son objectif : changer la gouvernance du pays?

Pour réussir la transition après la révolution, il fallait remplir 2 conditions : que les politiciens soient intègres ou du moins nationalistes et une refonte de notre société axée sur le bannissement de l’injustice sociale. Or ces 2 conditions n’ont pas été remplies, ce qui explique le désillusion des Tunisiens; car si la 1ère année a été relativement bien gérée, c’est à partir de la 2e année que les choses se corsent : Ennahdha gagne les élections de l’Assemblée nationale constituante (ANC) et, pour ne pas affoler la société civile, forme une coalition avec le CPR et Ettakattol, la gauche caviar !

Cette «troïka» se révèle être une triple catastrophe pour le pays dans 3 domaines sensibles, à savoir la sécurité, la justice et l’économie.

Le ministère de l’Intérieur devient le QG des cadres, activistes et sympathisants d’Ennahdha : on laisse les cellules islamistes proliférer, les prédicateurs légiférer et statuer sur l’orientation religieuse du pays, comme si les Tunisiens  étaient des musulmans théologiquement imparfaits, et pire encore, les armes de guerre pénètrent à travers les frontières du pays devenues trop poreuses. Ce qui devrait arriver survint avec la violence d’un ouragan: crimes politiques, attentats terroristes, attaques contre les forces armées puis contre les forces de l’ordre au nom de la lutte contre le «taghout» (despote mécréant).

Le ministère de la Justice se charge de son côté d’écarter les juges classés «RCDistes» (alliés à l’ancien régime) au profit des «Nahdhaouis» ou apparentés dans leur jardin conquis : ces magistrats seront les protecteurs des islamistes tombés dans les filets des forces de l’ordre. Mieux encore on inculpe avec une célérité déconcertante des anciens cadres du régime de Ben Ali et des journalistes libres, comme des délinquants du droit commun, histoire de faire croire que la justice est impartiale. Mais le procureur de la république omet d’enquêter quand il s’agit d’un cadre CPR ou Ennahdha !

Et enfin la 3e débâcle sera l’économie: entre contrebande, marché noir, exportations illicites, grèves sauvages, barrage des routes pour empêcher l’acheminement des marchandises ou matières premières avec baisse de la production, projets économiques non finalisés et enfin hausse des prix, l’économie s’essouffle, se contracte et le budget du citoyen tunisien souffre surtout en fin de mois !

Un bilan socio-économique désastreux

Au final, la vie est dure depuis la révolution et les quelques exemples suivants illustreront la maladresse ou même l’impotence du pouvoir central à gérer des tsunamis ou scandales politiques du pays :

1- après l’assassinat du dirigeant de gauche Chokri Belaid, le président CPR refuse un remaniement ministériel salvateur pour le pays et opte pour un gouvernement «troïka II»  où le ministre de l’Intérieur, Ali Larayedh, sensé démissionner, est promu chef du gouvernement provisoire!;

2- les autorités sont averties du déplacement d’individus suspects sur les hauteurs du mont Chaambi, mais elles ne réagissent ! On connait la suite et ce qu’endure le pays depuis sur le plan sécuritaire!;

3- les terroristes sont difficiles à appréhender et quand on le fait il y a des voix qui s’élèvent pour réclamer le respect des droits de l’homme : ces avocats du diable oublient que les terroristes veulent nous tuer car justement ils refusent notre mode de vie (rien que ça !);

4- les projets économiques n’arrivent que rarement au stade d’exécution: les obstacles administratifs, témoins de la sclérose de l’administration, et la passivité des pouvoirs publics  sont là pour rappeler aux investisseurs qu’on est plus préoccupé à islamiser la société qu’à chercher à lui assurer un gagne pain et encore moins la prospérité!;

5- les enquêtes inachevées ou enterrées sont légion avec les Troïka 1 et 2 : Sheratongate, répression sauvage des manifestations le 9 avril 2012, les événements de Siliana entre autres, mais le point commun de ces scandales est que l’inculpé resté impuni est, comme par hasard, nahdhaoui !;

6- un cadre CPR introduit illégalement un inconnu dans l’enceinte de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le jour même de son investiture: après tergiversation, la justice condamne l’intrus mais omet de sanctionner ses complices, des députés CPR ! Que dire alors de ce député qui réfute la convocation du tribunal militaire et qui trouve un soutien en la personne de l’ex-président ? Attendrissant, mais ahurissant surtout !;

7- le ministre de l’Education fait une visite inopinée dans un lycée et découvre des cas flagrants d’absence non justifiée : l’UGTT déclare que les propos du ministre ne sont pas bienveillants et décrète une grève de 20 minutes (seulement !) pour marquer sa solidarité avec les enseignants coupables! Maintenant, si on va ouvrir le dossier de UGTT, c’est qu’on a été au cœur de l’abcès : ces gens savent décréter les grèves mais ne songent pas un instant à recommander aux  travailleurs de travailler, ou, au moins, arriver et partir à l’heure, après avoir travaillé chouia !

Une révolution volée par les partis politiques

En conclusion, le bilan socio-économique de la révolution tunisienne est négatif, en dépit des aides internationales massives reçues par la Tunisie (où est passé cet argent?) car les partis issus de la révolution n’ont pas été à la hauteur de l’espoir mis en eux :

– le CPR a été le parti du «non» pour tout, avec des noms qu’il vaut mieux ne pas croiser sur son chemin;

– Ennahdha, c’est d’abord non, puis peut-être, et enfin oui, mais il y a une arrière-pensée toujours cachée !;

– Ettakattol, entre dépression et hibernation curative, est voué à une disparition annoncée;

– Nidaa Tounes, météorite s’il en est, est le parti des guerres fratricides : des orphelins politiques réunis pour la bonne cause et qui s’entretuent lors du partage du butin;

– le Front populaire c’est la gauche qui chante mais fait du chantage pour survivre;

– Al-Mahabba est-il le parti de l’amour comme il le prétend ? Son président fondateur est pourtant le champion des propos haineux !;

– Quant au parti de Slim Riahi, l’Union patriotique livre (UPL), véritable Opni (Objet politique non identifié), on oserait un commentaire désabusé : Slim (Chiboub, gendre de l’ancien président Ben Ali) est parti et le nouveau Slim (Riahi) est arrivé!

Bref, rien de nouveau ou de révolutionnaire sous le ciel de Tunisie !

* Médecin.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!