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Sécurité sociale : Et si on bancarisait la CNRPS ?

Banque-CNRPS

La bancarisation de la CNRPS ne signifie nullement privatisation ou commercialisation des prestations sociales, mais leur fructification pour le bien des assurés sociaux.

Par Kamel Essoussi *

Transformer la Caisse nationale de retraite et de prévention sociale (CNRPS) en banque ne relèverait t il pas d’une blague en ces moments où la Caisse souffre d’un déficit abyssal dans ses finances? Et puis n’est-il pas odieux et carrément hérétique de penser en ce moment à commercialiser cette impressionnante machine de transferts sociaux entre générations créée par les Etats pour venir au secours des plus démunis? Ne serait-ce pas un suicide politique annoncé du gouvernement face à la toute puissance centrale syndicale qui monte déjà sur ses gongs à la moindre proposition de réformette du système des retraites si on se mettait à jouer au banquier avec l’argent des assurés sociaux financeurs?

Le plus gros payeur de Tunisie

L’idée peut paraître saugrenue, inopportune, coûteuse. En fait, rien de tout cela. Elle est simple. Elle part du constat que la CNRPS est aujourd’hui le plus gros payeur de Tunisie – 300 millions de dinars, MD – qu’elle s’oblige à décaisser d’un coup, le 21 de chaque mois, au profit des banques commerciales de la place. Elle se base aussi sur une question toute aussi bête : qu’est ce qui empêche la CNRPS de garder dans sa trésorerie ces sommes faramineuses moyennant l’ouverture de comptes courants bancaires pour chacun de ses pensionnés qui pourra en disposer à n’importe quel moment ?

L’impact sur l’assuré social est énorme. On pourrait imaginer à lui faire payer moins de frais de compte, moins de taxes sur les virements et les retraits, plus de souplesse dans l’obtention des prêts sociaux déjà octroyés et moins d’intérêts conséquents à casquer.

Le profit généré pour la caisse gestionnaire serait inversement proportionnel à ses pertes actuelles en décaissements brusques au profit des banques. Bancariser reviendrait à garder sa trésorerie provisionnée, l’enrichir, la fructifier en placements, et surtout lui permettre de souffler, sans peur qui vous pend aux tripes comme à chaque fin de mois de ne pouvoir réunir la somme due, à supplier les organismes affiliés pour payer à échéance leur coti contributions et à harasser le ministère des Finances pour combler le déficit au plus pressé.

Ceci n’empêchera pas le travail en parallèle, renvoyé tout le temps aux calendes grecques, sur les déficits des régimes dont les causes sont démographiques, structurelles, attenantes à la générosité du système et au vieillissement des populations. Sur ce plan, d’ailleurs, toute la politique de sécurité sociale est à refonder et c’est à l’Etat de prendre le taureau par les cornes et d’oser donner un coup de pied dans cette fourmilière des régimes.

Une idée qui reste à creuser

Tout cela est bien beau, rétorqueront les plus pessimistes. Mais la caisse est-elle outillée pour se bancariser? Avec quels supports juridiques, quel argent, quelles agences, quelles compensations et quels rapports avec les autres banques commerciales de la place?

Sur le plan juridique, de par ses statuts de Janvier 1976, la caisse est un établissement public financièrement autonome qui dispose d’une gestion souple alliant à la fois le caractère public dans ses privilèges du recouvrement de ses créances que le caractère commercial privé dans la gestion de ses activités autres que le service des retraites. Les supports juridiques sont donc prédestinés à cette bancarisation. Ils la justifient amplement et il n’y aura même pas lieu d’enquiquiner ou de réveiller les vieux démons de nos députés de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) plus prolifiques en débats houleux superflus et stériles qu’en solutions législatives aux urgences.

Sur le plan de la logistique, la CNRPS a déjà une petite expérience de bancarisation par le biais de ses prêts sociaux qu’elle accordait à ses assurés dans les périodes de vaches grasses via ses services de recouvrement performants, de contentieux efficace facilité du reste par le privilège accordé au trésor. Sa direction financière jonglait avec les placements au jour le jour. Ses agences sont implantées partout sur le territoire de la république. Il suffirait de les doter de distributeurs de billets, de quelques nouvelles procédures qu’on saurait importer des banques en place sans gros tracas et de quelques réadaptations tout en autorisations et en facilités pour des produits bancaires autres qu’on aurait auparavant auréolés du caractère social via quelques petites circulaires et quelques textes réglementaires.

Que les acariâtres du tout public se tranquillisent. Bancarisation ne signifie nullement privatisation ou commercialisation de prestations sociales mais bien au contraire leur enrichissement et leur fructification pour le bien des assurés sociaux et la pérennité de l’équilibre financier de leurs régimes de sécurité sociale.

L’idée reste à creuser davantage. Il y a sûrement des jeunes cadres capables de la faire aboutir. Encore faut il les impliquer davantage dans les discussions de décideurs léthargiques et sans innovations, tout occupés à se chamailler pour des réformettes inutiles, comme celle sur le recul de l’âge de la retraite, sans impact sur les régimes et encore moins sur leur financement.

* Consultant.

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