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Youssef Chahed brosse un tableau noir de l’économie tunisienne

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S’étant engagé à dire la vérité aux Tunisiens, le nouveau chef de gouvernement Youssef Chahed a brossé un tableau alarmant de la situation économique en Tunisie.

Par Imed Bahri

Dans son discours, vendredi, devant l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), lors de la séance plénière extraordinaire pour le vote de confiance à son gouvernement, M. Chahed n’y est pas allé par quatre chemins, évitant les euphémismes auxquels recouraient ses prédécesseurs pour, croyaient-ils, ne pas effrayer les Tunisiens et les partenaires étrangers de la Tunisie.

«Nous devons dire au peuple la vérité sur la situation prévalant dans le pays et dont nous sommes tous responsable : la classe politique, la société civile, l’administration et la presse», a lancé M. Chahed, avant de faire un état des lieux particulièrement sombre.

Fonction publique: Sureffectif et baisse de la productivité

Les cinq dernières années ont été marquées par la progression du taux de chômage et la marginalisation continue de plusieurs régions, quartiers populaires et catégories démunies. Cette situation a engendré une baisse de confiance du peuple en l’Etat et le désespoir de plusieurs franges de la société.

Chahed a aussi mis le doigt là où ça fait mal : beaucoup de Tunisiens ont confondu liberté et anarchie. Ils ne déploient aucun effort au travail et exigent sans cesse des augmentations salariales. Conséquence : échaudés par les grèves, les sit-in et les mouvements sociaux qui paralysent les usines et les sites de production, les hommes d’affaires rechignent à investir, notamment dans les régions intérieures. A cela se sont ajoutés la corruption et le népotisme qui se sont aggravés dans un pays qui passe par une crise des valeurs.

L’instabilité régionale, le terrorisme et la crise économique à laquelle font face les principaux partenaires économiques de la Tunisie ont contribué à aggraver la situation difficile dans le pays.

M. Chahed a souligné la baisse brutale des activités de certains secteurs économiques importants, comme celui du phosphate dont la production a baissé de 60%, des hydrocarbures et du tourisme, d’où le faible taux de croissance enregistré au cours des 5 dernières années qui s’est établi à 1,5%, alors qu’un point de croissance permet de créer entre 15 et 20.000 emplois.

Cette baisse de création d’emplois, a dit le chef de gouvernement, a entraîné le recours au recrutement massif dans la fonction publique, qui a absorbé 112.000 nouveaux fonctionnaires, compte non tenu des recrutements dans les entreprises publiques. Conséquence : la masse salariale a explosé en 5 ans, passant 6,7 milliards de dinars en 2010 à 13,4 milliards aujourd’hui.

Les dépenses de l’Etat, qui ont largement dépassé ses recettes, ont creusé le déficit budgétaire, qui est passé, en cinq ans, de 3,6 milliards de dinars à 6,5 milliards, poussant le gouvernement à l’emprunt massif. Par conséquent, l’endettement du pays est passé 25 milliards de dinars en 2010 à 56 milliards en 2016, soit 62% du PIB.

M. Chahed a aussi mis l’accent sur le déficit de la balance extérieure des paiements, qui a provoqué une baisse de 25% de la valeur du dinar au cours des 5 dernières années. D’où, a-t-il affirmé, le recours à l’emprunt pour combler le déficit budgétaire, financer les projets et les dépenses de l’Etat en s’adressant notamment au Fonds monétaire international (FMI). «Ce n’est pas le FMI qui est venu vers nous, c’est nous qui l’avons sollicité», a lancé M. Chahed aux députés de gauche qui reprochaient à l’Etat d’appliquer à la lettre les politiques dictées par les bailleurs de fonds internationaux.

De la peine, des larmes et de la sueur

Tout en rappelant que l’Etat s’est engagé à augmenter les salaires au cours de l’année 2017 d’un montant de 1.615 millions de dinars, le chef du gouvernement a ajouté que le taux de croissance n’atteindra pas, l’année prochaine, et dans le meilleurs des cas, 1,6%.

Cette situation, qui risque s’aggraver si on ne fait rien pour redresser la barre, pourraient aboutir à des mesures d’austérité, qui se traduiraient par une réduction des dépenses de l’Etat et un licenciement de milliers de fonctionnaires, a averti M. Chahed.

L’Etat sera, par ailleurs, obligé d’augmenter les impôts tant pour les entreprises et pour les particuliers et d’arrêter les projets d’infrastructure de base.

L’initiative du président de la république de former un gouvernement d’union nationale s’inscrit dans ce contexte difficile qui requiert une grande solidarité nationale pour faire face aux difficultés actuelles et à venir. «La situation exceptionnelle nécessite un programme exceptionnel», a martelé M. Chahed, comme pour rappeler aux Tunisiens que les temps sont durs, que le plus difficile reste à venir et que des sacrifices doivent être consentis par toutes les parties. Il aurait pu faire sienne cette fameuse phrase de Winston Churchill, s’adressant aux Britanniques, prononcée dans son discours le 13 mai 1940, devant la Chambre des Communes : «Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur».

Comme la Grande-Bretagne en 1940, la Tunisie est aujourd’hui en guerre. Et elle doit adopter une économie de guerre… contre la corruption, la contrebande, le marché parallèle, l’évasion fiscale et l’anarchie qui menacent de mettre son économie à genou et la condamner à la banqueroute.

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