La non-diffusion par la chaîne Attessia de l’entretien enregistré, samedi dernier, avec Moncef Marzouki, pose problème. Et pas seulement pour Attessia et M. Marzouki.
Par Imed Bahri
Selon l’ancien président provisoire de la république, la chaîne privée a subi des pressions de la part de la présidence de la république pour ne pas diffuser cet entretien. Les responsables de la chaîne et la présidence de la république seraient bien inspirés de répondre à cette allégation. Et le meilleur moyen serait, on l’imagine, de diffuser l’entretien sans coupures et sans retouche, comme l’exige les règles de la déontologie journalistique et de l’éthique politique. Car on n’a pas le droit de censurer les déclarations d’un ancien président de la république, fut-il provisoire, et qui est aujourd’hui le chef d’un parti politique, Harak Tounes Al-Irada, et un probable futur candidat à la présidence de la république.
Par-delà les conditions dans lesquelles cet entretien a été réalisé, le fait est que la chaîne Attessia l’a sollicité et, aux dires de M. Marzouki, a accepté la règle du jeu imposé par ce dernier, qui est de ne pas répondre à des questions relatives à son bilan à la tête de l’Etat, entre janvier 2012 et décembre 2014, mais de parler de la situation actuelle en Tunisie et de sa vision de l’avenir du pays.
On imagine que M. Marzouki a tiré à boulets rouges et avec des mots peu choisis sur son successeur, le président de la république Béji Caïd Essebsi, qui l’a du reste battu à la présidentielle de 2014, mais en l’invitant sur un plateau de télévision, on ne devait pas s’attendre, de sa part, à des propos soporifiques ou diplomatiques à l’égard de son principal adversaire politique.
M. Marzouki, qui n’a pas la langue dans la poche, n’est jamais aussi fort que dans l’adversité, et cette affaire lui fournit du grain à moudre et le met dans la position qu’il affectionne particulièrement, celle de la «victime».
Autant dire donc que la décision de le censurer, si censure il y a eu vraiment, est pour le moins contre-productive. Et si c’est vraiment la présidence de la république qui a inspiré – c’est un euphémisme – une telle décision, on aurait des soucis à se faire quant à l’avenir de la liberté d’expression et de l’indépendance des médias en Tunisie, qui sont, jusque-là, les principaux acquis – sinon les seuls – de la révolution de janvier 2011.
Par ailleurs, imaginer des petits Abdelwahab Abdallah sévir aujourd’hui dans les coulisses du Palais de Carthage n’est pas rassurant du tout, même si ces amateurs, qui présument de leur pouvoir et de leur puissance, ne tarderont pas à être démasqués et remis à leur place. Parole de journaliste…
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