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Retour d’Iran : La vie triomphe de l’interdit (2/2)

iranienne

Le pays des ayatollahs sait qu’une société ne peut fonctionner sans bénéficier de diverses soupapes de sécurité pour que la volonté de vivre trouve des interstices pour se manifester.

Par Jamila Ben Mustapha*

En Iran, l’aspect théocratique du régime mis de côté, un trait est immédiatement remarqué par tous les visiteurs, dans leurs promenades, la propreté des rues et des parcs, et qui est due, non seulement à la menace de sanction, mais à la vigilance des habitants eux-mêmes et à une éducation civique inculquée très tôt à l’école.

L’art de détourner l’interdit

La douceur de vivre existe, à la belle saison, dans les villes où les familles – comme en Syrie que nous avions eu la chance de visiter avant la guerre – organisent des pique-niques et, une fois parties, laissent chaque endroit aussi propre qu’elles l’ont trouvé, ce qui a ébahi les Tunisiens que nous sommes, habitués chez nous, à des comportements juste opposés.

Le bon goût qui règne dans ce pays qui a vu naître une des plus vieilles civilisations du monde, se voit dans la présence, partout, sur toutes les tables de restaurants, de bouquets de fleurs naturelles, jamais en plastique, mais aussi dans un artisanat de grande qualité et dans l’existence d’une cuisine saine et diversifiée.

Les Iraniennes jeunes, ne portant pas le tchador noir et qui sont les plus nombreuses, ont trouvé le moyen d’annuler en grande partie l’effet du foulard, non seulement en le reculant progressivement et en dévoilant la moitié de leur chevelure, gagnant insensiblement quelques millimètres, mais en se maquillant de façon presque systématique : ceci a pour résultat de constater sur elles la chose – le voile qui camoufle – et son contraire – la beauté de leur visage mise en valeur par un maquillage prononcé –, ce qui montre qu’on peut toujours trouver le moyen de détourner un interdit, de le dépouiller de son sens tout en faisant semblant de le respecter.

L’amour s’exprime aussi dans les rues iraniennes par la vision de jeunes couples se tenant par la main.

Et qu’en est-il des multiples rencontres faites dans la rue? «Hello !», «I love you», nous ont lancé quelques enfants, très contents de trouver en nous un écho favorable à leur élan.

Et que de sourires échangés dans un pays pas encore trop perverti par le tourisme et où les habitants sont si avenants! Sur la Place Khomeiny à Ispahan, une des plus belles du monde, et où des familles sont installées sur des espaces verts, une femme en tchador est prête à faire cuire ses pommes de terre sur un petit gaz. Devant notre étonnement amusé, son mari assis près d’elle, nous invite par un geste à participer au repas.

Plus encore, une matrone accompagnée de ses fils et de leurs femmes nous demande de venir chez elle, après seulement quelques minutes de conversation rudimentaire en anglais!

La classe moyenne est importante. La misère est quasi-inexistante, du moins dans les villes où nous n’avons presque pas rencontré de mendiants. Les espaces verts sont nombreux et les parterres de fleurs très répandus dans ce pays au climat chaud et sec, en septembre.

La Perse ne saurait mourir

Il n’y a pas de signes visibles de violence dans une nation qui a la chance de ne pas connaître le terrorisme. La circulation des voitures est dense, mais l’utilisation hystérique du klaxon comme on la constate en Tunisie, est exceptionnelle.

Le touriste s’y sent en sécurité même s’il se promène à 10 et à 11 heures du soir dans les rues où la présence de femmes est aussi importante que celle des hommes.

Ces quelques remarques montrent ou bien que le pays des ayatollahs sait qu’une société ne peut fonctionner sans bénéficier de diverses soupapes de sécurité, ou que la volonté de vivre trouve toujours des interstices pour se manifester dans cet Orient qui a vu naître une des plus vieilles civilisations du monde et qui a donné à l’islam, des réalisations architecturales belles à couper le souffle.

G. W. Bush, à la fin de son mandat, a été tenté de s’attaquer à l’Iran, poussé en cela par son vice-président Dick Cheney. Ce projet n’a heureusement pu se réaliser.

Or, voilà ce que dit le comte de Gobineau, partisan connu de l’inégalité des races humaines, mais grand admirateur de la Perse qu’il a visitée à plusieurs reprises, au cours du XIXe siècle, dans son livre ‘‘Trois ans en Asie’’ : «On mutilera en vain la Perse, on la divisera, on lui pourra ôter son nom, elle restera la Perse et, partant, ne saurait mourir».

* Universitaire.

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Retour d’Iran : Le pays des ayatollahs et des… poètes (1-2)

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