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Société civile : A propos de la crise annoncée de la LTDH

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Lors du 7e congrès de la LTDH, des dissensions sont apparues au grand jour, qui témoignent de la fragilité des rapports entre la société civile et le monde politique.

Par Fathi Hammami *

«La chaîne a la force de son maillon le plus faible». Cette vieille règle explique le phénomène physique suivant : la force exercée sur une chaîne est répartie également entre ses maillons. Chaque maillon subit le même poids. Par conséquent, si l’un des maillons est de moindre qualité, il sera le premier à se casser, ce qui brisera la chaîne en entier.

Le maillon le moins fort dans la chaîne de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH) serait, toute proportion gardée, le «Liguiste» lui-même. Je m’explique : lorsque ce «Liguiste» est moins disposé à favoriser la liberté de l’organisation et à protéger son autonomie contre toute intrusion, se montrant plutôt insouciant devant les ingérences de toutes sortes…

Lorsque le «Liguiste» est plutôt complaisant avec le partisan zélé et peu scrupuleux au sein de l’organisation…

Lorsque le «Liguiste» est moins attentif aux douleurs des victimes de l’injustice et des exactions et à leurs appels à l’aide et à l’assistance…

Lorsque le «Liguiste» devient moins respectueux des principes universels des droits humains et insensible au racisme qui mine notre société et à la cause des minorités sexuelles…

Lorsque le «Liguiste» ne lutte pas contre les égo démesurés, le narcissisme outrancier et la mentalité de la recherche de l’intérêt individuel et s’en accommode…

Lorsque le «Liguiste» sous-estime les valeurs fondatrices de la Ligue tel que l’altruisme, la liberté d’esprit, le dévouement, la camaraderie, bref l’humanisme dans toutes ses dimensions…

Lorsque le «Liguiste» réduit la démocratie interne à la logique de majorité et de minorité et à un électoralisme fondé sur la concurrence rude dans les urnes pour une fonction éphémère, sans programme ni débat, reléguant ainsi en seconde position l’esprit consensuel et, son corollaire, la démocratie consensuelle, pourtant une tradition bien ancrée dans la Ligue…

Lorsque le «Liguiste», au nom du respect des statuts de la Ligue, se fige dans une lecture étroite des textes, faisant du respect des règlements une finalité en soi…, il risque, à terme, de perdre de vue la noble cause des droits humains, dont la défense requiert la référence aux pratiques et aux normes davantage qu’aux lois et aux droits en tant que tels.

Par conséquent, si une force extérieure, politique en l’occurrence, s’exerce sur la Ligue pour la dénaturer, l’altérer, la corrompre ou l’inféoder, le «Liguiste» décrit ci-dessus serait le premier maillon à se briser et à provoquer, par conséquent, la chute de la Ligue dans son ensemble.

Et l’histoire de la Ligue l’a bien montrée : le maillon constitué par les moins avertis, les moins loyaux et des moins incorruptibles s’est toujours tordu à chaque fois qu’une force extérieure a été exercée sur lui (comme l’autoritarisme du pouvoir politique sous Ben Ali), mettant ainsi l’organisation à rude épreuve et mettant en péril son indépendance voire, parfois, son existence même.

Malheureusement, lors du 7e congrès de LTDH, la semaine dernière, des signes négatifs sont réapparus, qui témoignent de la fragilité des rapports entre la société civile et le monde politique. Ces signes méritent d’être signalés.

Il y a, d’abord, l’attachement à l’appartenance politique, qui a primé dans le ralliement des uns et des autres, au détriment de la compétence, du mérite et de l’indépendance d’esprit. Il y a, ensuite, l’ambiance confuse et délétère dans laquelle s’est déroulée la course électorale.

Les signes avant-coureurs des dissensions actuelles, qui sont apparus avant le congrès, ont éclaté au grand jour, lors de ce conclave. Dommage qu’on n’a pas tenté d’y remédier plus tôt.

Ceci étant, les membres de la Ligue sont appelés à reprendre conscience de leur rôle, et à redevenir ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être : des militants sincères, humanistes, consensuels, bienveillants, intègres et droits… Il y va de la pérennité de la Ligue, qui risque de se discréditer aux yeux de l’opinion publique tunisienne, à l’image des partis politiques, rongés par les querelles intestines et les ambitions de leadership.

A bon entendeur, salut !

* Ancien membre du comité directeur LTDH.

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