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Rapport sur la situation des personnes LGBTQI en Tunisie

Spectacle de danse intitulé ‘‘Différent pas différent’’.

La Coalition tunisienne pour les droits des personnes LGBTQI vient de présenter son rapport sur la situation des personnes LGBTQI en Tunisie.

Par Fawz Ben Ali

La Coalition tunisienne pour les droits des personnes LGTBTQI (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels, queer et intersexués), composée des associations Damj, Mawjoudin, Chouf, Shams et le collectif Kelmty, a présenté son rapport, le mardi 21 février 2017, à la salle Le Rio, au centre-ville de Tunis.

Rami Khouili

Promouvoir les droits des minorités sexuelles

Ce rapport, réalisé avec l’appui d’EuroMed Droits, de la Fondation Heinrich Boll et 13 autres organisations cosignataires, sera soumis à l’examen périodique universel de la Tunisie devant le Conseil des droits de l’homme (CDH) des Nations Unies, prévu en mai 2017.

Le CDH est un organe intergouvernemental qui œuvre à la promotion des droits humains fondamentaux en élaborant les normes internationales et en en surveillant l’application.

Suite à la soumission du rapport de la coalition, la Tunisie fera l’objet d’un débat qui permettra de formuler un projet de recommandations adressé à l’Etat.

Islem Mejri Mawjoudin

Islem Mejri (Mawjoudin).

Les droits varient d’un pays à un autre concernant les personnes LGBTQI. Dans certains pays arabo-musulmans comme l’Arabie-Saoudite ou le Yémen, l’homosexualité est passible de la peine de mort. En Tunisie, c’est une pratique illégale pénalisée par la prison. Il est cependant inadmissible de continuer, après la révolution de 2011, à criminaliser des rapports privés entre personnes majeures et consentantes.

En effet, à l’opposé des avancées réalisées en matière de libertés collectives, les libertés individuelles stagnent encore, c’est d’ailleurs dans ce cadre que la Coalition tunisienne pour les droits des personnes LGBTQI a décidé de soumettre ce rapport, fruit d’un long travail de recherche, de documentation et de rédaction, composé essentiellement de trois axes : le cadre juridique, la discrimination dans la société et l’accès aux différents services.

Rapport LGBTQI

Hommage à Jalel Telili et Ahmed Ben Amor

Le jeune activiste Rami Khouïli, qui s’est chargée de présenter le rapport, a tenu, au début de son intervention, à rendre hommage à deux jeunes tunisiens Jalel Telili et Ahmed Ben Amor qui ont dû quitter le pays à cause du harcèlement incessant qu’ils avaient subi pour leur orientation sexuelle.

La question juridique s’impose principalement dans ce rapport car certaines lois ne sont pas en conformité avec la nouvelle constitution de 2014 ni avec les conventions internationales ratifiées par la Tunisie. On parle ici principalement de l’article 230 du code pénal qui condamne dans sa version française la sodomie et dans sa version arabe l’homosexualité masculine et féminine, et ce, d’une peine allant jusqu’à 3 ans de prison. La coalition insiste sur l’anti constitutionnalité de cet article, d’autant plus que, pour prouver les pratiques homosexuelles, l’Etat tunisien a recours au test anal, une pratique humiliante qui s’apparente à la torture.

Rapport LGBTQI

Rami Khouïli a indiqué qu’une révision du code pénal (dans ses articles 226 bis, 228, 230 et 231) s’impose pour l’harmoniser avec la nouvelle constituante et les différents engagements internationaux auxquels l’Etat tunisien a adhéré.

Les recommandations du rapport

Dans l’axe juridique, la Coalition a recommandé l’abrogation immédiate de l’article 230 du code pénal, l’interdiction de la pratique du test anal pour prouver les rapports de sodomie, l’harmonisation du code pénal et du code de procédures pénales avec la constitution et les différents traités et conventions ratifiés par l’Etat tunisien, la reconnaissance des personnes transsexuelles et transgenres dans les documents officiels relatifs à l’identité, la garantie pour tous les citoyens d’un accès à la justice sans discrimination aucune, y compris celle basée sur l’orientation sexuelle et l’identité du genre.

Rapport LGBTQI

Evoquant le deuxième axe du rapport, sur la discrimination et les violences envers les personnes LGBTQI, Rami Khouïli a rappelé que ces pratiques sont nombreuses car elles sont justifiées et tolérées par les lois répressives qui criminalisent l’homosexualité. De plus, «en l’absence de sanctions dissuasives de la part de la Haute autorité indépendante de la communication audio-visuelle (Haica), les propos homophobes prolifèrent sur la scène médiatique», s’alarme-t-il.

Sur la discrimination et la violence envers les personnes LGBTQI, la Coalition a recommandé la promulgation d’une loi criminalisant toutes les formes de discrimination ainsi que les appels à la haine et la violence envers les personnes LGBTQI; la reconnaissance des crimes de haine à l’égard des personnes LGBTQI, qui doivent être considérés comme circonstances aggravantes pour les jugements; l’arrêt des atteintes à l’intégrité des personnes LGBTQI en milieu carcéral et l’intégration des valeurs des droits humains et de non-discrimination dans la formation du personnel pénitencier; et la mise en place des structures d’accueil, d’orientation et de prise en charge médico-psycho-sociologique et judiciaire pour les personnes victimes de violences.

Le cadre juridique ainsi que les discriminations et les violences envers les personnes LGBTQI en Tunisie constituent un facteur majeur de marginalisation et de précarité. Ce qui se traduit par un accès limité aux droits économiques et sociaux ainsi qu’aux services de base comme la santé. A cet effet, la Coalition déplore dans son rapport une absence du respect de la confidentialité et du secret médical.

Sur ce chapitre, elle recommande de garantir à tout citoyen l’accès aux services de soins et d’éducation de qualité sans discrimination aucune; de garantir le droit au travail décent dans des conditions favorables et sanctionner toute forme de discrimination à l’embauche; d’introduire dans le programme scolaire une éducation sexuelle inclusive qui promeut la diversité.

Rapport LGBTQI

La Coalition appelle ainsi les autorités tunisiennes à s’engager, lors de l’examen périodique universel de mai 2017, à prendre en compte toutes ces recommandations pour que les minorités sexuelles puissent accéder à une citoyenneté sans discrimination comme l’ensemble de leurs concitoyens. Cette démarche est nécessaire à l’achèvement de la transition démocratique et la mise en place d’un Etat de droit.

La présentation du rapport a été suivi d’un spectacle de danse intitulé ‘‘Différent pas différent’’ de la compagnie artistique L’angart.

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