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Cardiobiotec: Un monument à la gloire de la cardiologie intelligente

Le Cardiobiotec aide chaque année à susciter une réflexion utile sur les perspectives d’évolution de la cardiologie en Tunisie et dans le monde.

Par Dr Mounir Hanablia *

Le Cardiobiotec est un congrès médical qui se déroule à Monastir chaque année, et qui a pour but, concomitamment à l’évolution de la médecine et de la technologie médicale, d’essayer de cerner, sinon de définir, les nouveaux rapports entre les deux disciplines que leur développement respectif impose.

Ce congrès qui a pris fin dimanche 30 avril 2017, est assez particulier sous nos cieux puisqu’il est dédié essentiellement à la réflexion et à la remise en question d’habitudes qui pour être acquises finissent parfois à la longue par être considérées comme immuables.

Ce congrès révolutionnaire qui se base non pas sur l’acquisition du savoir, mais plutôt sur sa remise en cause, nous le devons au Professeur Faouzi Maatouk et à son équipe, du service de Cardiologie B de l’hôpital universitaire de Monastir, un esprit innovateur qui compte déjà à son actif, entre autres, la fermeture de la communication inter ventriculaire par la méthode du cathétérisme, et ceci a épargné à des enfants ainsi qu’à quelques adultes les aléas d’une chirurgie lourde à cœur ouvert qui avait été jusque-là la seule possibilité thérapeutique pour ces patients.

La 9e édition de ce congrès, qui s’est déroulée en présence d’un panel international de cardiologues et de radiologues, s’est intéressée particulièrement au développement des techniques radiologiques et aux progrès que cela engendrait pour le diagnostic et le traitement des cardiaques.

Les nouvelles indications du scanner

La première conclusion qui se dégage est que l’imagerie non invasive, en particulier le scanner, est en train de devenir un outil indispensable avant toute décision opératoire au point de supplanter le cathétérisme cardiaque dans les malformations cardiaques de l’enfant.

À titre d’exemple, une très intéressante discussion a été engagée pour savoir si dans la tétralogie de Fallot, il fallait ou non recourir au scanner pour détecter d’éventuels trajets inhabituels des artères coronaires, fait dont le chirurgien doive avoir connaissance avant l’acte opératoire.

Les avis étaient partagés mais ceci prouve néanmoins que les nouvelles indications du scanner font des adeptes.

L’autre domaine ou l’usage du scanner a également suscité une discussion très instructive a été la pathologie coronaire. Celle-ci constituant l’une des deux causes les plus fréquentes de mortalité dans le monde, en particulier dans des pays comme le nôtre où la culture diététique ou sportive est encore rudimentaire parmi la population; le problème qui se pose désormais avec le développement de différentes techniques d’imagerie médicale (coronarographie, scanner, IRM, échographie, Doppler) est de choisir la plus appropriée en cas de suspicion d’angine de poitrine et de pathologie coronaire, et c’est d’autant plus important de le savoir qu’il existe un enjeu économique important dans la limitation aux examens et aux gestes thérapeutiques strictement indispensables, afin de préserver autant les intérêts du patient que des organismes bailleurs de fond relevant de la sécurité sociale.

Les limites des théories probabilistes

Le fait nouveau est l’introduction du calcul probabiliste à cet effet, obéissant au théorème de Beyes; cela veut dire que la démarche médicale sera conditionnée par la probabilité, basée sur le sexe, l’âge, et la douleur de la poitrine, que le patient soit réellement atteint de la maladie que l’on recherche. Mais y a-t-il une relation de cohérence entre les données probabilistes et l’éthique médicale? Si un patient a 1% de possibilité d’avoir une maladie coronaire, cela donne-t-il le droit au médecin de ne pas lui demander les examens nécessaires à la découverte de sa maladie? On voit où les théories probabilistes peuvent conduire.

Quoiqu’il en soit, le développement en voie de réalisation du doppler coronaire avec l’étude de la réserve coronaire rendra certainement caduc ce problème, puisque grâce à une méthode simple et non invasive, le suivi des coronariens suspectés ou avérés sera en principe, désormais, aisément praticable à un coût modique. Mais pour le moment, en tous cas, la coronarographie demeure d’autant plus la technique de référence diagnostique qu’elle ouvre la voie à la dilatation coronaire en cas de lésion significative.

Il faut néanmoins admettre que le développement de l’imagerie médicale est pour la chirurgie valvulaire cardiaque bel et bien stupéfiant ; grâce à l’échographie cardiaque en 3D, le chirurgien peut voir exactement, dans ses moindres détails, la valve qu’il va opérer avant même d’ouvrir le thorax du patient, comme s’il la contemplait au-dessus du champ opératoire, ou même comme s’il la contemplait de l’intérieur du cœur, et évidemment cela permet l’affinement du geste réparateur, et même de tester à la fin de l’intervention l’étanchéité et la fonctionnalité de la valve, avant même la fermeture du thorax. Et en chirurgie cardiaque, ce n’est pas tout : grâce aux mini thoracotomies, les cicatrices près de l’aisselle sont devenues presque invisibles, ce qui obéit à une exigence d’esthétique que les interventions par ouverture du sternum ne peuvent évidemment pas assurer.

Evidemment les développements de ces différentes techniques, dont plusieurs sont encore en cours de recherche, consacre le rôle grandissant du radiologue, dans la cardiologie, et la chirurgie cardiaque. Mais, à nouvelles situations, nouveaux problèmes : le paradoxe de Burckhardt énonce qu’à la complexité croissante des règles régissant une société correspond un appauvrissement des relations sociales.

Optimiser toutes les nouvelles techniques

Dans le domaine des techniques cela veut dire qu’on ne sera jamais capable d’optimiser au mieux toutes ces nouvelles techniques du fait rapports humains. Et il semble justement ainsi que l’a énoncé le Dr Thierry Corcos (d’origine tunisienne) que les relations entre cardiologues et radiologues, en France du moins, soient devenues beaucoup plus tendues, en particulier à Paris, avec des conséquences pour le cursus de formation de cardiologie et de radiologie. C’est que les réformes, qu’elles soient ou non professionnelles, ont souvent pour conséquence de remettre en cause des intérêts importants. Ce qui nécessite parfois beaucoup de temps avant qu’elles ne finissent par s’imposer, si tant est qu’elles y réussissent.

En Tunisie, le scanner coronaire 64 barrettes s’était imposé dans un établissement privé grâce à la coopération des cardiologues et des radiologues, mais l’écho de stress, ou l’écho et le doppler endo coronaires sont demeurés complètement marginalisés parce que beaucoup y avaient vu des techniques susceptibles de rationaliser l’implantation des stents, et donc d’en diminuer le nombre.

Il faut donc s’attendre à ce que ces nouvelles perspectives prometteuses ne se concrétisent que s’il y a un intérêt financier à ce qu’il en soit ainsi. Et ceci en l’état actuel des choses est malheureusement inévitable. Mais merci tout de même au Cardiobiotec d’aider chaque année à susciter une réflexion utile sur les perspectives d’évolution de la cardiologie.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

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