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Les Tunisiens au bord du désespoir


La Tunisie offre un visage sombre. Un président déconnecté de la réalité. Un chef de gouvernement isolé et déboussolé. Un peuple au bord du désespoir…

Par Salah El-Gharbi

Depuis quelques semaines, le désarroi des Tunisiens n’a jamais été aussi immense. Selon un récent sondage réalisé par Sigma Conseil, 80% d’entre eux estiment que leur pays ne va pas dans la bonne direction. Même aux pires moments de l’anarchie post-14 janvier 2011, on n’a pas senti le degré de déliquescence sociale et politique que connait aujourd’hui notre pays.

Ainsi, l’on assiste, jour après jour, éberlué, impuissant et dégoûté, à une crise qui ne finit pas de s’enliser. Et l’espoir nourri par les élections de 2014 cède désormais la place à une sorte de sinistrose qui s’empare de nos concitoyens et menace de mener le pays entier au bord du précipice.

Un pays presque paralysé

Aujourd’hui, la Tunisie offre un visage sombre. Un président, enfermé dans son palais, semble déconnecté de la réalité. Alors que le pays est presque paralysé par les mouvements sociaux, Béji Caid Essebsi agite obstinément son projet de loi sur la réconciliation nationale qui vient, paradoxalement, parasiter le travail déjà difficile du gouvernement et donner du grain à moudre à une opposition en mal d’inspiration.

Ainsi, et face aux dissensions, il s’acharne à imposer un projet aussi clivant que celui de la régularisation de la situation d’une centaine de hauts fonctionnaires de l’Etat qui seraient victimes de l’arbitraire du régime de Ben Ali.

Par ailleurs, le chef du gouvernement, malgré son volontariste, a du mal à asseoir sa légitimité. Ainsi, au lieu de s’atteler à la mise en œuvre des réformes urgentes que nécessite la situation calamiteuse où se trouve le pays, Youssef Chahed se trouve réduit à gérer les affaires courantes, à éteindre les foyers de contestation dite populaire, qui se déclarent, jour après jour, dans les différentes régions du pays.

Soumis à la pression de l’UGTT, la centrale syndicale, trahi par la fragile majorité qui l’avait porté au pouvoir, lâché sournoisement par certains ministres censés renforcer l’assise de son gouvernement, il paraît comme débordé, désorienté et près de jeter l’éponge. «Le gouvernement de Chahed est mort», vient de lancer Mohsen Marzouk, secrétaire général de Machrou Tounes, qui l’avait pourtant soutenu jusque-là.

En effet, si Chahed est condamné à patauger, c’est qu’il est de plus en plus isolé. Même le soutien de Nidaa Tounes, son propre parti, est loin de lui être garanti. Tel serait le vœu du secrétaire exécutif autoproclamé de ce parti, Hafedh Caïd Essebsi, le fils du président de la république, qui dirige la «boutique paternelle», déjà bien dégarnie.

L’impuissance des uns, l’ambition des autres

Paradoxalement, et alors qu’il a été désigné pour réformer le pays, le chef du gouvernement doit, désormais, endurer les caprices de l’héritier de Nidaa Tounes et contrecarrer les ambitions de ses alliés islamistes qui, à l’approche des élections législatives et présidentielles de 2019, ont de plus en plus mal à contenir leur impatience de s’emparer de la totalité du pouvoir.

Ce tableau de la situation tunisienne serait moins sombre s’il y avait, face au pouvoir chancelant, une opposition crédible et responsable. Or, aujourd’hui, faute de véritable alternative, la situation du pays paraît désespérante.

Ainsi, face à l’immobilisme des autorités, il n’y a que de pauvres ego surdimensionnés qui attendent la chute de l’actuelle coalition gouvernementale pour essayer de mettre pied à la Kasbah. Point de visions ou de projets crédibles. Si certains, comme Moncef Marzouki et les Abbou (Samia et Mohamed), maîtres de l’invective et des coups d’éclat, font du populisme, l’extrême gauche, incapable de s’affranchir de certains schémas idéologiques désuets, est, quant à elle, réduite à ronronner, débitant ses vieilles litanies anticapitalistes.

Entre les deux extrêmes, l’improbable tandem Slim Riahi-Mohsen Marzouk, bricolé à la hâte, n’offre pas une image plus reluisante. Ainsi, alors que le pays a besoin à la fois de cohésion, de stabilité et d’un réel projet ambitieux pour l’avenir qui rompe avec les vieilles méthodes du passé, certains hommes politiques, pressés, vont jusqu’à appeler à l’organisation de législatives anticipées, ce qui est l’expression d’une volonté délibérée d’enfoncer le pays dans la crise, pour déstabiliser davantage le gouvernement et précipiter sa chute.

Dans un pays où la classe politique, dans sa diversité, continue à faire preuve d’amateurisme, d’incurie et de manque de courage, la sinistrose poursuit sa maudite action, accablant, ainsi, les esprits de nos concitoyens qui, perdus, bercés par les fausses promesses et tentés par le désenchantement, attendent un véritable sursaut salutaire des ses «élites».

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