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Monsieur Chahed, ne nous décevez pas !

Pour ne pas décevoir les Tunisiens, Youssef Chahed ne doit pas se contenter d’être une marionnette aux mains du tandem Ennahdha-Nidaa, une sorte de «tartour» bis.

Par Moncef Kamoun*

Nous assistons, depuis quelques semaines, à l’occasion du remaniement annoncé du gouvernement, à un débat entre les différents partis politiques, où l’insulte devient un élément de communication à part entière et une façon de faire parler de soi. La vulgarité n’étant jamais loin, cela trahit la pauvreté intellectuelle de notre classe politique, qui recourt à l’agression verbale, parce qu’elle est incapable d’apporter des idées et des propositions concrètes pour aider à sortir le pays de sa crise actuelle. Or, on le sait, l’insulte peut aider à faire du buzz, mais elle ne saurait aider à construire quoi que ce soit qui vaille.

 

Le cercle vicieux des débats stériles

Tout en étant conscients de la complexité de la situation politique, économique et sociale dans le pays, c’est en tout cas ce qu’ils prétendent, les dirigeants de Nidaa Tounes et Ennahdha, les deux partis au pouvoir, continuent de jouer les trouble-fêtes et de courir derrière les postes ministériels. C’est ainsi que Nidaa demande un remaniement politique (pour mettre ses pions aux postes clés) alors qu’Ennahdha exige un remaniement partiel et limité (pour éviter que des pions ne soient éjectés de l’actuel gouvernement).

Ce cercle vicieux, où le pays est enfermé depuis quelques plusieurs années, oblige le chef du gouvernement à accepter d’arbitraires quotas attribués aux partis et à choisir ses ministres non sur la base de leurs compétences intrinsèques et de ce qu’ils peuvent apporter pour la réalisation du projet commun, mais en tenant compte du soutien dont ils bénéficient de tel ou tel parti, ce qui réduit la composition d’un gouvernement à un vulgaire partage de gâteau.

Cette démarche devenue insupportable, aujourd’hui, eu égard à l’aggravation de la situation générale dans le pays et à la médiocrité démontrée par plusieurs membres des deux gouvernements Habib Essid et du premier gouvernement Youssef Chahed.

Pour sauver le pays d’une banqueroute certaine, dont les conséquences pourraient être lourdes pour les Tunisiens, les forces politiques et sociales doivent prendre conscience de la nécessité de changer totalement de méthode et de faire la politique autrement, en privilégiant l’intérêt général sur celui des partis et en mettant en veilleuse les ambitions personnelles.

On a d’autant plus de raison d’être inquiet pour l’avenir de la Tunisie que les débats politiques actuels ne font avancer en rien : ils bloquent toute perspective de relance économique et, ce faisant, discréditent l’action politique, qui devient une sorte de cirque ou de foire d’empoigne, totalement déconnectées des réalités du pays et des attentes des citoyens. Car la crise ne saura être résolue par de beaux discours, mais par des décisions et des actes courageux qui donneront aux citoyens l’assurance que leur nation est en mesure de se redresser.

Trêve de discours, l’heure est à l’action

Le chef du gouvernement, qui s’apprête à remanier son gouvernement pour le débarrasser des carriéristes et des incompétents, est conscient des enjeux auxquels il doit faire face : 700.000 personnes sont au chômage, quelque 100.000 jeunes quittent l’école chaque année sans perspective de formation ou d’emploi, la machine économique est ralentie, les déficits financiers aggravent l’endettement extérieur, le pays s’appauvrit à vue d’œil et perd ses repères et les citoyens, déçus par les promesses non tenues des gouvernements successifs, sombrent dans le doute et le désenchantement.

Aussi faut-il, aujourd’hui, plus qu’un simple remaniement du gouvernement: une profonde restructuration de la gouvernance avec des ministres plus compétents, plus imaginatifs et plus audacieux, qui ne se contentent pas de chercher à plaire aux partis politiques qui les ont cooptés, mais qui oeuvrent à redresser la situation et à faire redémarrer la croissance.

Youssef Chahed doit éviter le sort de son prédécesseur Habib Essid. 

La Tunisie a besoin d’une dynamique politique nouvelle, vigoureuse et innovante pour éviter de sombrer le chaos. Et le chef du gouvernement, qui est censé disposer de tous les leviers de la transformation et de la modernisation de l’Etat, ne peut plus tergiverser et perdre son temps à vouloir contenter tout le monde (il risque d’ailleurs de les mécontenter tous). Il doit agir sans plus tarder pour engager le pays dans les vraies batailles de la reprise économique, de la décentralisation, du renforcement de la sécurité et de la lutte contre la mafia de la corruption et de la contrebande, qui bénéficie d’un grand soutien populaire. Le temps n’est plus aux discussions vaines et stériles mais aux actes forts qui réforment le pays profondeur et le remettent sur les rails du développement.

Le devoir de ne pas décevoir

La Tunisie est, aujourd’hui, un pays en souffrance et il a besoin d’hommes capables de mettre en route rapidement les grandes réformes envisagées. Pour cela, on n’a qu’un seul choix, celui de faire de la compétence, de l’inventivité et du leadership les seuls critères pour accéder aux hautes responsabilités.

Espérons que tout n’est pas encore perdu et qu’il est encore possible de mettre la Tunisie sur la bonne voie, en confiant ses destinées, non pas aux carriéristes, hâbleurs et opportunistes, qui hantent les partis, mais aux jeunes patriotes compétents, talentueux et qui ont de l’ambition, non pas pour eux-mêmes ou pour leurs partis, mais pour leur pays et leurs concitoyens.

Le chef du gouvernement est bien placé pour savoir que la Tunisie ne manque pas de compétences en économie, en finance, en technologie et en gestion administrative, qui ont suffisamment d’audace et de détermination pour se contenter de gérer des affaires courantes. Ces hommes et ces femmes, qui incarnent aujourd’hui l’espoir de renouveau de leur pays, sont capables d’inventer, d’innover, de convaincre et de faire bouger les lignes. Car c’est de cela que la Tunisie a besoin, et non du ronron monotone, soporifique et assommant des politiques.

Pour faire en sorte que la bonne gouvernance devienne le moteur de l’Etat et que l’impunité soit définitivement bannie, le chef du gouvernement ne doit pas se tromper de perspective et se contenter d’être une marionnette entre les mains du tandem malfaisant Ennahdha-Nidaa, une sorte de «tartour» bis.

Il doit plutôt considérer l’intelligence et la compétence comme des principes cardinaux pour valoriser la réussite, car l’heure n’est plus à la démagogie, à l’apprentissage, au tâtonnement et aux remèdes éculés, mais à l’audace productrice de sens et garante de la réussite.

Monsieur le chef du gouvernement, montrez que vous êtes à la hauteur de la mission qui vous est confiée et ne nous décevez pas.

*M. K. Architecte.

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