Dessalement de l’eau de mer/Centrale solaire flottante.
Des experts viennent de proposer au gouvernement tunisien, dans le cadre de mégaprojets futuristes, des solutions technologiques propres pour atténuer l’impact du stress hydrique dont souffre le pays.
Par Khémaies Krimi
Inspirées des progrès accomplis en matière d’énergie solaire et encouragées par les coûts de plus en plus compétitifs de la production d’électricité à partir de cette énergie, les recettes proposées consistent à réduire l’impact de deux facteurs majeurs à l’origine de ce stress. Il s’agit des pertes d’eau générées par l’évaporation des eaux des barrages et de l’épuisement de la nappe phréatique par l’effet de la surexploitation.
Deux projets intégrés et à vocation développementale méritent qu’on s’y attarde.
Le premier porte sur la réduction de l’évaporation des eaux des barrages. Les hydrologues estiment que l’action à mener en toute urgence par la Tunisie pour améliorer sa situation hydrique consiste à diminuer les pertes d’eau par l’effet de l’évaporation des eaux stockées dans ces réservoirs. Pour en mesurer l’ampleur : ces pertes sont estimées, officiellement, à 16,7 milliards de mètres cubes sur un total de ressources mobilisables de 36 milliards de m3.
Le solaire, valeur ajoutée aux barrages
Une des solutions pour y remédier a été proposée, samedi 10 novembre 2018, à l’Ecole supérieure des ingénieurs de Medjez El Bab, par Sami Zaoui, représentant d’un consortium de bureaux d’études chargé de l’étude de faisabilité du projet du pôle de compétitivité Jinane Medjerda, un projet de smart city de 2 milliards de dinars tunisiens articulé autour d’une université et dont une des composantes réside justement dans l’exploitation écologique du barrage Sidi Salem, à Oued Zarga (gouvernorat de Béjà). À terme, ce sont 24.000 emplois à forte valeur technologique qui seront créés.
Cette solution est inspirée d’un projet développé avec succès au Japon avec une technologie française, en l’occurrence la centrale solaire flottante de Kyocera au sud-est de Tokyo. C’est un parc solaire flottant de 180.000 m2 aménagé sur la surface du réservoir d’eau Yamakura. D’une capacité de 13,7 Mégawatts-crète (MWc), l’installation a été construite sur la superficie du plan d’eau.
Inaugurée en avril dernier, cette centrale, construite avec la collaboration technologique de la société française Ciel et Terre, développeur de centrales photovoltaïques et de plateformes flottantes recyclables «fabriquées en polyéthylène à haute densité résistant aux rayons ultraviolets et à la corrosion».
La Tunisie, qui compte 40 barrages, peut équiper leurs plans d’eau de plateformes flottantes. L’avantage est double. Il s’agit de diminuer l’évaporation de l’eau et de disposer d’importantes ressources préservées d’une part et d’alimenter les agglomérations jouxtant les barrages en électricité produite à partir de l’énergie solaire, d’autre part, une aubaine pour un pays importateur net de pétrole pour subvenir à ses besoins en énergie et qui souffre en plus d’un déficit hydrique structurel.
L’eau de mer dessalée par le solaire pour alimenter les nappes souterraines
Le deuxième projet concerne l’alimentation des nappes souterraines du pays qui présentent le désavantage d’être surexploitées et non renouvelables. Pour y remédier, l’ingénieur et militant de développement, Imed Derouiche a proposé une solution technologique. Il en a fait part aux médias à maintes reprises.
Pour lui, la solution la plus efficace pour remédier à l’épuisement de la nappe phréatique réside en un mégaprojet de dessalement de l’eau de mer qui fonctionnerait à l’énergie solaire et au gaz naturel et qui ferait de la Tunisie une immense oasis.
Ce mégaprojet qui aurait une capacité de 2 millions de m3/jour d’après les premières études, consistera à injecter l’eau dessalée par compression dans les nappes souterraines localisées au centre et au sud de Tunisie (réservoirs naturels Miocène et Continental Intercalaire du crétacé). C’est pourquoi le projet doit se situer, d’après lui, «entre les villes de Skhira et Gabès parce qu’il aura ainsi le triple avantage de bénéficier de la proximité de la mer, d’un ensoleillement de presque 250 jours/an pour installer l’énergie photovoltaïque et du passage du gaz pour faire fonctionner les centrales la nuit. C’est un procédé révolutionnaire qui permet d’extraire l’eau de mer, de la dessaler pour la rendre potable et de l’injecter dans les nappes profondes entre 100 et 700 mètres pour constituer sa réserve sans limite de stockage ni infrastructure de tuyauteries».
Interpellé sur le coût de ce mégaprojet qui serait apparemment trop élevé, Imed Derouiche a rappelé les possibilités de financements que pourrait mobiliser la Tunisie à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Dans cette perspective, il a évoqué la possibilité de lancer un emprunt national et de recourir aux fonds de la COP 21, aux crédits fournisseurs (Japon, Allemagne), à la FAO, aux fonds de Kyoto et à la contribution des sociétés pétrolières installées au sud du pays et aux mécanismes d’aide des Nations unies, autant de mécanismes financiers qui permettront de boucler le schéma de financement de ce mégaprojet.
M. Dérouiche a tenu à souligner que le retour sur investissement est assuré du fait des retombées positives du projet sur les secteurs agricole, industriel et touristique, et surtout, sur la consécration de l’indépendance hydrique du pays. Au plan social ce mégaprojet aura également des incidences positives dans la mesure où il permettra de créer quelque 25.000 emplois et contribuera à la sédentarisation des communautés du centre et du sud du pays.
Par-delà cette présentation technologique des deux projets, les deux solutions proposées, les plateformes flottantes et l’alimentation des nappes souterraines par l’eau de mer dessalée, constituent des opportunités idéales pour satisfaire, de manière significative, deux besoins d’une extrême urgence pour le pays. Le premier consiste à maîtriser les eaux mobilisables et à satisfaire la demande des Tunisiens en eau potable partout où ils se trouvent. Le second réside dans la propension du pays à réaliser son indépendance énergétique et à faire l’économie d’importantes sorties de devises qui grèvent actuellement la balance courante.
Ces projets futuristes sont en plus viables, à forte employabilité et, surtout, à portée des Tunisiens, et ce, pour une raison simple : la Tunisie dispose en abondance et de manière illimitée des deux éléments naturels sur la base desquels seront réalisés ces deux projets : un ensoleillement de 200 jours en moyenne par an et l’eau de mer sur un littoral de 1.300 kms.
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