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Libertés surveillées et contrôles tous azimuts : La crise de la démocratie dans les puissances occidentales

Avec les limites actuelles à la liberté dans les pays occidentaux, il n’y a plus qu’une différence de degré, et non de nature, entre les régimes des pays puissants qui se disent démocratiques et ceux des pays sous-développés qui sont, le plus souvent, répressifs.

Par Jamila Ben Mustapha *

Historiquement, le passage de la monarchie à la démocratie, en Occident, a entraîné lentement et progressivement un phénomène double dont nous pouvons constater actuellement les manifestations sur les plans médiatique et politico-économique : tout d’abord, la manipulation de l’opinion, capable de transformer un phénomène positif en son contraire absolu, et vice-versa, a eu pour raison d’être de limiter les effets de la liberté d’expression arrachée de haute lutte, la puissance de la propagande se substituant à la répression pratiquée sous les régimes traditionnels autoritaires, et le formatage des esprits limitant «les dégâts» que peut engendrer une liberté de pensée non contrôlée.

Manipulation médiatique, pensée unique et formatage des esprits

Ainsi, les armes de destruction massive qu’aurait possédées Saddam Hussein, d’après les dires du secrétaire d’État américain Colin Powell, en 2003, et qui avaient été le prétexte à la destruction de l’Irak par les États-Unis, ne sont qu’un exemple parmi d’autres des affirmations mensongères caractérisant cette manipulation médiatique.

Le concept de «pensée unique», par ailleurs, inventé par Jean-François Kahn, a été élaboré pour décrire une réalité existant, non pas dans les régimes répressifs comme on aurait pu le croire de prime abord, mais dans les pays démocratiques. Si on prend l’exemple de la France et de la Belgique, nous constatons que les journalistes les plus libres, ceux qui s’éloignent des idées convenues et «politiquement correctes» et, surtout, qui osent critiquer le sionisme ou Israël, sont exclus des médias officiels.

Les exclus des médias occidentaux

Bruno Guigue, ancien sous-préfet écarté de son poste pour avoir critiqué Israël, est obligé de publier ses articles, pourtant d’excellente facture, dans les médias alternatifs. Même bannissement pour Michel Collon, spécialiste de la détection de la désinformation et des «médiamensonges» d’où qu’ils viennent, qui a pu paraître quelques fois dans l’émission de Frédéric Taddéi : ‘‘Ce soir ou jamais’’, sur France 3, avant d’être exclu des chaînes du service public français et de fonder son propre site : ‘‘Investig’action’’. Voilà, ensuite, que l’animateur de cette émission lui-même, a dû trouver refuge, depuis septembre 2018, sur la chaîne ‘‘Russia Today’’, pour pouvoir organiser ses débats en toute liberté.

Ne parlons pas de Jacob Cohen, militant juif marocain antisioniste, actuellement installé en France, auteur de plusieurs livres mais dont on ne trouve aucune trace de la biographie sur Wikipédia, comme cela a, d’ordinaire, cours pour toutes les personnalités politiques et culturelles.

Mais le plus grand exemple n’est-il pas illustré par le cas de Julian Assange qui, après avoir dévoilé sur son site WikiLeaks, des milliers de documents secrets portant, entre autres et preuves à l’appui, sur les bavures commises par les États-Unis en Afghanistan et en Irak, a demandé refuge à l’ambassade d’Equateur en Grande-Bretagne, y est resté 7 ans et en a été récemment expulsé? Il est actuellement possible que la Grande-Bretagne, où il purge une peine de prison, le livre ensuite aux Etats-Unis qui le réclament pour piratage informatique et où la probabilité est forte qu’il soit torturé.

Les oligarchies financières font et défont les présidents

Le second phénomène qui est de plus en plus visible dans les pays démocratiques consiste dans le fait que le domaine économique prend de plus en plus le pas sur le domaine politique et que l’existence des puissances financières internationales contribue à affaiblir les initiatives des hommes aux commandes de l’État. Les souverainistes français, par exemple, reprochent à l’Union Européenne de mordre sérieusement sur le pouvoir des nations, le centre des décisions se trouvant dorénavant plutôt à Bruxelles que dans les capitales des divers pays européens.

On peut citer, à ce propos, les analyses de Juan Branco dans son livre ‘‘Crépuscule’’ qui vient de paraître, et où il démontre en prenant le cas de la France et par le biais d’une analyse rigoureuse, comment ce sont les oligarchies, les puissances financières internationales qui font et défont les présidents, bien plus que les votes des citoyens.

Force est de constater, avec ces 2 limites actuelles à la liberté et à la souveraineté affectant les pays occidentaux, qu’il n’y a plus qu’une différence de degré, et non de nature entre les régimes des pays puissants qui se disent démocratiques et ceux des pays sous-développés qui sont, le plus souvent, répressifs.

Si on compare sur un autre plan, ces deux ensembles d’États, on constate une opposition entre eux concernant respectivement leur politique extérieure et intérieure. Les premiers, comme les Etats-Unis, pays le plus offensif actuellement dans le camp occidental mais qui entraîne habituellement ses alliés comme la France et la Grande-Bretagne dans ses agressions, garantissent généralement les droits individuels à leurs propres ressortissants, mais n’hésitent pas à exterminer les civils dans les guerres qu’ils n’ont cessé de mener, n’ayant cure des dommages collatéraux qu’ils provoquent.

Au contraire, les pays qui connaissent la dictature répriment leurs propres citoyens mais ont une politique extérieure généralement soit non-interventionniste, vu leur faiblesse, soit anti-impérialiste, comme la Syrie et l’Iran.

Le résultat concernant notre attitude vis-à-vis de ces 2 nations est qu’autant on reconnaît et condamne la répression subie par leurs autochtones pour la moindre affirmation de leur liberté – la révolte des femmes contre le voile, en Iran, par exemple –, autant on se sent solidaire avec elles dans leur lutte contre les puissances occidentales qui les ont déjà attaquées, pour ce qui concerne la Syrie, ou considèrent cette agression comme une possibilité, à l’avenir.

C’est le cas de l’attitude actuelle des Etats-Unis vis-à-vis de l’Iran : celle des Iraniens, avec leur sens de la dignité et la justesse de leurs réactions en même temps non apeurées mais non aventuristes, contraste heureusement, pour le moment du moins et même si on ignore la direction que prendra la suite des événements, avec les échecs militaires successifs qu’ont récoltés les Arabes durant le siècle dernier et la facilité qu’ont eue les Etats-Unis et leurs alliés à détruire l’Irak, la Libye et la Syrie.

* Universitaire et écrivaine.

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