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À propos de quelques combats douteux ou l’immaturité politique tunisienne

La mort de Béji Caïd Essebsi, le 25 juillet 2019, a certainement été son «dernier acte politique» et il y a sans doute bien réfléchi. Seulement, au vu des résultats réalisés par notre jeune «démocratie», cet acte n’est certainement pas le plus brillant ni le plus utile de sa carrière politique, en tout cas pour la Tunisie.

Par Dr Mohamed Sahbi Basly *

En effet, BCE est mort un certain 25 juillet, date hautement symbolique qui a vu la mort de Haj Mohamed Brahmi, en 2013, ayant incarné le souffle insurrectionnel de 2011 et constitué un tournant salutaire pour notre jeune démocratie.

Six plus tard, on a tous pleuré la mort de BCE, incarnant la fin d’un régime vieillissant et inerte face à une impasse politique aux conséquences économiques et sociales des plus difficiles pour le citoyen ordinaire.

Prisonnier d’un système qu’il a lui même créé, BCE n’avait plus la possibilité ni les moyens de s’en défaire malgré ses sorties médiatiques que certains médias zélés nostalgiques de l’ère du «tout va bien madame la marquise» nous qualifiaient de miraculeuses et débitaient des louanges que je vous invite à relire si vous avez encore le cœur à le faire.

L’oeuvre incomplète de Béji Caïd Essebsi

Oui, la mort de BCE a été son dernier acte politique, celui d’un homme âgé, insatisfait de son œuvre, malade de son entourage, malade de cette démocratie à la Tunisienne qui ne faisait que l’insulter du matin au soir, malade de son bilan et du bilan des personnes et des gouvernements qu’il a lui-même choisis, malade enfin de son héritier et de l’héritage qu’il se proposait de léguer à la Tunisie.

Face à cette situation peu reluisante, il a préféré s’en aller sans rien dire et surtout sans rien faire… Il a abdiqué au vrai sens du terme et a placé son jeune Premier ministre et la Tunisie seuls face à leur destin avec, comme décor, ce qui suit :

  • une Tunisie se débattant dans ses problèmes post-14 janvier 2011, et Dieu seul sait s’ils sont devenus inextricables et chroniques;
  • un soldat, Youssef Chahed, chef de gouvernement, seul face à tous les défis de cette Tunisie, qui se déploie sur tous les fronts, sans ceinture politique, ni environnement immédiat solidaire et bienveillant;
  • des partis politiques qui formaient la coalition gouvernementale et d’autres, qui avaient les yeux rivés sur les élections législatives et présidentielles de 2019, et qui se souciaient comme d’une guigne de l’intérêt général de la Tunisie.

Face à une telle situation délétère, il était prévisible que des forces occultes, néfastes, maléfiques, allaient proliférer dans ce terreau fertile, favorable aux extrémismes de tous bords, c’est ce que nous vivons aujourd’hui dans notre pays, après neuf ans de sacrifices, pour espérer bâtir ce que nous estimons important pour nos enfants et nos petits-enfants, une démocratie réelle, institutionnelle, garante de toutes les libertés, faisant obstacles à toutes formes d’injustice et d’inégalités.

Le patriarche, dépassé par son entourage, lâche son Premier ministre au cœur de la tempête

Le sort n’en a pas voulu ainsi, et on est en droit de penser aujourd’hui que BCE vieillissant a été l’otage de son entourage immédiat : «il ne pouvait plus» ou «il laissait faire» une horde de parvenus, encombrant son cercle familial et même au-delà et profitant d’une situation inique, pour pérenniser un système qu’ils avaient eux-mêmes créé, autour du chef vieillissant, basé sur le seul profit personnel aux dépens des intérêts supérieurs de l’Etat.

Alors que le chef de gouvernement menait une croisade contre la corruption, il était devenu évident que ces profiteurs allaient le fragiliser et tenter de l’abattre, sauf qu’il a survécu grâce à une ceinture politique au sein du parlement, qu’il a retrouvée à l’intérieur de sa famille politique et à l’extérieur.

Malheureusement, l’état de santé de BCE s’est soudain détériorée, une course contre la montre a ainsi été lancée dans les deux camps jusqu’à ce qu’il a été décidé d’en découdre avec Youssef Chahed à travers les urnes. C’est à ce moment-là que le scénario diabolique qui consiste à pousser Abdelkarim Zbidi au devant de la scène politique a pris forme. Mûrement réfléchie depuis quelques mois, cette candidature confortait l’opinion publique : un homme propre et intègre; qui a servi l’Etat; un homme d’Etat ; un homme du Sahel, cette région dont les enfants ont conduit la Tunisie pendant 60 ans, qui fut sevrée du pouvoir par la pseudo révolution de 2011 et qui rêve de le reconquérir, même si l’histoire récente de la Tunisie montre que le Sahel a toujours composé avec toutes les forces vives du pays pour construire la Tunisie indépendante.

Le ministre de la Défense, a-t-on aussi estimé, peut combattre le terrorisme tout autant que Youssef Chahed et même mieux que lui, s’il le faut, puisque ce combat est mené en grande partie par l’armée.

Mon ami, Abdelkarim Zbidi, qui été propulsé à la hâte au devant de la scène politique sans vraiment le vouloir, savait, je crois, qu’on allait l’utiliser tout simplement pour détruire Youssef Chahed. C’est la triste histoire de notre jeune démocratie tunisienne. Sa candidature est un acte délibéré pour barrer la route à un candidat sérieux au Palais de Carthage, qui a un projet de société, le nôtre, un programme et une vision pour la Tunisie de demain.

Youssef Chahed est capable de réaliser ce rêve, simplement parce qu’il est jeune, intègre, performant et a un sens aigu de l’Etat. Toute la campagne de Zbidi n’avait pour objectif que de le combattre et rien que lui, pour que d’autres lobbys de l’argent et de la dépravation morale et intellectuelle avancent à grands pas vers le symbole de l’Etat : Carthage .

Mes chers compatriotes, nous en sommes-là. Nous tous, surtout cette classe censée tirer le pays vers le haut, professeurs universitaires, médecins, avocats, etc., cette classe qui se prétend politique a excellé par sa myopie intellectuelle et son incapacité à distinguer le bon grain de l’ivraie.

Étant membre du bureau politique de Tahya Tounes, je livre cette analyse sans état d’âme, et sans surenchère, même le parti auquel j’appartiens n’est pas indemne de la maladie de la classe politique post-14 janvier 2011, le narcissisme, l’autosuffisance et l’arrogance…

Réveillez-vous et mettez un peu d’eau dans votre vin; mettez-vous au travail sur le terrain et au service du peuple, celui-ci vient de vous gifler.

* Ambassadeur.

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