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«Peuple ingrat ! Vous n’aurez pas mes os !» aurait dit Ben Ali aux Tunisiens

C’est cette phrase de Scipion l’Africain, trahi par les siens à Carthage et mort en exil, que l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali, décédé aujourd’hui, jeudi 19 septembre 2019, dans son exil en Arabie saoudite, aurait dit selon ses proches.

Par Dr Mohamed Sahbi Basly *

Hautement significative, cette phrase remontant déjà à l’époque punique marquée par l’épopée de Hannibal, lui aussi trahi par les siens, puis romaine, montrait déjà la nature du peuple de Carthage, ancêtre du peuple de la Tunisie actuelle.

Plus tard, l’histoire se répétera avec l’avènement de l’islam en Ifriquia avec la dynastie des Aghlabites, l’époque arabe puis turque jusqu’à ce jour.

Cependant, rassurez-vous, dans l’histoire de l’humanité, tous les peuples du monde sont ingrats. Ce n’est pas le propre des Tunisiens, mais l’histoire des peuples et dans certaines régions et communautés, on a pu bannir ces comportements en créant les institutions nécessaires pour défendre la vérité, le droit et les libertés.

D’un «Dégage» à un autre !

En Tunisie, cet exercice n’a pas eu lieu, et aucun leader politique, à ma connaissance, n’a souhaité se soumettre à cet exercice de vérité.

En janvier 2011 un slogan «Dégage» a été adressé à Zine El Abidine Ben Ali, le traitant de tous les noms, le qualifiant par le plus abject des adjectifs pour un général de l’armée, «déserteur». Puis s’en est suivi une machine infernale de dénigrement, de preuves de vol, de viol de la constitution et des lois du pays, de dictature qui a affamé son peuple, et même de liquidations physiques, allant jusqu’à falsifier des documents et des faits.

Le peuple tunisien a ainsi assisté, des années durant, à une mise à sac systématique du bilan de Ben Ali après avoir pris soin de mettre en prison de hauts commis de l’Etat, ministre, président directeurs généraux, et autres directeurs, dont le seul crime, dans la plupart des cas, est d’avoir servi l’Etat et la république.

Nul ne peut douter de la loyauté, du patriotisme, et du sens de l’Etat du président Zine El Abidine Ben Ali. Il a certainement dirigé la Tunisie d’une main de fer, mais il a défendu en toutes circonstances la souveraineté de son pays, l’intégrité de ses frontières et l’intérêt supérieur de l’Etat dont il était le chef. Il a été aussi très proche du citoyen et des couches défavorisées, et fut également un fervent défenseur des causes arabes et certainement un protecteur digne de l’islam et de la femme tunisienne dans cette société profondément traditionnelle qu’est la nôtre.

J’ai eu l’honneur et le plaisir de servir mon pays sous sa conduite pendant près de 20 années dans différents postes à l’intérieur comme à l’extérieur de la Tunisie. Ce fut pour moi un devoir voire un sacerdoce. Je n’ai jamais été dans son pré carrée, mais j’estime avoir eu le privilège de le côtoyer directement de par mon travail où j’ai toujours retrouvé en lui le président affable, soucieux de l’intérêt général et surtout respectueux des hauts cadres de la nation que nous étions.

Bien entendu un pouvoir qui dure dans le temps peut amener son titulaire à commettre des erreurs ; cette même anomalie a rattrapé bien avant lui le grand leader charismatique et fondateur de la République Tunisienne Habib Bourguiba, c’est l’histoire moderne de notre pays et nous n’avons pas à en rougir bien au contraire.

Ne détournons pas l’opinion publique des vrais problèmes de société

À ce peuple de Tunisie qui vient, une fois n’est pas coutume, de déclarer par le résultat du premier tour des élections présidentielles, qu’il refusait en bloc le système en place en votant l’anti-système doit savoir par la même occasion qu’il pousse la fragile Tunisie vers un nouveau saut dans le vide. J’ose espérer qu’il en tirera les conséquences nécessaires pour les échéances futures.

Ce peuple, qui par son histoire ancienne et récente a toujours été influencé, téléguidé et parfois même manipulé, doit reconnaître, après près de dix ans, que tout ce qui a été dit sur Ben Ali et son système n’a été en grande partie que mensonge et déformation de la vérité. Mais saurait-il tirer les conclusions du passée, et avoir le courage à son tour de faire amende honorable et d’exprimer sa reconnaissance à celui qui l’a servi de toutes ses forces et ses facultés mentales et physiques pendant 23 ans afin de restituer sa mémoire et lui permettre, après la justice divine, une juste reconnaissance de son peuple ?

Ce peuple doit savoir s’il est en mesure de demander des comptes à ceux qui l’ont induit en erreur comme on continue à le faire ce jour, à ceux qui ont menti, falsifié, détourné l’opinion publique des vrais problèmes de société que nous rencontrons et subissons hélas depuis un certain 14 janvier 2011. C’est le défi auquel nous sommes confrontés et qu’on doit être en mesure de relever.

Entre-temps, Ben Ali est mort, l’histoire le jugera, comme Scipion l’Africain, il n’a pas souhaité laisser ses os parmi nous. Ambassadeur.

* Ambassadeur.

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