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Elyès Fakhfakh pourra-t-il réussir ?

Disons-le tout de go : Elyès Fakhfakh pourra réussir dans la mission difficile de chef de gouvernement d’une Tunisien en transition et, surtout, en crise. Encore faut-il qu’il corrige ses défauts (et il en a), qu’il s’entoure de gens efficaces et utiles et évite, surtout, de se déconnecter du pays réel, car il ne tardera pas à le rattraper.

Par Chedly Mamoghli *

Que le choix plaise ou déplaise, qu’il soit réjouissant ou pas, au-delà des états d’âmes et des réactions souvent excessives concernant le choix d’Elyès Fakhfakh, le fait est là, c’est lui qui a été choisi pour former le gouvernement. Le gouvernement de la dernière chance qui s’il ne passe pas, l’Assemblée sera dissoute et des législatives anticipées – à l’issue incertaine et redoutées par les différentes formations politiques – seront convoquées.

Donc, voyons d’abord le gouvernement qu’il va composer. Ensuite, voyons s’il arrache la confiance de l’Assemblée, ça ne sera pas facile mais le spectre de la dissolution redoutée pourra l’aider et jouer en sa faveur. Enfin, si son gouvernement passe, voyons la configuration de son équipe à la Kasbah et son entourage. Procédons par étape et jugeons sur pièce.

Les défauts du futur chef du gouvernement

Maintenant, la personnalité et le profil d’Elyès Fakhfakh. Nous savons tous que la personne parfaite n’existe pas. Chacun a ses qualités et ses défauts. Ne dissertons pas sur ses qualités, nous ne sommes pas là pour l’encenser. Voyons les défauts et les faiblesses.

Il y a, d’abord, son impulsivité : souvent, quand il est critiqué ou attaqué, il perd son calme rapidement, s’énerve, rougit, devient même agressif et véhément. Il doit vaincre son impulsivité et faire preuve de self-control. S’il devient chef du gouvernement, il sera critiqué et attaqué aussi bien justement qu’injustement, aussi bien d’une manière constructive que d’une manière destructrice, aussi bien d’une manière fondée que d’une manière infondée et ça sera 24/24 et 7/7. Chef de gouvernement est le poste le plus exposé, le plus délicat et le plus sensible, donc l’impulsivité, il doit la jeter à la poubelle avant d’entrer à la Kasbah.

Elyès Fakhfakh dégage une impression que c’est une personne coincée dans ses certitudes, qui croit tout savoir et croit toujours avoir raison. Il est rigide et cassant. Trop d’assurance devient de l’arrogance. Il doit être plus souple, faire preuve de modestie et développer son sens de l’écoute. Dans ce sens, ça serait bien d’entamer son passage à la Primature avec un débat national dans les 24 gouvernorats du pays en écoutant les élus et les citoyens. Ça n’a rien à voir avec les campagnes électorales où les candidats parlent aux gens afin de les convaincre. Là, ce sont les gens qui parlent et lui qui écoute. Que le gouvernant soit à l’écoute des gouvernés permet de rester connecté à la réalité, fait de lui une personne disponible et proche et rompt avec l’image cassante et arrogante.

Elyès Fakhfakh ne connaît pas bien l’Etat. Il ne suffit pas d’avoir été ministre pendant un ou deux ans pour prétendre connaître l’Etat. C’est insuffisant. Cette carence, il doit la pallier en s’entourant de commis de l’Etat qui connaissent ses rouages et son fonctionnement car si on présente une carence et en plus que l’on s’entoure de gens qui eux aussi ont cette carence, c’est l’échec assuré. Il faut donc s’entourer de commis de l’Etat afin de créer la complémentarité nécessaire.

Il ne doit pas déserter le triple terrain (réel, médiatique et réseaux sociaux).

Un risque que le futur chef du gouvernement doit éviter et qui est un risque pour tout gouvernant: c’est de basculer dans une conception administrative de la fonction. Chef de gouvernement est une fonction politique et doit le rester. Dans ce sens, il ne doit pas commettre la gaffe de déserter le triple terrain (réel, médiatique et réseaux sociaux). S’il déserte le triple terrain, il sera occupé constamment par les forces de l’argent sale qui à coups d’intox, de fake news, de diffamation et de sales procédés casseront définitivement son image. Il ne faut donc jamais déserter ce triple terrain et il faut toujours faire preuve de pédagogie. Expliquer, expliquer et toujours expliquer.

Ce faisant, s’il procède convenablement étape par étape et s’il remédie aux défauts et aux faiblesses précédemment cités, s’il se méfie également des faux amis, des courtisans et des mauvais conseillers, s’il ne sert aucun réseau d’influence affairiste, régionaliste, corporatiste ou quel qu’il soit et bien, à ce moment-là, il pourra réussir. Et c’est ce qu’on lui souhaite.

* Juriste.

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