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La Chine et le monde à l’épreuve du coronavirus

Le monde retient son souffle alors que l’on approche du seuil symbolique de 1000 morts victimes du coronavirus en Chine et que le nombre de personnes atteintes s’est envolé à près de 37.000, même si l’Organisation mondiale de la santé (OMS), rassurante, estime que le nombre quotidien de cas de contamination est en voie de se stabiliser.

Par Hassen Zenati

Les mesures drastiques se multiplient dans le monde pour prévenir ou contrer toute contamination par le coronavirus : confinement, quarantaine, isolement, tout est mis en œuvre pour arrêter la propagation de la maladie qui n’a toujours pas atteint son pic, selon les spécialistes, et pour laquelle aucun remède n’est en vue.

En Chine, des dizaines de millions de personnes vivent depuis des semaines calfeutrées dans leur domicile sur ordre des autorités, qui ont imposé aussi le port du masque dans les lieux publics et réduit les déplacements. Le trafic est paralysé et l’économie pratiquement à l’arrêt en attendant des jours meilleurs. La métropole de Shangaï (24 millions de résidents) est l’une des dernières à subir les injonctions du pouvoir, après Wuhan (siège de plusieurs usines automobiles), Hubei, Wenzhou. C’est aussi le branle-bas de combat dans les pays voisins d’Asie et dans le monde, à la demande l’OMS. Les mesures restrictives ont été partout durcies à l’encontre des voyageurs en provenance de Chine. La plupart des compagnies aériennes internationales ont suspendu leurs vols vers ce pays, qui vit quasiment isolé du reste de la planète.

«L’usine du monde» et le reste de la planète

À la sortie de la deuxième guerre mondiale, les analystes avaient l’habitude de pronostiquer: «Quand l’Amérique prend froid, l’Europe s’enrhume», soulignant ainsi d’une formule datée, la dépendance de l’économie du Vieux Continent de celle du Nouveau Monde et de son dollar. La maxime s’applique mieux désormais à la Chine, devenue «l’usine du monde», et le reste de la planète.

Deuxième puissance économique internationale, selon le FMI, juste derrière les Etats-Unis, la Chine, avec un PIB de l’ordre de 26.000 milliards de dollars (18 à 19% du PIB mondial) est un poids lourd de la croissance économique du monde. Ce qui affecte son économie ne peut pas ne pas avoir d’impact à l’international, à commencer par les pays voisins d’Asie, mais aussi des clients et fournisseurs d’Amérique et d’Europe.

Dans les principales capitales du monde, les grands patrons des multinationales, la boule au ventre, ont depuis des semaines le regard fixé sur Bejing et les grandes bourses chinoises pour tenter de capter le moindre signal d’évolution dans un sens ou un autre, faute d’anticipation, qui s’avère impossible dans un environnement politique opaque.

Le comportement erratique des bourses mondiales qui ont joué aux montagnes russes, s’effondrant d’abord sous l’effet immédiat d’une panique généralisée faute d’informations fiables sur l’ampleur et l’évolution de la maladie, avant de se reprendre et de retrouver un peu de sérénité en recevant un bouquet de nouvelles relativement rassurantes, renseigne sur les incertitudes qui taraudent les milieux d’affaires.

La baisse du prix du pétrole inquiète les producteurs de l’or noir

Autre indice inquiétant : la baisse du prix du pétrole, qui avait connu une brusque flambée à 70 dollars le baril après l’assassinat du général iranien Qacem Soleimani par un drone américain. Il gravite autour de 55 dollars actuellement sur un marché excédentaire d’environ un million de barils par jour pour une offre totale de 100 millions de barils/jour. La baisse était attendue, en raison notamment d’un recul prévisible de la consommation chinoise, mais l’apparition du coronavirus et les inquiétudes qu’il a générées sur les croissances chinoise et mondiale, ont sans doute accéléré le mouvement. La demande chinoise de 14,5 millions de barils/jour, doit être amputé de quelque 300 à 400 barils/jour durant le trimestre, selon les experts. Bonne pour les consommateurs, la nouvelle l’est bien moins pour les producteurs appelés à nouveau à se serrer la ceinture. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et la Russie doivent se réunir ce mercredi, 12 février 2020, à Vienne, pour analyser la baisse des cours et envisager éventuellement une baisse de la production pour le faire remonter.

Une baisse de l’économie chinoise, qui a affiché pendant des décennies des taux de croissance à deux chiffres, était attendue pour 2020. L’épidémie du coronavirus ne fera que l’affaiblir un peu plus. La Chine représente environ le quart de la production industrielle mondiale. Elle fabrique de nombreux composants pour des clients installés en Europe et aux Etats-Unis, dans le cadre d’une chaîne mondiale de valeurs, qui l’a transformée en quelques décennies en «usine du monde».

La crainte d’une sévère récession mondiale

Un ralentissement durable de la production industrielle chinoise, destinée essentiellement à l’exportation, pourrait handicaper les usines du reste du monde, qui seraient privées de composantes essentielles pour faire fonctionner leurs chaînes de production, et provoquer une sévère récession mondiale. On n’en est certes pas encore là, mais les inquiétudes vont crescendo.

La crise du coronavirus frappe l’Empire du Milieu au moment où, près être monté en gamme dans la chaîne de valeurs internationale, il s’emploie activement à réviser son modèle économique exportateur pour privilégier la consommation domestique interne, appelée à seconder l’investissement comme moteur de croissance. Tournant partiellement le dos aux temps «héroïques» de l’économie d’exportation, la Chine aspire à plus d’indépendance économique, en se passant autant que possible des technologies occidentales. Le cas d’école est celui du groupe de télécommunications Huaweï, qui se présente comme le leader mondial de la G-5, provoquant une levée de boucliers aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe.

Ce que les autorités chinoises craignent le plus désormais est qu’après la crise sanitaire, la consommation évolue en plateau et stagne, et au pire qu’elle recule. Ce serait un coup terrible qui serait porté au nouveau modèle économique que Pékin veut installer et dont la réussite ou l’échec conditionne la présence Xi Jinpin à la tête du pays.

La Banque Centrale chinoise prévenue des risques, a pris les devants en annonçant l’injection de 156 milliards d’euros pour soutenir la consommation mise à mal par l’épidémie virale, et une série de mesures en faveur du crédit aux Petites et moyennes entreprises (PME), prises à la gorge par un soudain assèchement de leur trésorerie.

L’industrie internationale du tourisme retient son souffle

Les Chinois sont connus pour beaucoup épargner spontanément et par précaution. La Chine affiche depuis longtemps l’un des taux d’épargne les plus élevés du monde, ce qui est loin d’arranger les adeptes du «consumérisme» local. La perturbation depuis le début de la crise sanitaire des circuits de distribution et la fermeture de plusieurs grandes enseignes internationales comme Apple, les cafés Starbukcs, les magasins Ikea, les fast-food, comme Mc Donald, KFC, Pizza Hut, ou les boutiques de luxe, risquent de porter un coup fatal à leur stratégie de reconversion et de soumettre l’économie chinoise à rude épreuve.

En effet, si après la crise du SRAS en 2003 et du H1N1 en 2009, les clients étrangers sont rapidement revenus sur le marché chinois, écourtant ainsi la crise, il n’est pas sûr que les consommateurs chinois, échaudés par cette 3e crise sanitaire en moins de vingt ans, retournent rapidement vers les temples de la consommation érigés un peu partout dans le pays dans le cadre de la nouvelle stratégie.

L’industrie internationale du tourisme risque d’en prendre un coup et avec elle l’industrie du luxe, dont les Chinois sont très férus. Ce sont en effet 150 millions touristes chinois qui manqueront à l’appel dans l’année, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Pour ne prendre que la France, une des principales destinations touristiques mondiales, le nombre de Chinois accueillis dans l’Hexagone a bondi ces dix dernières années à 2,2 millions de visiteurs, contre 715.000 en 2009. S’ils ne représentant que 2,5% de la fréquentation totale, ils constituent 7% des recettes touristiques. Avec 265 millions d’euros en 2018, les Chinois sont les plus dépensiers, devant les Américains, les Espagnols et les Japonais. Le budget moyen, hors transport, d’un touriste chinois s’élève à 1 024 euros par séjour. La Chine ayant fermé les portes de plusieurs de ses villes aux visiteurs étrangers et interdit à ses ressortissants de se rendre à l’étranger en voyages organisés, l’impact a moyen et long terme sur l’hôtellerie et les entreprises dépend de la durée de la crise actuelle et de sa maîtrise.

Alors qu’ils se préparaient à fêter le 25 janvier, la nouvelle année – l’année du rat – en famille, comme le veut une tradition qui remonte à 4.000 ans, les Chinois se sont trouvés confrontés au redoutable défi de dompter un virus mutant, dont ils ne soupçonnaient pas jusqu’à ces dernières semaines qu’il pouvait se transmettre à l’homme, et n’en connaissaient pas les modes de transmission. Au risque d’entraîner dans leur récession, une récession mondiale.

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