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Algérie, ces femmes qui menacent les acquis des femmes

En Algérie, des femmes qui ont pu, grâce au combat des féministes du XXe siècle, accéder aux postes de responsabilité, au lieu de continuer le combat de leurs aînées, sont dans une attitude inverse au nom de la religion et des traditions.

Par Razika Adnani *

En Algérie, qui se bat pour sortir de l’archaïsme s’étalant dans tous les domaines, un discours religieux, traditionaliste et intégriste se fait de plus en plus entendre. Il s’inscrit dans le combat international de ce courant qui veut profiter des moments de difficultés et d’incertitudes que traverse l’Algérie pour renvoyer la société des siècles en arrière en menaçant ses acquis et notamment ceux des femmes.

Ce discours est porté non seulement par des hommes, mais aussi par des femmes qui défendent un système normatif dans lequel elles ne sont pourtant pas, en tant que femmes, avantagées.

Ainsi, des femmes qui ont pu, grâce au combat des féministes du XXe siècle, accéder aux postes de responsabilité en devenant députées, directrices, inspectrices et ministres, au lieu de continuer le combat de leurs aînées pour davantage de droits et de sécurité pour les femmes, pour plus de prospérité pour la société, sont dans une attitude inverse au nom de la religion et des traditions. Elles défendent par exemple la polygamie, les inégalités en matière d’héritage et le port du voile qu’elles veulent imposer à toutes les femmes.

Des femmes conservatrices, fondamentalistes…

Ces femmes veulent également mettre fin à la mixité à l’école. Elles veulent interdire que les jeunes garçons et les jeunes filles puissent s’aimer. Pour elles, dans toute relation entre une fille et un garçon, seul le biologique fait loi. Il n’y a ni sentiment noble, ni bonheur, ni respect, ni sincérité. Pire, il y a seulement un prédateur et une catin.

Ces femmes conservatrices et fondamentalistes menacent également les enfants. Ainsi, elles utilisent leurs fonctions pour affirmer à travers les chaînes de télévision que l’école est un lieu où l’enfant doit apprendre à faire la prière et que cela est mieux pour lui que d’apprendre la musique ou le théâtre. Elles ajoutent que l’enseignant a le droit de frapper l’enfant si celui-ci refuse de se soumettre à cette directive en récitant un hadith du prophète dans lequel il aurait dit : «Frappez-les (les enfants) à partir de 7 ans» pour les obliger à faire la prière.

En dépit du fait que ces femmes ne distinguent pas l’école de la mosquée et ignorent l’importance de l’art dans le développement des facultés intellectuelles et émotionnelles de l’élève, elles justifient la violence contre l’enfant. Au diable la psychologie de l’enfant, ses droits, la loi et toutes les théories de l’éducation. L’important pour elles, c’est d’avoir un comportement et un langage conformes aux recommandations de la charia.

Toutes ces femmes portent le voile et leur comportement s’explique par leur souci de rester cohérente avec elles-mêmes. Il est en effet difficile d’imaginer une femme portant sur la tête le signe de sa soumission à la charia défendre l’égalité femmes-hommes ou militer pour que les femmes dans les sociétés musulmanes soient considérées comme des êtres humains à part entière et non des demi-êtres humains.

… et incohérentes avec elles-mêmes

Cependant, d’une part, elles n’ont pas le droit de vouloir imposer leur mode de vie à toutes les femmes et à toute la société et, d’autre part, pourquoi ne ressentent-elles pas le même souci de cohérence lorsqu’il s’agit d’autres règles de cette même charia.

Le verset 33 de la sourate ‘‘Les coalisés’’ n’ordonne-t-il pas aux femmes de rester dans leur maison? «Restez dans vos foyers et ne vous exhibez pas à la manière des femmes d’avant l’islam (Jahiliyah)». Au mon de la charia qu’elles défendent, ces femmes doivent donc démissionner de leurs postes de ministre, députée et directrice etc., et rentrer chez elles pour n’en sortir qu’en cas de nécessité comme le précisent les juristes musulmans. Elles doivent également cesser de parler en public ou de participer aux assemblées conformément au verset 53 de la même sourate qui recommande aux femmes de ne s’adresser aux hommes que derrière un rideau ? «Si vous venez leur demander un ustensile, faites-le derrière un rideau».

Certes, les deux versets désignent les femmes du prophète. Cependant, les juristes et les commentateurs comme El-Kortobi ont élargi leurs recommandations pour toutes les femmes musulmanes au prétexte que les femmes du prophète sont, pour elles, un exemple à suivre.

Selon le discours religieux le prophète aurait également dit : «La femme est une awra (ce qui ne doit pas être dévoilé). Si elle sort, Satan accompagnera ses pas», pour confirmer que sa place est à la maison. Ces femmes pensent peut-être que ces deux règles sont abrogées car caduques. Dans ce cas, leur argument, selon lequel les musulmanes doivent se soumettre au port du voile par exemple ou à la polygamie car inscrits dans les textes, n’est pas valable. Autrement dit, qu’une règle soit édictée dans un texte coranique n’est pas une condition pour qu’elle soit mise en pratique. Il y aussi la possibilité que ces femmes aient tout simplement oublié ces deux règles. Il est important dans ce cas de les prévenir que les adeptes du discours qu’elles défendent ne se gêneront pas pour les leur rappeler si un jour ils arrivent à imposer leur modèle de société.

Pour en finir, les Algériennes ne doivent pas oublier qu’il n’y a pas si longtemps leurs grands-mères n’avaient pas le droit de sortir de chez elles. Elles étaient exclues de la vie sociale, politique et intellectuelle. Elles ont été soumises à la réclusion par le patriarcat qui a su trouver toutes les justifications nécessaires pour le faire. Les Algériennes et Algériens ne doivent pas oublier cette pratique barbare et surtout être conscients que toute régression de la femme signifie la régression de toute l’Algérie.

* Philosophe, islamologue, membre du Conseil d’Orientation de la Fondation de l’Islam de France, membre du groupe d’analyse JFC Conseil.

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