05 Avr 2020 | 8:37 A LA UNE, CULTURE, Tunisie
Nous publions aujourd’hui le dernier poème du Tuniso-français Tahar Bekri inspiré de la douloureuse et angoissante actualité de la pandémie du coronavirus (Covid-19), qui est en train de marquer fortement une humanité déboussolée.
Né en 1951 à Gabès, en Tunisie, Tahar Bekri écrit en français et en arabe et vit à Paris depuis 1976. Il a publié une trentaine d’ouvrages (poésie, carnets, essais, livres d’art). Sa poésie est traduite dans diverses langues et fait l’objet de travaux universitaires et de créations artistiques.
Maître de conférences honoraire à l’Université de Paris-Nanterre, Tahar Bekri a reçu plusieurs prix littéraires, notamment le Prix international de Littérature francophone – Benjamin Fondane, 2018; le Prix de Rayonnement de la langue et de la littérature françaises de l’Académie Française, 2019.
Parmi ses dernières publications : ‘‘Désert au crépuscule’’, Al Manar, Paris, 2018 ; ‘‘Mûrier triste dans le printemps arabe’’, Al Manar, 2016. ‘‘Le Livre du souvenir’’, Ed. Elyzad-Poche, Tunis, 2016 ; ‘‘Au souvenir de Yunus Emre’’, (bilingue) ; ‘‘La nostalgie des rosiers sauvages’’, peintures d’Annick Le Thoër, Al Manar ; ‘‘Je te nomme Tunisie’’, Al Manar.
Avons-nous assez aimé
L’oiseau frêle sur la branche
Le frémissement des feuillages dans l’arbre
Le petit vent remuant les fleurs du prunus
Ta main par-dessus mon épaule
Nous cherchions le soleil prisonnier de l’ombre
Consolés par les vagues qui revenaient de loin
Ce pied de basilic sur le rebord de la fenêtre
Nous ne savions si le pigeon est revenu
Faire son nid sur le haut du palmier
Et nous confinés dans les lueurs
Accompagnés par l’incertitude des heures
Nous avions la nostalgie
Du petit accordéon sur le pont
Les îles soudées par les rivières
Tant de promenades dans l’insouciance
Comme des envolées se posant sur le quai
Des berges du fleuve inondé de mille lumières
J’étais venu à toi comme un grenadier
Tu m’apprenais à reconnaître les roses trémières
Palmeraies et pinèdes entremêlées par les soirs
D’absence où les retrouvailles hébergeaient
Les couleurs du ciel couché à l’horizon des frontières
Et la nuit couverte de voies lactées
Nous confondions les étoiles
L’illumination soudaine et la beauté du monde
Comme une vibration dans les violons fougueux
Nous étions pourtant sur Terre
Avions-nous assez aimé ses saisons
Près du citronnier éclatant
Parfumant nos demeures
Avons-nous supplié le désert loin des ensablements
Rempli nos yeux de tant de sources
Pour effacer les blessures de la pierre
Comme les choses les plus simples
Deviennent comme un rêve inaccessible
De l’Humanité entière !
PS : Le titre renvoie au célèbre roman de Garcia Gabriel Marquez : ‘‘L’amour au temps du choléra’’.
Bravo cher poète,
Permettez moi de faire une petite remarque d’un agronome qui voit les choses d’un autre angle botanique et non poétique, l’ensemble des feuilles d’un arbre constitue un feuillage et un seul feuillage, et non des feuillages (…..des feuillages dans l’arbre. )
Sinon ,c’est très romantique,vous me rappelez Abou el kassem Chebbi …Notre célèbre poète.
LE CONFINE
Ecrit par A4 – Tunis, le 04 Avril 2020
Que vais-je faire de ce dimanche ?
C’est le septième de la semaine
Dois-je rester dans ma chambre étanche
Et prolonger ma quarantaine ?
Ou sortir, retrousser mes manches
Et profiter de cette aubaine ?
Profiter de ces places vides
De ces avenues sans voitures
De cette circulation fluide
Pour aller loin à l’aventure
Me balader, faire le caïd
Et m’évader dans la nature
C’est décidé, je vais sortir
Me promener dans les ruelles
Voir si les trains peuvent repartir
Après cette halte irréelle
Si les oiseaux des champs de tir
Savent encore déployer leurs ailes
Je vais sortir coûte que coûte
Voir si les rues sont accueillantes
Vérifier que le long des routes
Les images sont toujours fuyantes
Et que les eaux goutte après goute
Ne peuvent pas remonter la pente
Je vais sortir voir la voûte céleste
Vérifier le temps et l’espace
Voir après cette cure indigeste
S’il y a danger, s’il y a menace
S’il le soleil se lève à l’Est
Si le ciel est encore en place
Mais je ne sais pour quelle raison
Dès que j’ai mis le nez dehors
Tous les voisins, de leurs maisons
Des sommets de leurs miradors
Ont crié à la trahison
En me traitant de vieux condor
Ils n’ont jeté des noms d’oiseaux
Me repoussant à l’intérieur
En hurlant derrière leurs museaux
« Rentre vite, fais pas de malheur !
Rentre, covid est à l’assaut
Il rode là depuis bien des heures !!! »
Me voilà perdu, comme parfois
Suis-je en Avril ou en Janvier ?
A me demander, l’air narquois
Pourquoi covid nous vient défier ?
Et à écrire n’importe quoi
En pianotant sur mon clavier …