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D’une pandémie l’autre : Les abeilles aussi, entre miel et fiel

Les abeilles ne sont pas non plus à la fête. Victimes dans l’Etat de Washington du frelon tueur, d’origine asiatique, elles ont aussi leur pandémie virale. Il s’agit du virus de la paralysie chronique des abeilles CBPV, appelé aussi maladie noire.

Par Dr Mounir Hanablia *

Cette maladie existait certes mais sa recrudescence actuelle décime les ruches. Son taux initial en Chine était de 9% et atteint actuellement 36%. En Grande Bretagne il est passé de 0,9% à 12%. Elle est due à une atteinte du système nerveux de l’insecte et le virus y est souvent isolé ainsi que dans son tube digestif, les déjections sont donc contagieuses, même pour d’autres insectes tels que les fourmis qui contribuent ainsi à la propagation du virus.

La perspective angoissante d’une famine mondiale

L’infection se traduit comme son nom l’indique par une paralysie de l’insecte dont le corps et les membres s’amincissent et dont la chute des poils finit par le faire ressembler à un petit insecte noir brillant. Il finit donc par mourir d’inanition, incapable de voler ou de subvenir à ses propres besoins.

Le surprenant, c’est que les abeilles atteintes par le virus en cause sont retrouvées beaucoup plus loin que leur rayon d’action autour qui ne dépasse pas en moyenne 10 kilomètres. Le virus a souvent été détecté à plus de 40 km des ruches ce qui signifierait également une perte de l’orientation de l’insecte malade et aiderait en même temps à la propagation de la maladie.

Il s’agit là d’un problème majeur qui a de graves répercussions économiques pour les apiculteurs du fait de l’effondrement de la production de miel. Comme beaucoup d’apiculteurs dans le monde depuis des années et avec la disparition des abeilles sous l’effet des insecticides et pesticides, se sont résolus à importer des souches issues de pays peu contaminés par ces produits, il demeure important de savoir si ce ne sont pas ces essaims là qui sont les vecteurs de la maladie.

Le problème de la disparition des abeilles est important car au-delà de la production de miel et de la gelée royale dont les vertus nutritionnelles et médicinales sont connues depuis l’antiquité, il suscite la perspective angoissante d’une famine mondiale par un effondrement de la production agricole. En effet leur rôle dans la pollinisation des plantes n’est plus à démontrer et certaines études ont estimé qu’il intervenait dans près 50% de la production agricole totale, particulièrement céréalière.

La recrudescence de la maladie serait due à une diminution des défenses des insectes en rapport avec l’ingestion de substances toxiques utilisées dans l’agriculture. Il n’y a à ce jour ni médicament ni vaccin connus, et le confinement peut conduire à la disparition entière de la ruche par contamination issue d’un seul insecte vecteur du virus.

Vers la fabrication des vaccins préalablement à la pandémie

Cette maladie constitue donc un indice supplémentaire des répercussions graves que la dégradation accélérée du biotope peut avoir sur les différentes espèces vivantes, y compris bien sûr humaine, et les catastrophes écologiques telles que les incendie de l’Amazonie et du bush australien survenues cet été peuvent avoir à l’avenir des conséquences dramatiques que nous ignorons encore.

La production des vaccins s’est jusque-là basée sur les souches responsables d’épidémies. Il semble que face au risque biologique grandissant cela ne suffise plus. Il faut désormais anticiper les développements de souches afin de programmer la fabrication des vaccins préalablement à la pandémie.

Ceci nécessite évidemment une recherche constante sur l’évolution des différentes espèces de virus, aussi bien chez les humains que chez les animaux ou les insectes, particulièrement celles qui sont apparentées à des souches qui se sont révélées dans le passé pathogènes.

Ainsi que le prouve en effet l’actuelle pandémie du coronavirus (Covid-19) atteignant les humains, les délais entre l’apparition de la maladie et la disponibilité d’un vaccin pour le public demeurent importants, et entre-temps, beaucoup de vies sont perdues, et les conséquences économiques et financières des mesures basiques de protection telles que le confinement ont des répercussions économiques insupportables pour la majorité de la population.

Il faut saluer à cet effet les efforts des chercheurs tunisiens, qui après avoir séquencé le Covid-19 sont passés à la phase de la recherche sur le vaccin, anticipant les difficultés qu’il y aurait à s’en approvisionner sur le marché international dans un proche avenir.

Il est réconfortant que la Tunisie acquière grâce à l’expertise scientifique la confiance en ses capacités pour envisager de subvenir seule un jour à ses besoins stratégiques en matière de sécurité biologique.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

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