Le député et dirigeant Ennahdha, Saïd Ferjani, a accusé le président de la république Kaïs Saïed de monter le peuple contre l’Assemblée : «Vos partisans sont derrière une campagne pour la dissolution du parlement, et certains appellent même au chaos et à l’effusion du sang», a accusé le député.
«Monsieur le président, arrêtez de monter le peuple contre le parlement, lors de vos visites dans le sud du pays. Vous avez déjà dépassé vos prérogatives depuis que les nominations des directeurs généraux de la sûreté se décident depuis votre palais. Je ne sais pas… je me demande si vous n’êtes pas sur le point de mettre en place une organisation parallèle de l’Etat», a écrit Saïd Ferjani, dans un post publié dans la soirée du lundi 11 mai 2020.
«Vos partisans aiguisent les couteaux pour faire tomber le parlement et le gouvernement. Et vous ne bougez même pas le petit doigt. Notre pays et notre sécurité nationale sont en danger, surtout si vous continuez à garder cette approche», ajoute encore le député, en accusant le président de la république d’avoir violé le confinement pour inciter les jeunes à «instaurer un régime populiste et inconstitutionnel, en Tunisie».
Le député du parti islamiste a également estimé que Kaïs Saïed n’a pas fait grand chose pour mettre en place la cour constitutionnelle afin de garder la mainmise sur l’interprétation de la constitution, dit-il en commentant : «Ce n’est pas un jeu ! La constitution ne doit pas être interprétée comme vous le souhaitez».
C’est là, on le devine, un grossier mensonge, car le seul responsable de la non-constitution de la Cour constitutionnelle, c’est l’Assemblée, qui est dominée par le parti de M. Ferjani. En effet, ce sont les islamistes qui ne veulent pas de la Cour constitutionnelle, qui aurait dû être en place depuis 2015. Et M. Saïed a élu en 2019, et le vote de la composition de ladite Cour ne se fait pas au Palais de Carthage mais à celui du Bardo.
M. Ferjani, qui, comme son parti, n’est pas à un mensonge près, a publié ce post Facebook, en réponse aux déclarations du président de la république, lors de sa visite, aujourd’hui, à l’hôpital militaire mobile de Kébili, où il a critiqué l’Assemblée et les députés.
Le chef de l’Etat a appelé à préserver la liberté du peuple : «La liberté ce n’est pas échanger des insultes et des accusations infondées en pensant détenir la vérité. D’ailleurs, la plus grande maladie pour l’homme est de croire qu’il détient la vérité, comme a dit Pascal», a lancé M. Saïed, en reprochant à la plupart des élus de ne penser qu’à leurs propres intérêts.
«Si les électeurs pouvaient retirer leur confiance aux députés qui ne tiennent pas leurs promesses électorales, le parlement ne serait pas en train de débattre de l’amendement des articles de son règlement intérieur», a encore lancé le président, en donnant l’exemple de l’article 45 (stipulant que chaque député qui démissionne de son parti perd automatiquement son siège), au cœur des derniers différends entre les élus.
«Cet amendement constitue une grave violation de la constitution. C’est une maladie constitutionnelle, qui pourrait s’avérer plus grave que la pandémie du coronavirus. Où sont passés les financements des campagnes électorales ? Où est l’argent du peuple spolié durant des décennies ?», a encore lancé le chef de l’Etat, dans ce qui ressemble à un procès en bonne et due forme de l’Assemblée, d’ailleurs très décriée par les Tunisiens. Le chef de l’Etat sait donc que sa parole aura un écho auprès des Tunisiens et a appuyé là où ça fait mal, lui qui est farouchement opposé à la partitocratie.
M. Saïed a également précisé que la réconciliation doit se faire avec le peuple tunisien et «non pas entre des partis qui concluent des marchés et définissent avec qui l’on doit se réconcilier», dit-il, probablement en référence, entre autres, à Ennahdha, dont les dirigeants ne cessent d’évoquer, ces derniers temps, la réconciliation et l’union nationale.
Y. N.
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