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Tourisme : un rayon de soleil sous les nuages

Les Chinois manqueront beaucoup aux pays du pourtour méditerranéen, principal marché du tourisme mondial.

Le dé-confinement amorcé en Europe sonnera-t-il la reprise du tourisme dans le monde, en Tunisie en particulier? C’est l’espoir caressé par les voyagistes pour sauver une saison qui semblait irrémédiablement compromise.

Par Hassen Zenati

La bonne nouvelle vient de Grèce. Le pays au millier d’îles paradisiaques et aux magnifiques paysages baignés par les eaux turquoises de la Méditerranée, compte sur sa bonne gestion de la pandémie du coronavirus pour s’ouvrir le plus largement possible aux touristes et sauver un tant soit peu sa saison touristique.

La Grève veut bien y croire

Siège des principaux lieux de culte de la Grèce antique, l’Acropole a rouvert le week-end dernier, après les écoles et les musées. Sans touristes pour l’instant, mais, avec moins de 3.000 contaminations et seulement 146 morts, Athènes compte bien tirer argument de sa performance anti-virus, la meilleure d’Europe, pour relancer le secteur touristique sinistré, qui pèse 30% dans son PIB. Avec 14 morts pour 1000 habitants, contre 68 pour l’Allemagne et 409 pour la France, la Grèce est citée en exemple par l’OCDE.

Malgré un système sanitaire sinistré, l’exil par milliers des médecins et la fermeture de centaines de cliniques privées après la crise de la dette, les autorités ont obtenu des résultats probants en prenant le taureau par les cornes dès le début de la pandémie. Même la puissante église orthodoxe a dû se plier aux règles strictes de confinement, en annulant les messes.

Lobbying en Europe pour faciliter la reprise touristique

Les lobbies d’Athènes à Bruxelles s’activent près de la Commission pour obtenir l’ouverture rapide du maximum de liaisons aériennes et de frontières intérieures afin de faciliter la reprise touristique. Ils ont multiplié les garanties pour que cela se passe au mieux sur le plan sanitaire, avec l’établissement d’un nouveau mode d’emploi et d’un protocole sanitaire strict: mesures drastiques à l’embarquement, pas de nourriture à bord, mais des en-cas, nouvelles règles pour l’accès aux plages, aux piscines, aux buffets, aux bus, excursions etc. Dans chaque zone touristique, un hôtel sera réservé aux «quarantaines» qui seront imposées aux visiteurs présentant les symptômes de la maladie.

La Grèce espère ainsi amortir le choc de la pandémie, qui a contraint les 10.000 hôtels du pays à faire porte close. Ils devraient rouvrir à partir du 1er juin. Les trois mois d’été représentant environ 60% des recettes touristiques annuelles, si tout va bien sur le plan sanitaire, elle table sur des revenus minimum de 8 milliards, contre 18 milliards, empochés l’an dernier, pour 33 millions de visiteurs, deux records. Le tourisme grec, ce sont aussi 850.000 salariés, un emploi sur cinq, et 20% du revenu global du pays.

Un «Plan Marshall» européen pour relever le secteur touristique

Les Grecs ne sont pas loin d’avoir gain de cause et de gagner leur pari. «Oui, il y aura une saison touristique cet été», vient en effet de proclamer Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur, qui plaide en faveur d’un «Plan Marshall» européen massif de plusieurs milliards d’euros pour relever le secteur, qui représente 10% du PIB et 12% d’emplois de l’Union européenne (UE). Il est penché dessus depuis quelques semaines avec ses autres collègues de la Commission.

En dépit de la poursuite de la pandémie, l’UE a appelé ses membres à rouvrir leurs frontières intérieures pour faciliter le tourisme, en recommandant une action «concertée» et «non discriminatoire». «Si nous faisons tous des efforts, nous n’aurons pas à passer l’été bloqués à la maison. L’été ne sera pas complètement perdu pour l’industrie touristique», a déclaré la vice-présidente exécutive de la Commission, Margrethe Vestager

Sur le pourtour méditerranéen, un des principaux bassins du tourisme mondial, l’année 2020 se présentait sous les meilleurs auspices, avant que le virus ne vienne gâcher les prévisions tablant sur une saison faste.

L’Italie, l’Espagne et la France dans l’expectative

L’Italie se préparait à célébrer un demi-siècle de relations diplomatiques avec la Chine, avec au menu festivals, échanges culturels et touristiques, lorsque le Covid-19 a frappé : 31.000 morts et 222.000 cas confirmés. Les aéroports baillent aux corneilles depuis que les vols ont été suspendus fin janvier. Avec cinq millions de visiteurs par an, en augmentation de 30% et de belles promesses pour l’avenir, l’Italie est la première destination européenne des touristes de l’Empire du Milieu, devant la France, l’Allemagne et l’Espagne. Le coup d’arrêt a eu l’effet d’un coup de massue sur les professionnels du secteur, qui se demandent encore s’ils peuvent sauver leur saison, en tournant leurs regards vers la Grèce.

En Espagne (27.000 morts et 228.000 cas confirmés), si elle n’a pas démarré sur les chapeaux de roue, l’année touristique était prometteuse avant qu’une panne sèche ne vienne mettre à bas les espoirs des professionnels. Le gouvernement, qui avait pris conscience de la pandémie sur le tard, pensait d’abord pouvoir préserver la saison. «Il n’y a pas de raisons de santé publique de ne pas se rendre en Espagne», proclamait ainsi Isabel Oliver, secrétaire d’Etat au Tourisme, en appelant les professionnels à garder leur calme. Avant de se raviser. Madrid est allée jusqu’à étudier la possibilité de fermer ses frontières aux touristes étranger tout l’été, pour prévenir une seconde vague d’épidémie.

Première destination touristique mondiale avec 80 à 90 millions de visiteurs annuels, la France : 27.000 morts et 140.000 cas confirmés, hésite encore, en multipliant les mesure de précaution, alors que ses professionnels pressent le gouvernement pour qu’il leur donne un signe d’espoir avant qu’ils ne sombrent, avertissent-ils.

Le Maroc, l’Egypte et la Tunisie retiennent leur souffle

Au sud de la Méditerranée, le Maroc, qui s’est barricadé en multipliant les contrôles à l’entrée du pays et à l’intérieur du Royaume, subit lui aussi de plein fouet la pandémie. Zéro client pour les hôtels, zéro revenu pour les salariés, zéro recette fiscale pour l’Etat dans cette destination, elle aussi prisée par le touriste chinois depuis la suppression des visas d’entrée en 2016.

L’Egypte, qui se préparait à accueillir plus de 15 millions de visiteurs en 2020, a dû revoir ses ambitions à la baisse, alors qu’elle venait de sortir à peine de convalescence.

La Tunisie compte sur les Algériens essentiellement pour sauver ce qui peut encore l’être de la saison 2020, mais les professionnels restent pessimistes. Une campagne de presse en préparation s’adressera aux voisins qui pourront franchir la frontière dans des conditions de sécurité sanitaires optimales. Un des atouts de la Tunisie est d’avoir contenu la pandémie, avec 5 jours consécutifs sans enregistrer une nouvelle contamination.

La saison pourra-telle être sauvée ne serait-ce qu’à minima ? Tout autour du bassin méditerranéen, les professionnels retiennent leur souffle en espérant que la petite lueur née en Grèce illumine toute la région.

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