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Le poème du dimanche : ‘‘Le navire mystique’’ d’Antonin Artaud

Antonin Artaud, né à Marseille, le 4 septembre 1896 et mort à Ivry-sur-Seine le 4 mars 1948, est un théoricien du théâtre, un acteur, écrivain, essayiste, dessinateur et poète… maudit.

Inventeur du concept de «théâtre de la cruauté» dans ‘‘Le Théâtre et son double’’, Artaud aura tenté de transformer de fond en comble la littérature, le théâtre et le cinéma. «Sans un élément de cruauté à la base de tout spectacle, le théâtre n’est pas possible. Dans l’état de dégénérescence où nous sommes c’est par la peau qu’on fera rentrer la métaphysique dans les esprits», écrira-t-il.

Par la poésie, la mise en scène, la drogue, les pèlerinages, le dessin et la radio, chacune de ces activités a été un outil entre ses mains, un moyen pour atteindre un peu de la réalité qui le fuit. Il combattra par de constantes injections de médications les maux de tête chroniques qui le taraudent depuis son adolescence. Cette omniprésence de la douleur influera sur ses relations comme sur sa création. Il sera interné en asile pendant près de neuf ans, subissant de fréquentes séries d’électrochocs, et il passe les dernières années de sa vie dans des hôpitaux psychiatriques. Si ses déséquilibres mentaux ont rendu ses relations humaines difficiles, ils ont aussi contribué à alimenter sa création.

Il témoignera de sa souffrance dans une lettre au docteur Latrémolière le 6 janvier 1945 : «L’électrochoc, M. Latrémolière, me désespère, il m’enlève la mémoire, il engourdit ma pensée et mon cœur, il fait de moi un absent qui se connaît absent et se voit pendant des semaines à la poursuite de son être, comme un mort à côté d’un vivant qui n’est plus lui, qui exige sa venue et chez qui il ne peut entrer.»

Il se sera perdu le navire archaïque
Aux mers où baigneront mes rêves éperdus,
Et ses immenses mâts se seront confondus
Dans les brouillards d’un ciel de
Bible et de
Cantiques.
Et ce ne sera pas la grecque bucolique
Qui doucement jouera parmi les arbres nus ;
Et le
Navire
Saint n’aura jamais vendu
La très rare denrée aux pays exotiques.
Il ne sait pas les feux des havres de la terre,
Il ne connaît que
Dieu, et sans fin, solitaire,
Il sépare les flots glorieux de l’Infini.
Le bout de son beaupré plonge dans le
Mystère ;
Aux pointes de ses mâts tremble toutes les nuits
L’Argent mystique et pur de l’étoile polaire.

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