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Un gouvernement de bureaucrates pourra-t-il sortir la Tunisie de la crise ?

Face à la crise multiforme et aiguë que traverse actuellement la Tunisie, nous devons faire preuve de transparence et oser débattre publiquement des moyens de rétablir la croissance économique et de maintenir la paix sociale et politique, et cela exigera plus qu’un simple savoir-faire bureaucratique : il requiert de hautes compétences économiques et un grand courage politique.

Par Amine Ben Gamra *

L’économie tunisienne est, actuellement, quasiment à plat et l’urgence consiste à corriger ses vulnérabilités à travers des réformes structurelles longtemps évoqués et jamais vraiment mises en œuvre.

Pour l’heure, tous nos indicateurs socio-économiques sont au rouge vif. Le PIB a drastiquement diminué de 21,6% au deuxième trimestre 2020, par rapport à la même période de 2019 et de 20,4% par rapport au premier trimestre de 2020. Le taux de chômage atteint 18% au deuxième trimestre 2020. Le déficit budgétaire se creuse à 3.847 MDT, à fin juin 2020, contre 2.464 MDT un an auparavant. Et ce, sous l’effet de la baisse importante des recettes de l’Etat, conjuguée à une hausse des dépenses de fonctionnement, pour cause de pandémie de la Covid-19.

Un gouvernement de bureaucrates est-il vraiment la solution ?

La question qui se pose est la suivante : un gouvernement composé des cadres de l’administration peut-il changer la manière bureaucratique dont le pays est gouverné et mettre fin à la myriade d’autorisations et de règles qui laissent beaucoup trop de pouvoir aux bureaucrates; encourager les jeunes à créer de petites entreprises mais en même temps soutenir les grandes entreprises qui exportent des biens à réelle valeur ajoutée ?

Peut-on attendre de simples hauts cadres de l’administration, habitués à exécuter des instructions, parfois d’ailleurs de manière poussive, qu’ils prennent la responsabilité de changer le modèle de développement économique et social en vigueur en Tunisie et repositionner notre pays au sein de son environnement régional et international profondément affecté par la crise ? Eu égard l’importance des défis qui s’annoncent pour la période à venir, alors que les ressources financières publiques s’amenuisent, qu’on nous permette d’en douter sérieusement.

En fait, un gouvernement composé des cadres de l’administration ne fera que compliquer la prise de décision dans un pays caractérisé par une structure institutionnelle dysfonctionnelle qui explique en grande partie la quasi-paralysie de la prise de décision en matière économique. Par ailleurs, la pléthore de ministères dont les responsabilités changent d’année en année rendent toute prise de décision économique rationnelle pratiquement impossible.

L’économie tunisienne accuse le coup mais ne tombe pas vraiment

Cela dit, tout n’étant pas sombre, l’économie tunisienne s’est révélée plus résiliente que prévue; secouée par des vents violents, politiques et sécuritaires, et par une récession en Europe, principal marché d’exportation de la Tunisie et source de touristes, elle a chancelé et menacé ruine, mais sans faillir, ce que beaucoup d’experts n’ont cessé de lui prédire.

Cela dit, nous devons faire preuve de transparence et oser débattre publiquement des moyens de rétablir la croissance économique et de maintenir la paix sociale et politique, et cela exigera plus qu’un simple savoir-faire bureaucratique : il requiert de hautes compétences économiques et un grand courage politique.

* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.

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