Ahmed Ben Salah, l’ancien secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et super-ministre sous le règne du président Habib Bourguiba, est décédé aujourd’hui, mercredi 16 septembre 2020, à l’âge de 96 ans.
Ahmed Ben Salah était hospitalisé depuis une dizaine de jours à l’hôpital militaire de Tunis, après une grave détérioration de sa santé et a reçu la visite de nombreux dirigeants politiques et syndicaux.
Né le 13 janvier 1926 à Moknine, un village du Sahel tunisien, Ahmed Ben Salah poursuit des études secondaires au Collège Sadiki de Tunis puis en France dans les années 1940. Il se lance, une fois ses études terminées, dans l’action syndicale, en adhérant à l’UGTT en 1948, et dans l’action politique en présidant la jeunesse scolaire destourienne puis, en 1947, en assurant la liaison entre le parti nationaliste, le Néo-Destour, son leader Habib Bourguiba alors en exil au Caire, et Moncef Bey en résidence surveillée à Pau.
L’audience internationale ainsi acquise par Ben Salah, notamment au sein de Confédération internationale des syndicats libres (CISL), lui permet d’être élu secrétaire général de l’UGTT peu après l’assassinat de Farhat Hached le 5 décembre 1952.
Au lendemain de l’indépendance en 1956, la forte personnalité de Ben Salah faisant craindre au Néo-Destour que l’UGTT n’échappe à son contrôle ou même qu’elle ne suscite la création d’un parti travailliste, un courant néo-destourien se forme rapidement au sein de l’UGTT pour obtenir l’éviction de Ben Salah.
Écarté de l’UGTT, Ben Salah est nommé secrétaire d’État de la Santé publique et des Affaires sociales. Constatant en 1960 la chute des investissements et la fuite des capitaux et percevant le déclin de l’enthousiasme populaire né avec l’indépendance, Bourguiba, après avoir changé trois fois de ministre de l’Économie en quatre ans, déclare opter pour la planification puis pour le socialisme. Il charge alors Ben Salah du ministère du Plan et des Finances en 1961.
Entré par cooptation au bureau politique du Néo-Destour, ce dernier reprend l’essentiel de son rapport économique du VIe congrès de l’UGTT (1956) et prépare un plan, les Perspectives décennales (1962-1971), puis un plan triennal ayant pour but de mettre en place les nouvelles structures. Les Perspectives décennales, dont le préambule affirme que la Tunisie opte résolument pour le socialisme, visent à «décoloniser l’économie nationale» par l’intégration du secteur colonial et la «tunisification» des enclaves demeurées étrangères.
Entendant assurer un auto-développement du pays, le plan assigne l’aide extérieure en dessous de 50% des investissements nets. La politique de Ben Salah entraîne un développement de son administration qui absorbe le secrétariat d’État aux Finances dès 1961, celui de l’Education nationale en 1967 et empiète considérablement sur les compétences de celui de l’Agriculture.
C’est dans ce dernier domaine que Ben Salah apporte les plus grands changements, en particulier par la décision prise en 1962 de créer des coopératives de production, rassemblant autour des terres des colons un certain nombre de paysans choisis comme coopérateurs.
Toutefois, la mécanisation intensive de l’ensemble ainsi constitué aggrave la situation des paysans pauvres ou sans terres, tandis que la lourde gestion bureaucratique des coopératives provoque un mécontentement chez les coopérateurs eux-mêmes. Le mécontentement grandit et s’étend à d’autres couches de la population à mesure que le projet se développe.
Finalement, le système des coopératives a échoué. La chute de Ben Salah est donc rapide : démis de ses fonctions ministérielles en septembre 1969, il est exclu du Parti socialiste destourien et déchu de son mandat de député. Accusé d’avoir abusé de la confiance du président et d’avoir pris avantage dans les deux dernières années du mauvais état de santé de ce dernier, il est traduit devant la Haute Cour et condamné le 25 mai 1970 à dix ans de travaux forcés.
Il parvient à s’évader de sa prison de Tunis le 4 février 1973 et passe en territoire algérien où il obtient le statut de réfugié politique. Toutefois, son activité politique se poursuit en exil : il fonde le Mouvement de l’unité populaire. En mai 1988, un an après l’éviction du président Bourguiba, le président Zine El-Abidine Ben Ali le gracie; il peut alors revenir en Tunisie après quinze ans d’exil. Une demande de légalisation de son parti est déposée le 21 août 1989 mais n’obtient pas de réponse. Ben Salah est contraint de quitter à nouveau le pays en septembre 1990, avant de rentrer définitivement en septembre 2000. Le 12 février 2011, à la suite de la révolution tunisienne, une nouvelle demande est déposée, le parti dont il occupe le poste de secrétaire général obtenant le 8 mars le visa l’autorisant à exercer ses activités; il en devient président le 13 mai 2012, mais le pays a beaucoup changé entre-temps, et Ben Salah finit par prendre définitivement ses distances en restant en marge de la vie politique (avec Wikipedia).
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