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Les Kurdes syriens ont-ils mal calculé leur accord pétrolier avec les États-Unis?

Pour l’administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie, le bénéfice éphémère de l’accord signé avec une compagnie pétrolière américaine pourrait devenir un échec complet à long terme. Décryptage…

Par Ahmad Al Khaled *

L’accord controversé conclu entre les Forces démocratiques syriennes (FDS), à dominante kurde, et la compagnie pétrolière affiliée à l’administration américaine Delta Crescent Energy LLC au début du mois d’août a provoqué une forte réaction internationale. Certains pays et gouvernements régionaux n’ont pas tardé à condamner l’accord dont les détails ont été gardés strictement secrets pendant un an.

Cependant, des rapports récents ont dissipé tout doute sur la raison pour laquelle les États-Unis avaient réellement besoin de cet accord. Plusieurs sources familiers avec le contenu du contrat ont également confirmé que l’objectif principal était de refuser à Damas l’accès aux champs pétrolifères, ainsi que de la couper complètement de tout revenu de la production d’énergie dans la région.

Les motivations troubles des autorités kurdes

Dans le même temps, la motivation des autorités kurdes reste floue. Si les Américains poursuivent une stratégie de dissuasion politique et économique contre Damas pour tenter d’évincer le leader de longue date Bachar El-Assad, la manœuvre kurde ressemble à la reddition aux États-Unis plutôt qu’à une décision réfléchie et clairvoyante.

Les analystes d’Al-Monitor suggèrent qu’en faisant cela, les Kurdes ont tenté d’atteindre un ensemble d’objectifs ambitieux et interdépendants, dont le principal était d’acquérir le statut indépendant de l’autonomie. C’est pourquoi les dirigeants kurdes ont décidé de consolider une présence militaire américaine dans le nord-est de la Syrie et de donner le feu vert à la volonté commerciale américaine.

Les Kurdes estiment que la diversification des relations avec les États-Unis, la superpuissance mondiale, qui contribue à une coopération plus approfondie avec Washington, conduira à terme à une reconnaissance internationale de l’administration kurde. En ce sens, l’approche des Kurdes syriens est très similaire à celle de leurs frères irakiens. Ces derniers ont pu renforcer à la fois l’indépendance économique et l’autonomie politique de Bagdad après avoir réglé les choses avec la Turquie, en lui accordant une part considérable des contrats dans la construction au pétrole dans le Kurdistan irakien.

Quant aux Kurdes syriens, il est peu probable qu’ils puissent répéter le même scénario. Si le commandement des FDS dirigé par Mazloum Abdi espère pouvoir mettre en œuvre ce projet avec l’aide américaine dans les circonstances actuelles, elle a mal calculé et sous-estimé les défis potentiels auxquels elle pourrait faire face.

Premièrement, la position des FDS est beaucoup plus fragile que celle des Kurdes du Kurdistan irakien. Malgré le mépris de Bagdad, il a suffi aux Kurdes irakiens de conclure un accord avec la Turquie pour accéder aux marchés pétroliers de la côte sud de la Méditerranée et assurer leur autonomie.

Le gouvernement syrien condamne l’accord et dénonce un «vol»

Les Kurdes syriens doivent être prêts à affronter au moins de lourdes négociations avec un grand nombre d’acteurs régionaux et internationaux ou même une confrontation ouverte avec son voisin hostile. Hormis le gouvernement syrien, qui a déjà condamné l’accord, dénonçant un «vol» et une atteinte à la souveraineté du pays, la normalisation des relations avec Ankara reste l’une des questions les plus problématiques pour l’administration kurde. D’autant plus que la Turquie considère les FDS comme une filiale syrienne de l’organisation terroriste PKK et a déjà mené une opération de grande envergure «Source de la paix» dans le nord de la Syrie en 2019.

Les actions unilatérales kurdes qui ignorent les intérêts de Damas, principal allié de Moscou, et les préoccupations turques pourraient détruire complètement leurs rêves d’autonomie potentielle. Et si Damas se limitait à s’adresser aux tribunaux internationaux, qui déclarent très probablement l’accord nul et non avenu, Ankara pourrait apparemment aller plus loin et reprendre les combats pour empêcher les forces kurdes de renforcer leurs positions à la frontière sud de la Turquie.

Dans un tel cas, il serait extrêmement risqué pour la partie kurde de compter sur l’aide d’une présence américaine réduite qui est actuellement entièrement engagée dans la protection des champs pétrolifères. La pratique a montré que lorsque les États-Unis étaient confrontés au dilemme de soutenir les Kurdes ou de sauver des relations avec un État partenaire, ils choisissent ce dernier. Dans le passé, Washington s’est opposé au référendum sur l’indépendance du Kurdistan irakien en 2017 et a effectivement autorisé l’opération militaire turque «Source de la paix», qui a coûté aux Kurdes la perte de nombreuses vies et une grande partie du territoire.

Si les Kurdes se distancient de la coordination multilatérale, ils font face à des conséquences dramatiques, allant jusqu’aux sanctions internationales ou à l’agression militaire. Le plus grave, c’est aussi que les FDS risquent de détériorer les relations avec les États européens qui sont depuis longtemps favorables au problème kurde en Syrie.

* Journaliste et auteur syrien.

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